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Santé publique (17 avril 2014)


La chirurgie bariatrique, entre rêve et déception

© SCIENCE BELGAIMAGE

Bypass, Sleeve, anneau… le nombre de patients obèses qui recourent à une opération pour perdre du poids ne cesse de croître. La chirurgie bariatrique est pourtant loin d’être la solution miracle. Elle exige une modification des habitudes alimentaires et du mode de vie pour obtenir les meilleurs résultats de façon durable. Un suivi médical, diététique et psychologique est dès lors indispensable.

Dans le traitement de l’obésité, la chirurgie bariatrique est un moyen efficace de perdre beaucoup de poids et de résoudre nombre de pathologies liées à l’obésité : diabète, complications cardio-vasculaires, apnées du sommeil, problèmes articulaires… Des études l’ont prouvé à moyen terme et ce, dans des indications précises. Cela étant, quelles que soient les techniques utilisées (voir ci-dessous), il s’agit toujours d’interventions lourdes. Elles comportent un risque non négligeable de complications et entraînent à des degrés divers des carences en vitamines et oligoéléments, auxquelles il faudra suppléer. Sans parler des conséquences sur le mode de vie, la vie sociale, la transformation du corps, l’image de soi … Nous y reviendrons plus loin.

L’acte chirurgical doit être réservé aux patients atteints d’obésité morbide, comme le confère d’ailleurs la législation. Il représente bien souvent pour eux la seule solution pour retrouver un indice de masse corporelle raisonnable et limiter les complications médicales liées à leur obésité”, précise le Dr Hubert Dereppe, coordinateur médical de l’équipe de la chirurgie de l’obésité au Chwapi à Tournai. “Mais la chirurgie ne doit pas être vue comme une solution en soi, il s’agit d’une étape dans un processus de perte de poids durable, ajoute Fanny Descamps, sa collègue diététicienne et accompagnatrice de la chirurgie de l’obésité. La personne devra, dans un premier temps, comprendre ce qui l’a amenée à grossir, afin d’envisager une éventuelle modification dans ses comportements alimentaires. Notre objectif n’est pas de proposer aux patients un nouveau régime mais plutôt de montrer comment les privations engendrées par les régimes peuvent amener à une prise de poids à long terme. Un suivi régulier et prolongé sur les plans médical, diététique et psychologique est dès lors nécessaire.

Le Dr Dereppe insiste : “Une prise en charge multidisciplinaire est donc indispensable, tant avant qu’après l’opération.” Du reste, la législation belge l’exige, en fixant les conditions de remboursement de telles interventions chirurgicales (voir ci-dessous), elles-mêmes inspirées des directives scientifiques internationales.

Des contre-indications

La chirurgie bariatrique ne convient donc pas à tous les patients obèses. Bien les “sélectionner” permet de leur donner toutes les chances de réussite. C’est le rôle que doit remplir l’équipe multidisciplinaire qui entoure – en principe – le chirurgien, comme la législation le prévoit.

Au Chwapi, la procédure est rigoureuse et on ne transige pas avec les critères légaux. Toute personne candidate à la chirurgie rencontre durant plusieurs mois différents professionnels (médecins spécialistes, kinésithérapeute, psychologue, diététicien…). Ils vont l’accompagner, la soumettre à différents examens, l’informer, la conseiller, explique le Dr Dereppe. Tout un travail est entrepris aussi par la psychologue et la diététicienne pour aider la personne à y voir plus clair dans son obésité et comprendre ce qui s’y joue. C’est vraiment capital pour la suite. On y aborde l’histoire familiale, le mode de vie, les comportements alimentaires, la gestion des émotions, l’image du corps, l’estime de soi… In fine, l’objectif est de réaliser un bilan complet de l’état de santé de la personne et de l’accompagner au mieux vers cette intervention chirurgicale.

Différents types de contre-indications peuvent toutefois se présenter, les premières étant relatives à l’anesthésie générale. Des contre-indications médicales comme par exemple les pathologies évolutives du tube digestif sont également une cause d’exclusion. Enfin, la chirurgie bariatrique est contre-indiquée pour les patients qui présentent des troubles psychiatriques importants et non stabilisés ou des addictions sévères comme l’alcoolisme.

Pourtant, comme le dénonce Dominique Nosbusch, diététicienne à la Clinique Sans souci, un hôpital psychiatrique bruxellois, il n’est pas rare que des patients présentant de tels problèmes soient quand même opérés, avec des conséquences négatives, voire dramatiques, comme une décompensation psychique, des effets secondaires physiques importants, des troubles alimentaires compulsifs, une dépression, un(e) (tentative de) suicide…

Bien entendu, la personne qui va consulter un chirurgien peut lui cacher ses troubles psychiques. C’est pour cela que la loi impose, avant toute décision d’intervention, une concertation en équipe multidisciplinaire à laquelle participe un psychiatre ou un psychologue clinicien”, tempête-t-elle. “À l’hôpital Erasme, les chirurgiens n’opèrent pas les patients pour lesquels le psychiatre, la psychologue et moimême avons émis un avis négatif, précise Marie Baréa, diététicienne, attachée à la cellule de chirurgie bariatrique à l’hôpital universitaire. Mais ce n’est pas le cas partout. Dans certains hôpitaux, on ne s’encombre pas de tout ce travail préopératoire et on opère à tour de bras sans respecter les critères d’exclusion ni se préoccuper de l’adhésion du patient au traitement.” Un point de vue pour le moins inquiétant, hélas partagé par plusieurs spécialistes, et confirmé par des patients eux-mêmes.

