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Santé publique (21 février 2013)


Guérisseurs en stock

© Reporters

 Attention aux arnaques 

Une enquête menée par le Centre de recherche et d’information sur les organisations de consommateurs (Crioc - 2007) indique que 2% des Belges ont déjà eu recours aux services de guérisseurs. Coût moyen de la consultation: 21 euros, mais la somme demandée peut parfois être beaucoup plus élevée et atteindre le millier d’euros! Méfiance donc. Ces pratiques sont loin d’être transparentes. Et la bonne volonté de certains ne doit pas masquer la vénalité et les abus d’autres “praticiens”.

La Wallonie serait un vivier de guérisseurs en tous genres. L’anthropologue Olivier Schmitz est allé à leur rencontre. Le point sur un travail de recherche qui se poursuit toujours et qu’il est venu partager à l’Observatoire de la santé du Hainaut.

Les guérisseurs, Olivier Schmitz les a rencontrés à l’époque où il envisageait de consacrer sa thèse d’anthropologie aux sorciers en Wallonie. Les sorciers ne se rencontrent pas aux coins des bois. Les guérisseurs sont d’accès plus facile. C’est sur eux qu’Olivier Schmitz a d’abord concentré ses recherches. Et juste retour des choses, ce sont eux qui par la suite ont permis à l’anthropologue de renouer avec son projet d’origine, les sorciers, puisqu’il a enfin pu rencontrer leur avatar féminin, les désenvoûteuses.

Points communs

Un guérisseur n’est pas l’autre. “On peut distinguer des catégories de guérisseurs, explique Olivier Schmitz. On trouve ainsi des rebouteurs, qui remettent en place des membres démis. Les signeurs, appelés aussi conjureurs ou barreurs de feu, constituent une autre catégorie. Les radiesthésistes ou magnétiseurs disent travailler sur le corps vibratoire et rééquilibrer les énergies. Quant aux géobiologues, ils prennent en compte l’environnement qui serait la source de dérèglements. Il y a enfin les sorciers, que j’ai approchés à travers les désenvoûteuses ou désensorceleuses.” Tous ces praticiens partagent un point commun : ils sont des praticiens de l’invisible. Leurs approches des maladies ont à voir avec des énergies, des esprits ou un mauvais sort. Autre constante : recourir à un guérisseur répond à une recherche de sens sur les causes de ce qui arrive. “On les contacte quand un problème s’attarde, poursuit Olivier Schmitz, quand on pense à multiplier les approches, à ajouter quelque chose à une démarche plus traditionnelle. Les guérisseurs ont ceci de particulier qu’ils se focalisent sur les causes du problème. Les personnes qui les consultent ont besoin de sens. Elles se demandent pourquoi ‘elles’, maintenant, et ce qu’elles peuvent faire. Un guérisseur dira toujours qu’il va voir ce qu’il peut faire. Ceux que j’ai rencontrés précisent qu’ils ne guérissent pas. En cela, ils ne sont pas en concurrence avec la médecine. D’ailleurs, personne n’est présent dans le champ occupé par les signeurs par exemple.

Désenvoûteuses

Au cours de ses recherches, Olivier Schmitz a pu rencontrer, grâce à l’introduction des guérisseurs, deux désenvoûteuses. Il a même pu assister l’une d’elles dans son cabinet, son “occultum”. C’est peu dire qu’il a eu le temps d’observer la dynamique à l’œuvre. Sa conclusion: “Des problèmes de couples sont souvent évoqués, ou des tensions familiales. La désenvoûteuse va s’employer à renvoyer le mal, en évitant d’identifier la source du mal. En tout cas, une désenvoûteuse responsable va laisser planer le doute sur l’identité de la personne à l’origine de l’envoûtement. Les personnes arrivent généralement victimes et déprimées. La cure va leur permettre de remobiliser leur énergie, tout en évitant qu’une tierce personne fasse les frais de l’entreprise!” Et de citer l’affaire de Léo au centre d’un procès relativement récent en rapport avec la sorcellerie. Léo avait tué sa tante, qu’une désenvoûteuse avait (maladroitement) identifiée comme la source de ses maux.

Dans cette affaire, Olivier Schmitz avait été entendu comme expert culturel. Une expérience qui lui a permis de mesurer l’impact de certains clichés et préjugés, à la fois chez les hommes de lois et dans les médias. “Léo était présenté par son avocat comme limité intellectuellement pour avoir consulté une désenvoûteuse. D’autre part, la Vallée de l’Amblève où s’est déroulé le drame est assimilé à un isolat culturel coupé du monde. Or, de nombreuses études en sciences cognitives aident à comprendre pourquoi on peut en arriver à ce genre de recours. Nous aurions une tendance naturelle à attribuer à une cause extérieure ce qui semble s’acharner sur nous, voire à désigner autrui comme la source de nos malheurs.” Une tendance naturelle à laquelle semblent se laisser aller ceux et celles qui consultent les quelque trois mille guérisseurs wallons.

// VÉRONIQUE JANZYK

>> A lire : Olivier Schmitz, Soigner par l’invisible, éditions Imago, 2006.

