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santé publique ( 5 janvier 2006)

Nuisances sonores : il n’y a pas que les oreilles qui trinquent !

Si l’on se doute qu’une exposition à des niveaux sonores excessifs peut avoir des conséquences irréversibles sur notre ouïe, on connaît moins bien les autres effets sur notre santé. D’après une récente étude européenne, ce n’est pas tant le bruit même qui nous nuit, mais la façon dont nous le vivons qui influera sur notre santé. Une influence qui peut être très néfaste…

Le bruit. Voilà bien une chose à laquelle nous sommes exposés sans bien souvent nous en rendre compte. Une cantine bruyante, le trafic routier, la sonnerie stridente de la cour de récréation, les klaxons des voitures, les sirènes des ambulances, la tondeuse du voisin…

On peut classer le bruit en deux grandes catégories : ceux qui sont trop forts et nous font mal aux oreilles, et ceux qui sont moins forts et que nous supportons. Ou que nous croyons supporter. Ou qui nous indisposent vraiment.

Si les bruits de notre vie quotidienne que nous jugeons agréables, comme une musique douce, le bruissement du vent dans les feuilles des arbres, ou encore des discussions ne posent évidemment pas de problème pour notre santé, il n’en va pas de même pour tous les bruits qui nous irritent comme la musique mise jusqu’au bout de la nuit par notre voisin et nous empêche de fermer l’œil. Mais il n’en va pas de même non plus pour tous ces bruits que nous nous infligeons pourtant avec plaisir comme la musique que nous mettons très fort dans notre baladeur. En réalité, la musique du voisin est bien moins nocive pour nos tympans que celle que la musique que nous mettons nous mêmes à fond. Mais elle risque bien de nous nuire tout autant, mais sur un autre plan !

Quand est-ce trop fort ?

Pour déterminer ce qu’est un son nuisible, il a fallu déterminer des limites applicables à tous. La première législation à avoir édicté des normes à ce sujet concerne le lieu de travail. Dans les entreprises, l’exposition sonore durant les 8 heures de travail est limitée à 90 dB, ce qui est déjà très élevé (voir tableau ci contre).

Mais dans la sphère privée, il n’existe pas de normes. Dans les écoles, elles ne s’appliquent qu’en tant que lieu de travail des enseignants. Mais si l’on tient compte de la santé de l’enfant qui fréquente l’école, aucune limite n’est fixée, en tout cas en Communauté Française.

Pourtant, une cloche qui sonne la fin de la récréation peut être un vrai calvaire lorsque les enfants sont dans le couloir ! Les hurlements des enfants, suivis par ceux des surveillants dans les réfectoires peuvent tout aussi bien leur abîmer les tympans. "Je ne veux plus aller au réfectoire. Il y a trop de bruit. Et quand Madame veut qu’on se taise, elle prend la louche et tape sur la table, juste à côté de moi. Même si je mets mes mains sur mes oreilles, ça me fait mal", dit Liam, 6 ans. De tels comportements ne sont pas pour arranger les effets néfastes du bruit…

L’ouïe en danger

Première conséquence d’une exposition trop importante à certains sons : le déficit auditif. Cela se traduit par une diminution de l’acuité acoustique des personnes trop souvent ou trop longtemps exposées à des sons trop forts. Ceux-ci peuvent également provoquer des acouphènes, à savoir un bourdonnement ou un sifflement perçu en permanence par la personne qui en est atteinte. Ces déficits sont irréversibles et peuvent non seulement troubler la vie sociale et professionnelle, notamment en cas de début de surdité, mais aussi psychologique, en particulier pour les personnes atteintes d’acouphènes.

Les lésions auditives peuvent être provoquées par une exposition prolongée à plus de 110 dB ou plus brève à 140 dB (voir tableau ci-contre). Ce dernier chiffre est ramené à 120 dB chez les enfants. Raison pour laquelle il est essentiel de sensibiliser les jeunes à ne pas écouter leur musique à des niveaux trop élevés que ce soit dans leur chambre, avec leurs écouteurs ou dans leur voiture.

Mais parfois, l’exposition ne dépend pas de celui qui entend ou écoute le son : on pense aux niveaux sonores excessifs dans certaines salles de cinéma ou de concerts de musique rock, le plus souvent…

Des chiffres français donnent froid dans le dos : à 20 ans, 44% des jeunes présentent déjà un déficit auditif, comme un début de surdité ou des acouphènes !

