Vie Quotidienne
(6 décembre 2012)
Les huiles essentielles à
la rescousse des jeunes malades
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© Garo-Phanie/Reporters |
Depuis près
de deux ans, le service de neurologie pédiatrique des Cliniques
universitaires Saint-Luc (UCL) utilise les huiles essentielles pour détendre
les enfants hospitalisés et rendre leur séjour un peu plus agréable. Une
méthode qui fait tache… d’huile dans d’autres services de la clinique et
chez les parents des petits patients.
Des badges avec
leur prénom, fleuris et aux couleurs de la nature sont accrochés à leur
poche. Ils les trahissent : ces infirmières sont un peu particulières. Elles
apportent un vent de fraîcheur et de “zen attitude” dans ce couloir coloré
où séjournent de jeunes malades. Formées en aromathérapie, elles jonglent
avec les soins traditionnels et des petits “bonus bien-être”. Véronique
Blondelet est l’une d’entre elles : “L’aromathérapie ne se substitue pas aux
traitements médicamenteux. Elle l’accompagne et agit sur d’autres plans : le
confort, le stress et la douleur.” Les enfants hospitalisés dans ce service
sont soumis à une batterie d’examens et de traitements pour des pathologies
diverses (trouble moteur, épilepsie, traumatisme crânien, tumeur cérébrale,
etc.). “Au vu de cette situation souvent pénible pour eux et pour leur
entourage, continue Bénédicte Lambotte, infirmière formée en aromathérapie,
nous avons décidé de soumettre notre projet ‘bien-être’ au Professeur Nassogne, notre chef de service, à notre infirmière-chef ainsi qu’à notre
cadre infirmier, qui l’ont accueilli avec enthousiasme et nous ont soutenues
tout au long de notre démarche. Après une formation pointue de quatre jours,
dont un consacré exclusivement à l’aromathérapie en pédiatrie, nous sommes
revenues dans le service avec plein de ‘formules’ d’huiles essentielles pour
atténuer le stress que peut engendrer un séjour à l’hôpital.”
Pas
d’improvisation
De la mandarine, de l’eucalyptus ou de la menthe poivrée…
Même si ce sont des extraits naturels, ils ne sont pas sans danger. Il ne
faut, en aucun cas, improviser. “On ne joue pas aux apprentis sorciers,
s’exclament deux infirmières “aroma”, Bénédicte Lambotte et Marie-Françoise
Nihoul. Tout est précision. Si une préparation requiert une goutte de telle
huile, il faut s’en tenir à cela.” Surtout en milieu hospitalier avec des
enfants présentant un problème de santé, rigueur et précautions sont de
mise. Les huiles essentielles sont des concentrés de plante ; leur puissance
est indéniable. A titre d’exemple, elles doivent être conservées
exclusivement dans des flacons en verre car elles feraient fondre ceux en
plastique, à l’abri de la lumière et hors de portée des enfants.
“Il faut
suivre à la lettre les précautions d’usage, continue Bénédicte Lambotte.
Le personnel infirmier de notre service a été formé en aromathérapie.
Nous utilisons les huiles essentielles en massage et en diffusion avec un
appareil à ultrasons ou juste en mettant une goutte sur l’oreiller ou un
mouchoir. Les instructions sont précises pour chaque utilisation. Par
exemple, à chaque âge, correspond un nombre bien précis de gouttes. Ou
encore les massages se font seulement à certains endroits du corps : sur le
plexus solaire (ndlr: milieu du torse), la plante du pied ou le
long de la colonne vertébrale. Les petits portent souvent leurs mains à la
bouche ou se frottent les yeux. Il ne faut en aucun cas leur masser les
menottes.” De
plus, toutes les huiles ne sont pas adéquates en neurologie pédiatrique.
“Pour cette raison, on n’a jamais recours aux huiles essentielles de
lavande, quelles qu’elles soient. Elles pourraient provoquer des crises
d’épilepsie”, prévient Véronique Blondelet. D’autres sont dermocaustiques
(entraînant des brûlures de la peau et des muqueuses) ou à tendances
allergisantes.
Zen et bien-être, un duo gagnant
Des petites affiches
apposées dans le couloir de la neurologie pédiatrique annoncent la couleur :
“Ici, on utilise l’aromathérapie sur demande.” Les parents intéressés
peuvent tenter l’expérience avec leur enfant hospitalisé. “Les parents dont
l’enfant séjourne pour une courte durée adhèrent moins nombreux au projet
que ceux dont l’enfant est hospitalisé pour une plus longue durée, déplore
Bénédicte Lambotte. Ceux qui savent que leur enfant est en souffrance vu la
situation (par exemple, un polyhandicap) sont demandeurs. Comme l’expérience
est souvent positive, ils veulent la prolonger à la maison.” Les infirmières
ont établi un carnet à destination des parents pour les aider dans ce suivi.
Elles attirent leur attention sur les précautions à prendre (voir l’article
ci-dessous).
