La santé publique
(1er décembre 2011)
Amiante
Un jugement implacable
Le premier procès belge intenté par une victime “environnementale”
de l'amiante s'est conclu par une lourde condamnation d'Eternit.
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ABEVA |
On n'achète pas le silence des victimes. C'est l'un des
enseignements du procès qui vient de se terminer devant le Tribunal civil de
Bruxelles. Celui-ci vient de condamner la société Eternit à verser 250.000
euros de dédommagement aux enfants survivants de Françoise Jonckheere,
victime “environnementale” de l'amiante dans les années septante et
quatre-vingt. Peu avant son décès, en 2000, cette dame ayant vécu à
Kappelle-op-den-Bos, où se fabriquait l'asbeste-ciment, s'était vu promettre
une somme de 43.000 euros par Eternit en échange de l'arrêt de son action en
justice contre la société. Elle avait refusé.
Ce jugement est une claque pour Eternit (qui ira très probablement en
appel). En effet, le tribunal ne s'est pas contenté de réfuter la
prescription des faits, soutenue par la défense. Il a aussi relevé, dans le
chef de la société multinationale, “le cynisme incroyable avec lequel
des connaissances scientifiques ont été balayées par appât du gain”. Il
a aussi estimé – et c'est une première dans le monde judiciaire – que la
firme a voulu “combattre les initiatives légales en vue de la protection
de la santé publique”. Le juge fait ainsi référence au lobbying exercé
par ses dirigeants auprès des mondes politique et scientifique pour
minimiser les effets du produit et pour retarder les réglementations
limitant ou interdisant son usage. Enfin, d'une puissance symbolique
exemplaire, ce jugement reconnaît les souffrances des familles frappées par
une maladie – le mésothéliome, notamment.
Du côté de l'Abeva, l'association qui soutient les victimes de l'amiante, on
estime que ce jugement devrait inciter d'autres malades à tenter de faire
valoir leurs droits en justice face à Eternit. Sur le plan légal,
l'association estime urgent de supprimer la disposition selon laquelle toute
personne ayant accepté l'intervention du Fonds amiante ne peut plus se
retourner en justice contre celui qu'elle estime responsable de sa maladie
(le plus souvent l'employeur). Déjà, des voix parlementaires s'élèvent pour
réclamer l'augmentation de la contribution payée par les employeurs au Fonds
amiante, lorsque ceux-ci ont été condamnés définitivement. Ce qui,
rappelons-le, n'est pas encore acquis dans le cas d'Eternit, vu la
possibilité d'appel…
//PhL
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