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Santé mentale (17 mars 2011)

 

Quand la santé monte à la tête

Leur santé les préoccupe. Pourtant, ils vont objectivement bien. Et ils mettent toutes les chances de leur côté: ils bougent, mangent sainement, se font dépister. Mais de quoi donc souffrent ces obsédés de leur propre santé?

Ils ne rateraient pour rien au monde leur séance de gym quotidienne. Ils montent sur la balance deux fois par jour. Ils mangent sainement, ne s’offrant aucun écart alimentaire. Ils veillent à respecter scrupuleusement le calendrier des examens de dépistage. Et pourtant, leur santé les tracasse. Dans les pays anglo-saxons, un terme a fait son apparition pour désigner ces obsédés de la santé, celui de worried well. Il désigne les personnes promptes à s’inquiéter (to worry) pour leur santé alors qu’elles se portent bien (well). Le phénomène a déjà suscité nombre de questions et de commentaires et pas seulement dans la langue de Shakespeare. Il a inspiré quelques ouvrages qui interrogent volontiers le rôle, dans l’apparition de cette obsession, de l’engouement pour la prévention. Parmi les plus récents: “Le Principe de prévention”, signé d’un sociologue et d’un économiste, Patrick Peretti et Jean-Paul Moatti(1). Sans minimiser les bénéfices incontestables de la prévention et les fabuleux gains pour la santé qu’elle a permis de réaliser depuis des décades, ces auteurs soulignent le côté anxiogène d’une “mise en risques du monde”. “Vivre avec cette notion de risques à éviter et donc de prévention possible, voire souhaitable, n’est pas une mince affaire”, explique Patrick Peretti. Certes les messages de prévention invitent à adopter de bons comportements mais certains peuvent induire des renoncements, voire même des sacrifices et notamment celui du plaisir. “En matière de bannissement du plaisir, j’aime citer l’exemple d’un message de promotion de la santé qui déclare que l’alcool est un nutriment non indispensable, illustre Patrick Peretti. Effectivement, on peut s’en passer, mais au prix du sacrifice d’un petit plaisir”.

Certains se mettent la pression et deviennent des stakhanovistes du sport ou du sur-vitaminé. On peut se demander où s’arrêtera, pour eux, cette spirale obsessionnelle de la santé parfaite? Sans parler de la culpabilité personnelle, celle qui survient quand on ne se conforme pas aux conseils qui nous sont assénés en permanence pour notre bien.

 

Tout s’explique?

Le psychiatre français Michel Lejoyeux (2) souligne le caractère anxieux propre aux worried well: “A l’extérieur, ces personnes assurent, mais à l’intérieur c’est plus complexe. Elles circonscrivent leur anxiété au domaine de la santé. Elles transforment les vitamines ou les magazines médicaux en traitements sauvages mais efficaces de leur mal-être. Elles ne rencontreront jamais de psychiatre ou de psychothérapeute. Elles pensent que tout va bien dans leur tête et que ce sont leurs poumons ou leurs artères dont elles doivent prendre soin”.

Qui sont ces worried well? La psychologue Beverly Potter s’est intéressée à leur profil(3). Ont-ils vécu dans un milieu familial inquiet pour la santé des enfants, au point de leur fournir des soins en excès? Ont-ils, au contraire, été négligés? Ont-ils plutôt le profil d’éternels insatisfaits? Difficile de trancher. La question est complexe. Quelques éléments semblent communs aux worried well, à savoir un souci constant de la maîtrise du poids, une vigilance extrême, un besoin de contrôle total, une bonne dose de perfectionnisme mais aussi une émotivité excessive.

 

Obsédés par l’alimentation

Parmi les personnes obsédées par leur santé, certaines fixent particulièrement leur attention et leurs efforts sur l’alimentation. A côté de l’anorexie, et de la boulimie, l’orthorexie soit l’obsession de manger sain, constitue également un trouble alimentaire.

Nourrie des conseils alimentaires qui foisonnent un peu partout, l’orthorexie prend de l’ampleur. Les personnes qui en souffrent font de la qualité de leur alimentation une question de vie et de mort. Il arrive même que l’orthorexique dérape dans des comportements alimentaires contraires à la santé. Par exemple quand il exclut certains aliments de son menu, comme les graisses. Certains voient dans ce trouble alimentaire une tentative de donner du sens – et une connotation de pureté – à ce qui est ingéré, la démarche valorisant en retour celui qui s’y livre.

 

La santé : affaire individuelle?

Les obsessions de la santé ne sont-elles pas une conséquence des injonctions de santé faites aux individus et les renvoyant dès lors à leur responsabilité personnelle? Cet accent mis sur les comportements individuels constitue un des “maux de la santé”, d’après Guy Bourgeault, philosophe et professeur titulaire à la Faculté des sciences de l’éducation à l’Université de Montréal(4). Comme d’autres, il déplore le manque d’engagement politique pour créer des environnements favorables à la santé. On sait combien les milieux de vie, le contexte économique et social et les choix des priorités politiques façonnent la santé. Il regrette aussi que la santé soit trop souvent considérée comme un but en soi (c’est ce qui menace les worried well), plus que comme un moyen pour atteindre une meilleure qualité de vie et s’investir dans des projets collectifs. Les médias contribuent à véhiculer une conception réductrice de la santé et de ses déterminants. Les politiques rédactionnelles ont tendance à favoriser le pratico-pratique, la proximité et le vécu. “Une telle approche, explique Jean-Jacques Jespers, journaliste et professeur à l’ULB, conduit à mettre en avant les risques en même temps que la manière de les déjouer au quotidien, en matière de maladies cardiovasculaires, de tabagisme, d’alimentation, de sida. Les risques liés au travail, par exemple, seront bien moins souvent traités”. (5)

Guy Bourgeault propose de préférer le terme prévenance à celui de prévention. “Il s’agit, explique-t-il, de privilégier une dimension d’accueil dans nos vies, d’accueillir la vie avec ses limites, ses exigences, ses imprévus, mais aussi avec ses rencontres, et le souci que l’on peut ou devrait avoir d’autrui”. C’est ainsi que l’objectif de la santé pour tous pourra prendre tout son sens et s’éloigner de ce qu’il semble encore souvent être: santé pour tous oui, mais sur le mode du “chacun pour soi”.