Un suivi au long cours

Après l’intervention, le suivi pluridisciplinaire est tout aussi indispensable tant les enjeux sont importants. Sur le plan médical, il s’agit de détecter des complications éventuelles, de prévenir les carences alimentaires, de suivre l’évolution de l’état de santé et des pathologies associées à l’obésité… Sur le plan nutritionnel et diététique, des conseils sont nécessaires pour aider la personne à s’alimenter autrement, lui réapprendre à manger sainement, l’inviter aussi à se mettre en mouvement, à faire de l’exercice physique. Les bouleversements psychologiques ne sont pas négligeables non plus.

Ici aussi, les hôpitaux sérieux ont élaboré une sorte de trajet de soins que les patients opérés se sont engagés à suivre : des consultations sont fixées à intervalles rapprochés avec le chirurgien et le diététicien durant la première année qui suit l’intervention. Puis ces rendez-vous s’espacent au fil des ans, le médecin traitant étant associé dès le début puis invité à prendre le relais au long cours. Car c’est à vie qu’un suivi est indispensable.

La consultation d’un psychologue est, quant à elle, vivement conseillée quelques mois après l’intervention. “Les premiers temps (un an, voire deux), sauf complications, les patients vivent généralement une sorte de lune de miel, explique Fanny Descamps. Leur perte de poids est massive et ils retrouvent de l’énergie, se sentent mieux dans leur corps et dans leur tête. Mais dans certains cas, la phase de stabilisation peut entraîner une angoisse et la peur de regrossir peut être très mal vécue. D’où l’importance de la place du psychologue dans le suivi à long terme des patients.” “Quand bien même on peut parler de réussite pondérale, elle n’est pas tout, met encore en garde le Dr Dereppe. Les complications médicales sont plus faciles à observer que les complications psychologiques. Pourtant les dégâts collatéraux ne sont pas négligeables notamment dans le couple. Il ne faut en tout cas pas laisser s’installer le mal-être.

//JOËLLE DELVAUX

 Des conditions strictes de remboursement 

En Belgique, l’assurance soins de santé obligatoire prend en charge les interventions de chirurgie bariatrique(1) pour autant que plusieurs conditions soient réunies :

  • Au moment où l'indication opératoire est posée, le patient doit présenter un indice de masse corporelle (IMC)(2) supérieur à 40 kg/m2 ou un IMC égal ou supérieur à 35 kg/m2 associé à au moins un des facteurs de comorbidités suivants : - un diabète traité par médicaments, - une hypertension artérielle traitée par une combinaison de trois antihypertenseurs depuis au moins un an, - un syndrome d’apnées du sommeil, objectivé par polysomnographie. L’opération est également prise en charge lorsqu’une ré-intervention est pratiquée après échec d’une chirurgie bariatrique antérieure (complications ou résultat insuffisant).

  • Le patient doit être âgé de 18 ans minimum.

  • Le patient doit avoir suivi, pendant au moins un an, un traitement par un “régime documenté” sans obtenir de résultat stable.

  • Une concertation multidisciplinaire doit être effectuée au préalable, à laquelle participent conjointement un chirurgien, un endocrinologue ou un interniste, un psychiatre et/ou un psychologue. Le rapport de cette concertation explicitant l’indication opératoire doit être signé par les praticiens et être consigné dans le dossier médical du patient, tout comme les données relatives au traitement par régime.

(1) Le montant restant à charge du patient varie – notamment – selon les techniques utilisées et le choix de la chambre (des suppléments d’honoraires peuvent être facturés en chambre individuelle).

(2) L’indice de masse corporelle est le rapport entre le poids (exprimé en kg) et le carré de la taille (exprimé en mètre). On parle d’obésité dès que l’IMC atteint 30 kg/m2.

Trois techniques chirurgicales

© DPA BELGAIMAGE

Il existe deux mécanismes par lesquels la chirurgie peut aider à contrôler l’obésité : la restriction et la malabsorption.

> Les opérations de restriction.

Elles visent à diminuer la quantité d’aliments ingérés.

> Les opérations de malabsorption.

Elles visent à diminuer l’absorption des aliments : une partie de l’alimentation, pauvrement digérée, est éliminée via les selles.

À l’heure actuelle, les techniques les plus pratiquées en Belgique sont le Bypass gastrique, la Sleeve gastrectomie et, dans une moindre mesure, l’anneau gastrique.

Le Bypass gastrique est une combinaison des techniques restrictive et malabsorptive. La taille de l’estomac est réduite à une petite poche après agrafage au niveau de la partie haute de l’estomac. Cela a pour effet de diminuer la quantité d’aliments ingérés. De plus, l’assimilation de ces aliments par l’organisme est réduite grâce à un court-circuit d’une partie de l’estomac et de l’intestin. Cette méthode est réversible.

La Sleeve gastrectomie est une technique restrictive qui consiste à retirer environ les deux tiers de l’estomac et, notamment, la partie contenant les cellules qui secrètent l’hormone stimulant l’appétit. L’estomac est réduit à un tube vertical et les aliments passent rapidement dans l’intestin. Cette méthode ne perturbe pas la digestion des aliments. Elle est irréversible.

L’anneau gastrique ajustable est une technique restrictive permettant de diminuer le volume de l’estomac et de ralentir le passage des aliments. Un anneau (dont le diamètre est modifiable) est placé par laparoscopie autour de la partie supérieure de l’estomac, délimitant ainsi une petite poche. Peu d’aliments sont nécessaires pour remplir cette dernière et la sensation de satiété apparaît rapidement.

Cette méthode est réversible: en cas d’enlèvement de l’anneau, l’anatomie de l’estomac est complètement restaurée.

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