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Santé mentale (15 novembre 2012)

L’humour aide à grandir heureux

© Philippe Turpin/Belpress

 Humour, outil de résistance

Rire ou sourire de son malheur peut aider à se réapproprier son histoire. C’est une manière de métaboliser sa peine et de dire que l’on s’autorise à survivre. L’humour noir éclaire ainsi les ténèbres. C’est le cas de l’humour juif, fondé sur l’autodérision, qui rit des déboires de toute une communauté, et qui s’apparente dès lors à un mécanisme de défense.

L’humour est aussi un outil de résilience. C’est l’arme des désarmés. Il permet de rebondir lorsqu’on a vécu un traumatisme et touché le fond. Bruno Humbeeck, psychologue, cite ainsi l’exemple de Sabine Dardenne, une des jeunes victimes de Marc Dutroux, qui a survécu à l’horreur de la séquestration et a fait preuve de résilience. Elle avait notamment lancé à ses avocats qui se sentaient fatigués : “Je connais un petit hôtel pas cher dans le coin, c’est juste à la sortie de Jumet.” L’humour juif est un humour fait de décalage par rapport à un traumatisme collectif. D’ailleurs, l’humour juif n’est pas toujours jugé amusant à la première écoute. Il crée parfois le malaise. Certaines boutades, elles, font plus facilement sourire. Un exemple? “Six millions de Juifs sont morts et Barbra Streisand est encore en vie, ça ne peut pas être vrai…” Bien sûr, rire n’est pas réécrire son histoire, mais c’est exprimer que l’on est capable de vivre avec elle, que l’on s’autorise à y survivre. “L’humour, ce n’est pas une façon d’être plié en quatre. Dans ce cas, c’est surtout une manière de rester debout”, commente Bruno Humbeeck.

A l’aube de l’hiver et dans un climat ambiant de morosité, voire de désenchantement, l’humour a plus que jamais sa place dans nos vies. Il se révèle un tuteur indispensable à notre épanouissement. Si le rire et le sourire n’effacent pas les traumatismes et les douleurs, ils permettent de les soulager, de relativiser et de rebondir.

Le sens de l’humour s’ancre dans les premiers mois de la vie. Dans les risettes, les “guili-guili” ou quand on élève le bébé au-dessus de soi. “Le sourire et le rire vont naître en même temps que ce petit frisson suivi d’un réconfort. Ces jeux contribuent à la construction d’un sentiment de sécurité, explique Bruno Humbeeck, psychologue et auteur d’un ouvrage intitulé L’humour pour aider à grandir(1). On sourit au petit qui va sourire en retour, et c’est parce qu’on maintient le sourire, qu’on l’encourage, que l’enfant va développer cette ressource.

Le sourire et le rire présentent deux caractéristiques: ils sont relationnels et ils s’épanouissent dans le rituel. “Le sourire désamorce l’agressivité, diminue les points de tensions, rassure l’autre sur le fait qu’on est bienveillant, précise le psychologue. Le rire est également relationnel mais n’est pas aussi inoffensif que le sourire : on ouvre la bouche (on montre les dents, comme pour mordre) puis on rit aux éclats (ce qui rassure)”.

Les enfants s’amusent de la répétition de ces histoires de petites bêtes qui montent et qui chatouillent, des jeux de mots parfois scatologiques, de la course-poursuite entre le chat et la souris. La surprise reste bienvenue, elle est même requise. Elle apporte du sel à la situation. “Mais on imagine mal que le chat se mette à dévorer la souris. Ce serait franchement anxiogène. Ce ne serait plus drôle du tout”, précise Bruno Humbeeck. Apprendre à rire aux enfants, c’est faire naître l’humour. Dans un premier temps, l’enfant va singer l’adulte, imiter ses mimiques ; il rit de tout son cœur et se laisse complètement aller. Dans un deuxième temps, il va capter ce qui fait rire et ce qui ne fait pas rire. La maîtrise viendra lorsqu’il pourra utiliser l’humour à bon escient et au bon moment. Le rôle de l’adulte est de faire comprendre aux enfants que le rire se partage et qu’on ne peut pas rire de tout ni tout le temps.

Humour d’ado

Le propre du rire des ados? Rire de ce qui ne fait pas ouvertement rire les adultes, se moquer de ce qui fait peur aux générations précédentes. Un rire apparemment provocateur mais qui aide à s’accommoder des aléas de la vie. La maladie, la mort et le sexe amusent beaucoup les ados et préados. “Le questionnement face au futur, voire la crainte de grandir expliquent sans doute pourquoi la plupart des BD pour jeunes mettent en scène des héros de petite taille, relève Bruno Humbeeck. Qu’on pense au petit Spirou, à Kid Paddle, à Cédric, à Titeuf bien sûr. C’est une manière de composer avec l’angoisse qu’ils éprouvent en s’envisageant un avenir d’adultes.” Certes, l’humour typiquement ado, celui développé par exemple par les humoristes Eric et Ramzy, peut aussi faire rire des adultes. Si c’est votre cas, vous faites partie des 20% qui ont gardé une âme d’ado ou n’ont pas encore commencé à apprivoiser la maladie, la mort ou la sexualité.

