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Solitude, maladie, grand-âge... (18 mars 2010)


 

Gare à la dénutrition

L’amaigrissement anormal guette tout particulièrement les personnes âgées et les malades chroniques. Que ce soit chez soi, en maison de repos ou à l’hôpital, des mesures doivent être prises pour prévenir ces risques de dénutrition aux conséquences parfois graves.

 

François a 68 ans et mène une vie physiquement active. Son léger surpoids témoigne pourtant d’un amour de la bonne nourriture. François doit subir une lourde opération consistant à enlever une masse tumorale importante et un organe. Sa première semaine d’hospitalisation est rythmée de nombreux tests et examens avant l’intervention. La nourriture de l’hôpital ne lui plaît pas trop, lui qui est habitué à des plats copieux et au choix dans les restaurants ! Mais il doit bien s’y faire : il lui est interdit de manger à l’extérieur ou même à la cafétéria de l’hôpital…  “C’est parce que je vois la nourriture que je sais ce que c’est ! Si je ferme les yeux, je goûte du caoutchouc soit plus dur – la viande – soit plus mou – les légumes… Mais ce qui me rendait fou, c’est lorsque je devais rester à jeun pour un examen qui n’avait lieu qu’à 14-15h ! ” Résultat : François perd du poids : ça ne le dérange pas puisqu’il retrouve la ligne ! L’’intervention chirurgicale délicate se déroule bien, mais les risques de complications l’obligent à rester aux soins intensifs durant cinq jours… Les premiers sont calmes, il dort et est nourri par perfusion. Après trois jours, il peut commencer à se nourrir normalement. Le premier repas arrive : une grosse saucisse baignant dans la sauce, des pommes de terre et des haricots verts. Très affaibli, il ne peut couper sa viande. Sa fille est heureusement là pour l’aider à manger… mais il abandonne bien vite : seule la soupe a pu passer. Après sa sortie de soins intensifs, il doit rester encore une bonne semaine à l’hôpital, avec cette nourriture toujours aussi insipide.

Il ne mange guère et au final, il a perdu 23 kg sur environ trois semaines ! Il a ensuite intégré une maison de repos où la nourriture de qualité est de mise, et a pu reprendre une partie des kilos perdus. “Si j’étais rentré à la maison, où j’habite seul, je n’aurais peut-être pas pu reprendre si vite du poil de la bête ! Je n’ai pas l’habitude de me préparer à manger, mes enfants habitent loin et je n’aurais pas eu la force d’aller dans les endroits où je mangeais avant !”

 

En maison de repos, offrir des repas savoureux et adaptés aux résidents diminue les risques de dénutrition.
© Thomas Blairon

L’histoire de François illustre bien le problème de la qualité et de l’adéquation de l’alimentation dans les hôpitaux, sa qualité et son adéquation par rapport à la situation des patients. Il témoigne également des risques de dénutrition qui concernent tout particulièrement les personnes seules, âgées, ou plus fragiles, comme les malades chroniques.

“On parle de dénutrition lorsqu’une personne a subi une perte de poids non désirée de plus de 10% durant les six derniers mois, ou de 5% dans le dernier mois, ou lorsque son BMI est inférieur à 18,5”, explique le Pr Vandewoude, de la Vlaamse Vereniging voor Klinische Voeding en Matabolisme, attaché à la ZNA Sint-Elisabeth d’Anvers.

Il n’existe pas vraiment de statistiques dans notre pays, mais à en croire les chiffres britanniques, une personne de plus de 65 ans sur dix est concernée. “Plus précisément, ce taux atteint 26% des personnes bénéficiant de soins à domicile, jusqu’à 40% de celles hospitalisées, 44% des personnes confinées à leur domicile et plus de 60% des personnes âgées en maisons de repos. Et le phénomène s’aggrave avec l’âge : si le taux de dénutrition atteint 50% des personnes de plus de 60 ans, il frôle les 80% chez les plus de 80 ans !”, poursuit le Pr Vandewoude.

La dénutrition est due à une prise alimentaire réduite, voire insuffisante, ou carencée en certaines substances nutritives, alors même que le besoin s’accroît avec l’âge. “On ne le sait pas assez mais en vieillissant, l’être humain a des besoins accrus en protéines, assure le Pr Vandewoude. Les protéines se retrouvent essentiellement dans les œufs et la viande, des aliments précisément délaissés par les personnes âgées parce qu’ils sont moins digestes ou plus difficiles à mastiquer. Or, si l’apport protéinique est insuffisant durant une longue période, la dénutrition peut alors guetter”, poursuit-il. C’est précisément ce qui s’est passé pour François : insipide ou difficile à mastiquer, la viande était régulièrement laissée sur le côté !

 

De nombreuses causes

Chez les personnes en bon état général de santé, l’amaigrissement involontaire – et de là, la dénutrition – est la conséquence d’un manque d’appétit (pour différentes raisons), d’une maladie ou de difficultés de mastication et de déglutition. Il peut aussi y avoir d’autres raisons, comme le fait de se retrouver seul et de ne plus avoir envie de cuisiner pour soi, une dépression (fréquente après un deuil ou une séparation par exemple) ou même des difficultés financières obligeant la personne à restreindre son budget “alimentation” et l’isolant de la vie sociale.