// Véronique Janzyk

(1) "Le principe de prévention, le culte de la santé et ses dérives", Ed. Seuil, 2009.

(2) "Il n'est jamais trop tard pour vaincre sa peur de la maladie", Ed. La Martinière, 2002.

(3) "Comment me guérir de mon inquiétude chronique", Ed. Transcontinental, 2009.

(4) "Eloge de l'incertitude", Ed. Bellarmin, 1999.

(5) "Santé : les médias dans le vortex" dans "Peur et prévention", Bruxelles santé, éd. Question santé, septembre 2003.

 

Docteur, c’est encore moi

Une étude anglaise (1) a évalué que près de 20% des consultations en médecine générale émanent de worried well. D’éternels inquiets pour leur santé en quête de réassurance et de conseils, à ne pas confondre avec les hypocondriaques, persuadés, quant à eux, d’être malades et en demande de diagnostics et de soins.

Une écoute obsessionnelle de son corps amène l'hypocondriaque à interpréter la moindre observation comme le signe d'un mal grave. Les worried well, eux, ont toujours une nouvelle question à poser à leur médecin, un doute ou un désir d’aller mieux à exprimer. Ou une demande à formuler, celle de vitamines, de compléments alimentaires ou de médicaments.

“Dans notre société de consommation où la santé semble surinvestie, comment ne pas comprendre que des citoyens qui souhaitent bien vivre fassent le lien entre ce souhait et le fait de prendre des produits pour y arriver, relève le Dr Firket du Centre d’information, de thérapeutique et d’études sur le stress à Liège. Les médecins devraient pouvoir élargir le dialogue à partir de cette demande. Ce n’est pas aisé. Ils ne sont pas spécialement formés pour cela”.

“Les consultations tournent au dialogue de sourds tant qu’elles n’aborderont pas les peurs, comme la peur de la vieillesse, de la solitude, de la mort, note pour sa part le psychiatre Michel Lejoyeux. Il faut dire aussi que le médecin n’a pas toujours le temps de se lancer dans l’analyse de ce que recèle la demande, ni l’envie d’entrer dans les débats où peuvent l’entraîner ces patients, comme les effets de la pollution ou des ondes sur la santé”. 

 

L’angoisse de l’hypocondriaque

Les préoccupations hypocondriaques, elles, sont souvent proches des névroses et de la dépression. C’est une manière de donner un corps présumé à une angoisse. Une maladie supposée est plus supportable qu’un malaise permanent. Les hypocondriaques ont souvent connu des carences affectives précoces, une séparation ou un deuil. D’autres ont eu des parents qui s’alarmaient au quart de tour pour leur santé, ce qui a pu engendrer chez ces enfants une fois adultes un sentiment de vulnérabilité et d’insécurité à l’égard de leur corps. Pour certains psychanalystes, l’hypocondrie découle d’un manque d’estime de soi. La maladie devient ainsi la forme acceptable d’un échec ou d’une situation vécue comme telle. Les angoisses hypocondriaques sont d’ailleurs assez fréquentes à l’adolescence et à la ménopause, car ces périodes provoquent une profonde remise en cause de l’image de soi. Enfin, l’hypocondriaque est considéré par des thérapeutes familiaux comme le porteur des symptômes, celui sur qui les autres membres de la famille reportent leur stress.

Quoi qu’il en soit, quelques conseils peuvent être donnés à ces personnes et à leur entourage: ne pas minimiser la souffrance, oser en parler et exprimer les ressentis et enfin, ne pas hésiter à entamer un travail thérapeutique pour s’interroger et résoudre ces troubles obsessionnels.

// VJ

(1) The Oxford Health Plans, Workplace Wellness Survey, octobre 2002.

 

Une tendance orthorexique?

Le créateur du terme “orthorexie”, Stephan Bratman, a mis au point un questionnaire pour évaluer le risque orthorexique. A vos stylos! Sachez qu’au-delà de quatre réponses positives, vous auriez intérêt à adopter une attitude plus détendue face au contenu de votre assiette!

Passez-vous plus de 3 heures par jour à penser à votre régime alimentaire?

Planifiez-vous vos repas plusieurs jours à l’avance?

La valeur nutritionnelle de votre repas est-elle, à vos yeux, plus importante que le plaisir de le déguster?

La qualité de votre vie s’est-elle dégradée, alors que la qualité de votre nourriture s’est améliorée?

Êtes-vous récemment devenu plus exigeant(e) avec vous-même?

Votre amour-propre est-il renforcé par votre volonté de manger sain?

Avez-vous renoncé à des aliments que vous aimiez au profit d’aliments “sains”?

Votre régime alimentaire gêne-t-il vos sorties, vous éloignant de votre famille et de vos amis?

Éprouvez-vous un sentiment de culpabilité dès que vous vous écartez de votre régime?

Vous sentez-vous en paix avec vous-même et pensez-vous bien vous contrôler lorsque vous mangez sain?

 


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