L’impact sur la santé

L’impact négatif de sons trop élevés sur notre ouïe est une évidence. Ce qui l’est moins, c’est l’effet d’un bruit qui n’est pas trop fort, donc pas nuisible à l’oreille, mais qui nous tape sur le système. Dans ce cas, nous parlerons davantage de nuisance sonore. La faculté de s’habituer au bruit est très variable d’une personne à l’autre : face à un même son, certains y seront tout à fait indifférents, d’autres le considéreront comme une véritable nuisance. Cependant, il est admis que les femmes y sont plus sensibles que les hommes, les personnes âgées que les jeunes adultes, les gens anxieux ou dépressifs que les autres. Voilà pour les généralités.

Par ailleurs, toutes les sources de bruit peuvent devenir des nuisances quand on n’arrive pas à s’y habituer ou qu’elles sont répétitives. Et elles sont nombreuses, ces sources de bruit. De la tondeuses à gazon aux avions qui se succèdent au dessus de la maison en passant par les aboiements incessants du chien du voisin, le trafic autoroutier, la musique et la télévision qui vont fort dans une autre pièce de la maison ou chez un voisin… Et on en passe et des meilleurs.

La question de l’impact du bruit sur notre qualité de vie et notre santé se pose de manière d’autant plus aiguë que nous y sommes toujours plus soumis. Mais il est très difficile de connaître avec certitude l’effet du bruit sur la santé, et ce pour plusieurs raisons. Tout d’abord, tant les maladies que leurs facteurs de risque peuvent être reliés à différentes causes et ne sont donc pas imputables au seul bruit. De plus, le seuil de tolérance au bruit varie très fort d’un individu à l’autre. L’un dormira profondément au passage d’un train à 100 mètres, alors que l’autre sera empêché de dormir par les basses d’un concert qui se déroule à plusieurs kilomètres. Et chacun vivra différemment ce bruit… Aussi, l’interprétation des statistiques mérite toute notre attention, tout en sachant néanmoins que les études ont été menées en tenant compte de ce "biais" et méritent d’être considérées comme fiables.

Ainsi, l’étude LARES (Large Analysis and Review of European housing and health Status) (1), menée à l’initiative de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), a combiné les résultats de 8 études menées dans des pays européens pour une meilleure compréhension de l’impact du bruit sur la santé. Elle en a déduit que les troubles diffèrent en fonction de la population : adultes, enfants et personnes âgées, mais aussi en fonction de la capacité de chacun à supporter le bruit, et de la source même du bruit. C’est dire si la matière reste complexe.

D’après cette étude, on constate chez les personnes qui considèrent les bruits

de leur entourage comme des nuisances importantes une augmentation importante de troubles qui n’ont rien à voir avec des problèmes auditifs : des allergies, de l’asthme, du diabète, des migraines, des problèmes cardiovasculaires, de l’hypertension, de l’arthrite, des bronchites et dans une plus grande mesure encore, des problèmes respiratoires et une dépression avérée ou sous-jacente… Cette augmentation est encore plus significative chez les enfants se plaignant beaucoup des nuisances sonores. Cela va jusqu’à 3 fois plus de problèmes de peau, de bronchites ou de problèmes respiratoires que chez les enfants qui ne sont pas exposés au bruit ou ne sont pas gênés par lui.

Chez les personnes âgées, les troubles se manifestent davantage sous forme d’arthrite, d’ulcère ou de dépression.

Du stress jusqu’au lit

Lorsque nous sommes soumis à un bruit soudain, la première réponse de l’organisme est une modification du rythme cardiovasculaire, comme l’explique le Dr Patricia Franco, de l’Unité de Sommeil pédiatrique à l’Hôpital universitaire des Enfants Reine Fabiola de Bruxelles : "La personne va d’abord manifester des réactions dites autonomes, comme une augmentation du rythme cardiaque ou de la tension artérielle ; ensuite, on va assister à une production de certaines hormones de stress."

Mais les effets des nuisances sonores ne s’arrêtent pas avec l’émission du bruit lui-même… Ainsi, une exposition en journée à des niveaux sonores de 85 dB durant 12 heures peut perturber les cycles normaux du sommeil : leur nombre va être réduit ainsi que la durée de certains d’entre eux, comme le sommeil à ondes rapides (REM), qui est le plus réparateur (2).

On constate donc que les personnes exposées au bruit en journée ont plus de risque d’avoir du mal à s’endormir, ont tendance à se réveiller pendant la nuit, éprouvent des difficultés à se rendormir et ont un temps de sommeil total réduit. Au lever, elles seront donc davantage fatiguées par manque de sommeil réparateur. "Chez ces personnes, on enregistre également une diminution de l’immunité ou de la tolérance glucidique", observe le Dr Franco.

Conséquences de ce mauvais sommeil : une diminution des performances et une difficulté de concentration dont les risques ne sont pas nuls en particuliers chez les ouvriers ou les transporteurs routiers, une seconde d’inattention pouvant se révéler fatale.