Quelle que soit la situation, lorsqu’une hospitalisation survient ou que l’hébergement en maison de repos s’impose, les risques de dénutrition augmentent encore surtout si ces changements s’accompagnent d’un sentiment de dépression et d’isolement ou d’un manque d’envie de se nourrir.

A cela, il faut ajouter les conditions mêmes de l’hospitalisation ou de la vie en maison de repos.

A l’hôpital, interviennent une série de facteurs aggravants comme les examens à pratiquer à jeun, les interventions chirurgicales, la prise de certains médicaments qui diminuent l’appétit, le fait de ne pas être chez soi et de changer d’alimentation, l’application de régimes drastiques (parfois sans fondement scientifique !) qui enlèvent toute envie de manger, etc.

Sans oublier les problèmes organisationnels, comme des horaires de repas inadéquats, des plats qui arrivent pratiquement froids, le manque de personnel pour aider les patients ayant des difficultés ou même incapables de manger seuls. La qualité des repas laisse aussi souvent à désirer : manque de goût des aliments, fruits et légumes en faible quantité… Rien d’étonnant d’ailleurs lorsque l’on sait qu’à l’hôpital, le cout moyen des repas d’une journée est de quatre euros !

Les mêmes constats en ce qui concerne l’organisation et la qualité des repas peuvent être faits dans beaucoup de maisons de repos.

 

Pas sans conséquences

La dénutrition peut avoir de lourdes conséquences sur le plan de la santé : augmentation du risque de complications en cas de maladie, plus grande sensibilité aux infections, détérioration de l’état physique et mental, mobilité moindre, augmentation des risques de chute et de fractures… bref, une piètre qualité de vie qui peut réduire l’espérance de vie des personnes dénutries… Sur le plan social, la dénutrition a aussi des conséquences puisqu’elle peut entraîner hospitalisation ou placement, avec le risque de dépression associé, et d’isolement, la reprise d’activités étant retardée, voire compromise.

 

Des solutions existent

On le voit, la dénutrition qui se manifeste très souvent par un amaigrissement progressif, ou parfois plus brutal, n’est pas à sous-estimer.

Heureusement, il est possible d’éviter ces situations. Dans les hôpitaux et maisons de repos et de soins, une attention toute particulière doit être portée à la qualité de la nourriture pour offrir aux patients des repas adaptés et plus savoureux à un coût raisonnable… L’idée fait son chemin ici et là. De nombreuses institutions se sont d’ailleurs dotées d’équipes de professionnels de la nutrition, aidés de médecins (gastro-entérologues, gériatres) et d’infirmières.

Mais la meilleure prévention est à intégrer à la maison. Chacun doit rester attentif à son alimentation, quels que soient son âge et sa situation familiale, pour ne pas la négliger ni la carencer. Si tel n’est pas le cas, il est souhaitable que les proches d’une personne qui néglige son alimentation s’en préoccupent et lui donnent des conseils pratiques pour l’améliorer. Cela peut passer par des choses basiques, comme continuer à cuisiner et se préparer des petits plats équilibrés, même simples, prendre de temps à autre des collations, améliorées si nécessaire d’un complément alimentaire (par exemple protéiné) prescrit par un médecin. L’intervention de services d’aide à domicile (aide familiale, livraison de repas à domicile…) peut parfois aussi être envisagée pour aider la personne à conserver une alimentation équilibrée. Car celle-ci est loin d’être une préoccupation futile, surtout lorsque l’on est plus faible.

// Carine Maillard

 


Des sensibilisations dans les hôpitaux

Depuis quelques années, s’amplifie un mouvement de sensibilisation aux risques de la dénutrition qui guettent tout particulièrement les personnes âgées et les malades chroniques.

 

Ainsi, le 21 janvier dernier, une trentaine d’hôpitaux belges ont été le théâtre d’une action de sensibilisation des personnes malades et de leur entourage aux risques de la dénutrition et aux mesures de prévention. La “NutriAction” se déroulait en même temps à travers l’Europe et dans quelques pays extra-européens, tout particulièrement au sein des hôpitaux.

Les professionnels de la santé ont également été sensibilisés à dépister et traiter la dénutrition chez leurs patients. “Une mesure simple existe à réaliser par le médecin, explique le Pr. André Van Gossum, gastro-entérologue à l’hôpital Erasme et représentant de la Société belge de nutrition clinique. Il suffit de peser systématiquement les patients à risque, notamment les personnes âgées, et ne plus considérer la perte de poids comme un phénomène naturel du vieillissement. C’est vrai en partie, mais il est aggravé en cas de dénutrition !”. Concernant les risque de dénutrition en cas d’hospitalisation, le Pr. Van Gossum est sans appel : “Il est inconcevable qu’un malade ressorte de l’hôpital encore plus dénutri, et sans conseils nutritionnels !”