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Santé publique (7 mars 2013)


Bisphénol A : l’étau se resserre

© Philippe Turpin/Belpress
De plus en plus suspect, le bisphénol A est en bonne voie pour être définitivement rayé de nos contenants alimentaires. Dans sa chute, ce produit chimique pourrait emmener d’autres produits utilisés dans notre vie quotidienne. En attendant, le recours à certaines boîtes et bouteilles doit se faire avec modération.

Depuis le 1er janvier 2013, le bisphénol A, un produit fortement suspecté (notamment) d’altérations du système reproducteur, est interdit en Belgique dans les contenants alimentaires pour enfants de 0 à 3 ans. Cette interdiction, qui fait suite à son bannissement dans les biberons en plastique, est la conséquence d’un avis du Conseil supérieur de la santé (CSS) et, surtout, d’une série d’études internationales invitant à la grande prudence avec ce perturbateur endocrinien à la réputation sulfureuse.

Dans un avis plus récent, qui a fait l’objet d’une discrétion étonnante (que l’on se souvienne de l’émoi médiatique considérable autour de ce produit début 2011!), le CSS vient de revenir sur le sujet. Il va sensiblement plus loin dans son appel à la prudence. Il recommande en effet de réduire l’exposition au bisphénol et à d’autres perturbateurs endocriniens, même à des valeurs inférieures à l’actuelle dose journalière admissible (DJA).

Pénurie de savoir

Cette recommandation vaut particulièrement pour les femmes enceintes et les nourrissons. Elle est intéressante à plusieurs titres. D’abord parce qu’elle clarifie un peu les conseils concrets à donner au consommateur (lire plus bas). Ensuite – et ce n’est pas la moindre de ses portées - elle ébranle la notion de DJA. Ces valeurs, régulièrement brandies par les défenseurs du bisphénol (ils étaient nombreux, il y a quelques années à peine…) et de tant d’autres produits chimiques, ont souvent été avancées pour rassurer au nom du sacro-saint principe du “respect des normes et législations en vigueur”.

Mais le Conseil de la santé ne s’arrête pas là. Il constate la pénurie de connaissances toxicologiques approfondies relatives aux alternatives au polycarbonate (soit le polymère synthétique qui contient du bisphénol). Il vise explicitement une série de produits aux noms rébarbatifs pour le profane : le PET (polyéthylène téréphtalate), le PP (polypropylène), le PES (polyéthersulfone), le PSE (polyphénylsulfone), de même que les silicones. Dans ce sens, il semble s’aligner sur les voix inquiètes qui, depuis plusieurs années, estiment que des matériaux alimentaires sont mis sur le marché en l’absence de données scientifiques suffisamment rigoureuses quant à leurs effets sur la santé. Par exemple lorsque certains composants de ces matériaux migrent vers l’aliment.

Etudes à l’appui

Faut-il s’inquiéter? Oui et non. Oui, pour deux raisons. Primo, l’avis du CSS ne fait que s’inscrire dans l’esprit d’une longue série de découvertes scientifiques préoccupantes, ou d’informations sur la fragilité des évaluations toxicologiques de ces familles de produits. Ainsi, quelques jours à peine après la publication du CSS, la presse française se faisait l’écho d’une étude de l’Inserm(1). Selon ses auteurs, même de très faibles doses de bisphénol entraînent des défauts de développement des organes sexuels masculins (par inhibition de la testostérone). La nouveauté, c’est que le laboratoire à l’origine de cette publication a prouvé cet effet à partir de fragments de testicules foetaux humains placés dans un milieu de culture. Selon les observations des chercheurs, ces perturbations s’observent à partir d’une concentration très faible : elle correspond à la teneur moyenne du produit dans l’ensemble de la population.

Secundo, l’Agence européenne de l’environnement (AEE) vient de sortir un rapport plutôt interpellant, dénonçant les “retards à l’allumage” observés ces dernières décennies dans la prise en compte des risques sanitaires présentés par de nombreux produits. A côté du plomb dans l’essence, du DDT (pesticide organochloré) ou, plus récemment, des nanomatériaux, elle cite le bisphénol A, regrettant que les effets de tous ces produits aient trop longtemps été ignorés, niés ou cachés.

Pas de panique

Il faut pourtant nuancer l’inquiétude. C’est ce que fait le CSS en rappelant qu’à l’inverse de l’ingestion, le contact de la peau avec le bisphénol n’est, pour le commun des mortels, qu’une voie tout à fait mineure de pénétration du produit dans l’organisme. Et cela, quel que soit l’âge. De quoi apaiser les consommateurs qui s’étaient inquiétés, il y a deux ans, de l’imprégnation des tickets de caisse par du bisphénol. Selon le CSS, le personnel de caisse des magasins doit, lui, continuer à rester vigilant (on pense particulièrement aux caissières enceintes). La découverte française, par ailleurs, ne prouve pas de lien, à ce stade, entre l’exposition au bisphénol et le cancer du testicule, une forme de cancer rare mais en constante progression dans les pays industrialisés.

Quelques recommandations

Reste la question : comment réduire son exposition au produit? Experte à la base de l’avis du CSS, Marie-Louise Scippo (Université de Liège) recommande “d’utiliser le verre, matériau inerte, chaque fois que possible; de ne pas user jusqu’à la corde les contenants en plastique destinés au four à micro-ondes; d’éviter (pour les femmes enceintes) les fontaines à eau placées dans les collectivités et lieux de travail”. En effet, à l’inverse des petites bouteilles, elles sont fabriquées à partir de polycarbonate, polymère synthétique contenant du bisphénol (ce qui lui assure une plus grande rigidité). Sans compter les traditionnels messages appelant à modérer la consommation de produits alimentaires contenus dans les canettes (sodas) et les boîtes de conserve (à ne jamais chauffer!).

La suite logique de l’avis du CSS serait l’interdiction totale du bisphénol A à usage alimentaire par la ministre fédérale de la Santé”, estime-t-on du côté d’Inter-environnement Wallonie (IEW, portail Santé/environnement). En France, c’est prévu pour 2015. “Le gouvernement suédois, parmi d’autres, y pense également”. Il est vrai qu’en Belgique, on prend souvent le temps. L’avis récent du CSS avait été annoncé, initialement, pour l’été 2011. Bouclé seulement en avril 2012, il n’a été publié que le 16 janvier 2013…

// PHILIPPE LAMOTTE

(1) Inserm : Institut national de la santé et de la recherche médicale (France).


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