Et le résultat est probant. Les enfants sont plus détendus, ils
en redemandent. “On peut réaliser des séances d’aromathérapie jusqu’à quatre
fois par jour, souligne Marie-Françoise Nihoul. Avant de dormir, c’est fort
apprécié. Le diffuseur à ultrasons s’illumine et crée des dessins colorés
sur les murs qui amusent et rassurent les enfants.” Parmi les huiles
essentielles qui calment et déstressent les petits, la mandarine fait partie
des préférées. “Cela leur rappelle peut-être la Saint-Nicolas”, sourit
Bénédicte Lambotte. Pour les infirmières, les moments “aroma” représentent
des instants privilégiés, emplis de douceur avec leurs patients. “Ça
humanise la relation, on se rend compte qu’on leur fait du bien, qu’ils sont
mieux, entonnent en cœur les infirmières de neurologie pédiatrique. C’est
un contact autre qu’un soin normal, souvent plus ‘agressif’.”
Pour
l’instant, les séances d’aromathérapie au sein de ce service n’engendrent
aucun coût supplémentaire pour les parents, malgré le prix très élevé des
huiles essentielles. “Grâce à des dons de particuliers ou d’associations,
nous pouvons offrir ces quelques petites gouttes qui procurent un grand
bien-être à nos patients”, se réjouit l’équipe d’infirmières.
L’initiative
prise au département de neurologie pédiatrique fait son petit bonhomme de
chemin. La diffusion d’huiles essentielles se pratique également lors des
ateliers de “snoezelen” (ndlr : stimulation multi-sensorielle contrôlée)
avec les petits patients du service. D’autres départements des cliniques
Saint-Luc se lancent dans l’expérience. En Belgique, de nombreux hôpitaux se
forment petit à petit à l’aromathérapie. Des initiatives qui participent au
vœu de rendre le milieu hospitalier moins austère…
// VIRGINIE
TIBERGHIEN
Naturelles mais pas sans danger !
Ces
dernières années, un retour à la nature se fait sentir. Ce besoin se marque
notamment dans le recours à des médecines douces. L’utilisation d’huiles
essentielles pour se soigner ou se sentir mieux en fait partie. Bien
qu’issues de la nature, elles ne sont pas inoffensives. Précautions et
rigueur s’imposent.
“Même si les huiles
essentielles sont des produits naturels, cela ne signifie pas qu’elles sont
sans danger, met en garde Anne-Françoise Maloteaux, formatrice et
conférencière au département scientifique de Pranarôm(1).
Lors de mes
formations en aromathérapie, je les présente souvent comme de véritables
petites bombes.” Biochimie complexe, extrême concentration d’extraits de
plantes… font d’elles des substances à manipuler et à utiliser avec
précaution.
Gare à l’automédication
Le recours à ses propres connaissances
sans consultation d’un médecin peut être, dans certains cas, dangereux. Il
peut repousser une guérison ou pire, aggraver un état. Les huiles
essentielles étant en vente libre dans les magasins bio, en pharmacie et sur
Internet, il est très facile de se les procurer. Mais elles sont exemptes
d’avertissements médicaux. Il est donc indispensable de demander conseil aux
professionnels de la santé formés à l’aromathérapie pour savoir comment les
utiliser à bon escient.
Une alternative pour se soigner ?
Les adeptes de
l’aromathérapie affirment que le pouvoir des plantes sur la santé est
reconnu depuis des milliers d’années. Déjà dans l’Antiquité, les Egyptiens,
mais aussi les Indiens et les Chinois, en faisaient usage. Les détracteurs,
eux, affirment que les huiles essentielles se limiteraient à un effet
placebo relaxant, voire causeraient du tort en irritant les yeux, le nez, la
gorge ou provoquant des maux de tête, des nausées ou des problèmes de foie
ou de reins.
A éviter !
Par précaution, il est déconseillé d’utiliser des
huiles essentielles pour les jeunes enfants, les femmes enceintes ou qui
allaitent. Leur puissance leur permet de passer la barrière placentaire.
Certaines ont des fonctions abortives comme celles contenant des cétones
telles que le thuya, le romarin camphre ou la menthe poivrée.
Les personnes
présentant un terrain allergique ou épileptiques seront vigilantes lors de
l’utilisation. Toutes les huiles essentielles ne leur sont pas recommandées.
De même, les expositions au soleil après emploi sont déconseillées à tous en
raison du caractère photosensibilisant (ndlr : qui accroît la sensibilité de
la peau aux rayons solaires) de certaines huiles.
// VT
(1) Pranarôm est
un laboratoire belge spécialisé en aromathérapie.
A savoir
sur les huiles essentielles |
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Il
existe plus de 250 huiles essentielles.
-
Pour obtenir un litre d’huile essentielle de rose, quatre
tonnes de pétales sont nécessaires.
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Les
“recettes” d’huile essentielle doivent être préparées
scrupuleusement, par exemple quant au respect du nombre de
gouttes à mélanger.
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La
posologie exacte doit toujours être respectée et avalisée
par un médecin, que la préparation soit administrée en
massage, en diffusion ou par voie orale.
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En
cas d’ingestion malencontreuse, boire une huile végétale
(d’olive, de noix, de noyau d’abricot…) ou, à défaut, du
lait. Boire de l’eau ne sert à rien car les huiles
essentielles ne se diluent pas dans l’eau.
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