L’humour unit ou nuit

On connaît l’adage qui prétend que le rire constitue le plus court chemin pour atteindre le cœur d’une personne. Par le rire, nous pouvons nous montrer conquis par autrui, ou en voie de l’être. Faut-il s’étonner que sur les sites de rencontre et dans les agences matrimoniales, le sens de l’humour ou le fait d’aimer rire soient mis en avant dans les profils? C’est que souvent, le rire unit, plaît. “Mais il peut nuire aussi, met en garde Bruno Humbeeck. Il est des rires d’exclusion. C’est rire contre quelqu’un, et affirmer par là son appartenance à un groupe. Ça commence par les blagues sur les blondes et ça se poursuit par l’humour entre collègues sur le dos d’un tiers.” Il en va de même dans les cours de récréation. Rire de quelqu’un, c’est l’exclure deux fois. Premièrement, en le pointant comme risible, et deuxièmement en l’empêchant de rire avec les autres.

L’exclusion peut virer au harcèlement si les mêmes enfants ou ados sont toujours pris pour cibles. S’il est important d’armer les enfants d’un certain sens de l’humour (celui qui rassemble), il est aussi fondamental de leur transmettre le message selon lequel la parole est primordiale. Les jeunes en but aux moqueries doivent avoir suffisamment confiance dans les mots et leur entourage pour partager leur malaise.

Cet humour dont on ne sort pas grandi, Bruno Humbeeck invite les professionnels de l'action sociale, éducative et sanitaire, à l’analyser lors de formations qu’il propose au sein du Centre de ressources éducatives pour l’action sociale(2). “Un vrai rire professionnel, c’est un rire partagé, né de l’expérience, poursuit-il. Pour un enseignant, par exemple, cela suppose qu’il a compris les codes de l’humour chez les jeunes. Un humour véritablement créateur de lien n’a rien à voir avec celui qui aide à décharger du stress et qui relève souvent de l’humour d’exclusion, comme on peut en voir chez certains travailleurs sociaux ou auprès du personnel médical en milieu hospitalier. Ce qui gagne à être favorisé, c’est un humour qui fait du bien à tout le monde, un humour qui dépasse les barrières et les clivages.” Du grand art en somme.

//VÉRONIQUE JANZYK

(1) “L’humour pour aider à grandir”, Bruno Humbeeck, illustrations de Maxime Berger, Ed. Mols, 2010, 20 EUR.

(2) Creas, Place du Parc, 18 à 7000 Mons – 065/37.31.10. – http://creas.umons.ac.be

Des clubs pour rire

© Paul Flasse
Peut-on rire de tout? “Oui, mais pas avec tout le monde”, répondait l'écrivain Paul Valéry. Mais peut-on rire de rien? Oui, selon le médecin indien Madan Kataria, à l'origine des clubs de rire. Des clubs où le rire jaillit sans raison, parce que rire fait du bien au physique comme au moral.

Riez, il en restera toujours quelque chose”. Autrement dit, rire est pur bénéfice. Grâce à la respiration saccadée qu'il entraîne, le rire sollicite le diaphragme. Il en résulte un massage en douceur de l'estomac et des intestins. Le rire active aussi la circulation sanguine (par l'apport en oxygène qu'il induit). Le rire conduit aussi à la sécrétion d'endorphines, ces hormones qui provoquent un sentiment de bien-être. “Rire sans raison, c'est tout simple, explique Paul Flasse, animateur du Club du rire de Watermael-Boitsfort et formateur au sein de l'Académie du rire qui coordonne les clubs. Il suffit de s'ouvrir à une nouvelle expérience, de se mettre dans un certain état qu'on dira enfantin et d’être d'humeur à jouer. Et enfin d’être prêt à passer par le rire volontaire développé dans les clubs.” Pour cela, aucune crainte à avoir : au sein des clubs, tout est fait pour mettre à l’aise et favoriser le lâcher-prise.

Lâcher-prise

Le genre de consigne? “On écarte les bras, on les ramène vers soi en pointant l'index sur son nombril et on rit.” Parfois crispé au début, le rire vient s'enrichir d'un soupçon de spontanéité au contact du rire du voisin ou de la voisine. Autre figure proposée par l'animateur, celle du poulet dans le microondes. A chacun de figurer le poulet en tournant sur soi et de terminer par un éclat de rire. Il y a fort à parier que le rire télécommandé du début vire au rire spontané. Après un temps d’échauffement et des exercices de respiration, les “consignes pour rire” s’enchaînent lors des séances (en général bimensuelles) qui se clôturent par de la relaxation. Une combinaison qui a mené à qualifier la démarche de “yoga du rire”.

J’ai gagné en assurance et en confiance, explique Elizabeth, praticienne du rire depuis trois ans. Le regard des autres ne m’apparaît plus comme un poids, et il me semble que je suis moi-même moins vite dans le jugement.” Xavier enchaîne: “En apprenant à déclencher physiquement le rire, il me semble que je suis devenu plus gai, plus optimiste. C’est comme si j’avais compris que les racines du rire et du sourire sont en moi.” Pas besoin donc d’être d’emblée un joyeux drille pour fréquenter les clubs.

Ceux-ci offrent néanmoins l’occasion de retrouver le sourire. “Nous avons parfois des personnes déprimées, témoigne Paul Flasse. Les séances se transforment en parenthèses où un peu de légèreté est créée. Ces personnes repartent, non pas guéries, mais allégées. C’est déjà un pas en avant.

Paul Flasse, lui, était déjà adepte du rire avant de découvrir les clubs. Son patron de l’époque soulignait la qualité de son travail, mais trouvait qu’il riait un peu trop. Le rieur a changé d’emploi, mais, juste retour du rire, propose aujourd’hui des séances de yoga du rire en entreprises. Une seule obligation : que toute la hiérarchie réunie s’initie, côte à côte, au rire.

//VJ

>> Infos : Clubs de rire de Belgique ASBL - 063/22.36.50 - www.academiedurire.be - voir aussi www.yoga-du-rire.be


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