 A lire aussi 

Médecins et sorciers

Tobie Nathan, psychologue, et Isabelle Stengers, philosophe, viennent de rééditer leur ouvrage ethnopsychiatrique : Médecins et sorciers. Il s’adresse à un public avisé. Dans ce manifeste, les auteurs décrivent les parallélismes que l’on peut faire entre médecine scientifique et thérapeutiques traditionnelles (essentiellement, issues d’Afrique). Ils proposent d’analyser sérieusement les techniques utilisées par les guérisseurs (divination, sorcellerie, fétiche…), en ne les opposant plus à la rationalité moderne, notamment dans le domaine de la psychiatrie.

Pour beaucoup, la médecine moderne est rationnelle mais elle écoute peu le patient ; tandis que les guérisseurs agissent sur le symbolique, tout en étant à l’écoute du patient. Les deux auteurs réfutent cette opposition. Selon Tobie Nathan, les guérisseurs sont intéressants justement parce qu'ils n'écoutent pas les patients : les techniques de “divination” s'opposent à celles du “diagnostic”. En interrogeant l'invisible, en identifiant ses intentions, ceux-ci construisent de véritables stratégies thérapeutiques. La médecine moderne se caractérise, elle, par son empirisme et non pas par sa rationalité. Le thème de la rationalité sert à combattre les autres techniques de soin. L'objectif du psychologue et de la philosophe est d’obliger à repenser le rapport entre la culture occidentale et les autres.

>> Médecins et sorciers • Tobie Nathan et Isabelle Stengers • Ed. La Découverte • 2012 • 180 p. • +/- 16 EUR.

Témoignages

> Foi de guérisseurs

De la nature de son “secret”, Anne ne révélera rien. “Un secret, c’est un secret.”, dit-elle. On saura juste qu’elle l’a hérité de son mari, il y a près de trente ans. Ce secret fait d’elle une barreuse de feu. “Je calme les douleurs des brûlures. Ça peut être des brûlures occasionnées par les barbecues, et je suis assez sollicitée en été! Mais il y a aussi les douleurs que ressentent des personnes qui suivent un traitement de radiothérapie contre le cancer. Un kiné m’envoie d’ailleurs des patients dans ce cadre.” Si le secret fonctionne bien, de visu ou par téléphone, s’il apaise la douleur et minimise, voire fait disparaître les cicatrices, il ne permet pas d’agir préventivement. En effet, Anne est parfois contactée par des patients qui voudraient éviter les brûlures des rayons en radiothérapie. L’intervention est gratuite, c’est une constante chez les barreurs de feu (aussi appelés conjureurs ou signeurs quand ils utilisent le signe de croix).

Soledad possède le même don. Elle collabore avec des hôpitaux français. “Je demande qu’on me donne le nom, le prénom de la personne, et qu’on me décrive précisément les zones brûlées.” Infirmière pendant trente ans en bloc opératoire, elle a reçu le don de sa mère, en même temps qu’un autre, la voyance, à laquelle elle attribue aussi une vertu de soutien. “C’est une manière d’aide à clarifier la situation chez ces personnes”, explique-t-elle. “Au début, vous avez des doutes sur ces dons dont vous héritez. C’est légitime. Puis ça se précise. Nous sommes avant tout des êtres humains.

Antoine, lui, est magnétiseur. Un don dont il a eu l’intuition dès l’enfance. Antoine soulage la douleur et rééquilibre l’énergie en posant les mains sur le corps des personnes qui le consultent. Elles ressentent alors souvent de la chaleur sur cette zone du corps. Les motifs de consultations sont nombreux : migraines, maux de dos, fatigue… “Je ne me livre jamais à aucun diagnostic”, explique-t-il. “C’est complémentaire à une approche médicale. Venir me voir ne doit jamais remplacer une consultation chez un médecin. Les traitements en cours doivent toujours être poursuivis. Je soulage. Je ne guéris pas. Je fais ce que je peux, à mon niveau.” Antoine ne monnaie pas son don, n’applique pas de tarif. Mais il accepte une certaine forme…de don, laissé à l’appréciation de chacun.

> Vécu du public

Je ne parviens pas à me remettre d’une opération au genou, explique Pascale. Je suis allée voir un guérisseur qui travaille par imposition des mains. Il reçoit dans une pièce assez surprenante. Il y a des statues de la Vierge et des angelots partout. Lui était vêtu d’une longue tunique. Tout un décorum. J’ai été un peu décontenancée, je dois l’avouer. Il a passé les mains autour de mon corps sans le toucher. Je ne sais pas comment expliquer tout ceci, mais il me semble que j’ai moins mal. Je boite moins. J’ai repris les consultations chez le kiné avec plus de régularité.

Carole, elle, a contacté un guérisseur qui travaille par téléphone. “On m’a donné le numéro par hasard, dans une conversation. Cette personne aurait soi-disant pu m’aider dans un problème de bégaiement que je rencontre en période de stress. Un problème d’enfance qui revient. C’était surréaliste. Je m’interroge encore sur ma démarche. Comme si tout allait pouvoir se régler d’un coup de baguette magique. Le coup de fil aura servi à me faire me poser une bonne question! J’ai plutôt besoin d’apprendre à gérer mon stress.


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