Toutes ces données sont bien connues des spécialistes du sommeil. Elles devraient davantage être prises en compte dans tous les débats qui concernent notamment la gestion du trafic aérien nocturne… Une grande question qui revient régulièrement à la Une des media.

Carine Maillard

(1) Etude LARES (Large Analysis and Review of European housing and health Status), menée à l’initiative de l’OMS par les Dr Hildegard Niemann et le Dr Christian Maschke. Rapport complet sur le site de l’OMS : http://www.euro.who.int/Noise/ Activities/20031014_1

(2) Nakagawa Y. Sleep disturbances due to exposure to tone pulses throughout the night. Sleep, 10 463-472, 1987.

 

Les enfants pas épargnés

Le Dr Patricia Franco, de l’Unité de Sommeil pédiatrique à l’Hôpital universitaire des Enfants Reine Fabiola de Bruxelles, s’est beaucoup intéressée à la problématique des effets des nuisances sonores sur la santé des enfants, et des adolescents : "Le bruit génère également du stress et des modifications cardiovasculaires et hormonales, même sans que nous nous en rendions compte. On assiste même à une augmentation chronique de la tension artérielle, même chez de très jeunes enfants soumis aux nuisances sonores", précise le Dr Patricia Franco. L’étude de Regecova (1), publiée en 1995, révèle en effet que chez les enfants de 3 à 7 ans fréquentant l’école maternelle et exposés à un environnement bruyant, on note une augmentation des tensions systolique et diastolique.

Autre effet : la diminution de la croissance, étant donné que l’hormone nécessaire est synthétisée au moment du sommeil profond, ainsi qu’une augmentation de l’agressivité et une diminution de la sociabilité.

Chez l’enfant, la fatigue qui résulte d’un mauvais sommeil se traduit par divers troubles au niveau scolaire : troubles de l’apprentissage du langage, troubles de l’attention ; troubles de la lecture, mais aussi troubles de la mémoire pour des tâches complexes chez les écoliers.

Il est important de savoir que le jeune enfant souffre davantage du bruit ambiant que les adultes, car il n’est pas encore capable de différentier les sources de bruit simultanés qui l’entourent. Cette maturation se produit seulement entre 5 et 9 ans. Les études montrent par ailleurs que les filles insupportent davantage les sons aigus, et les garçons les sons chroniques. CM

      "Regecova-V; Kellerova-E". Effects of urban noise pollution on blood pressure and heart rate in preschool children. J-Hypertens. 1995 Apr; 13(4): 405-12.

comment agir ?

Les premières règles pour éviter les nuisances par le bruit sont à prendre individuellement.

• Ne pas écouter la télévision ni la musique (à la maison comme en voiture) à des niveaux trop élevés, et cela surtout en présence d’enfants.

• Eviter les jeux trop bruyants pour les enfants (cela vaut aussi pour certains adultes adeptes de jeux vidéo !).

• Eviter de se rendre trop souvent dans des lieux où la musique est assourdissante (discothèques, concerts…). Mais comme il n’est pas question de se passer de lieux où l’on peut écouter de la musique, insister auprès des jeunes pour qu’ils évitent de se placer trop près des baffles.

• Informer et sensibiliser les enfants et les jeunes sur les risques de lésions auditives irréversibles à écouter de la musique à un niveau sonore trop élevé.

• Au cinéma, si le son est trop élevé, ne pas hésiter à se plaindre aux responsables de la salle au moment même. Si cela se reproduit, réagir par exemple par courrier auprès du groupe propriétaire du complexe cinématographique ou interpeller des associations de consommateurs ou d’utilisateurs qui pourront recevoir les plaintes et agir.

• Questionner ses enfants sur le bruit dans l’école. S’ils se plaignent de quelque chose de précis, à un moment bien particulier de la journée, par exemple du bruit dans le réfectoire, pourquoi ne pas avertir la direction et demander si des aménagements ou mesures acoustiques sont possibles : instauration de plusieurs services pour limiter le nombre d’élèves présents simultanément dans le réfectoire, placement de cloisons… L’association Jeunesse et Ecologie, très active dans ce domaine, peut venir apporter son expertise dans toute la Belgique francophone et donner des conseils "bon marché" tant aux architectes qu’à la direction, pour une gestion du bruit dans l’école (1).

(1) Jeunesse et Ecologie asbl, Rue Godefroid, 44 à 5000 Namur. Tél. 081/22.96.28. - Fax. 081/22.96.31. -

 www.jeunesse-et-ecologie.be     - info@jeunesse-et-ecologie.be .

 

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