La santé des enfants
(5 mai 2011)
Un pas vers plus de sécurité des jouets
Le 20
juillet prochain, une directive européenne concernant les jouets va entrer
en application(1). L’objectif est de les rendre plus sûrs encore… Cela
veut-il dire qu’avant ils ne l’étaient pas ou qu’ils seront irréprochables
dès cette date? Hélas, la situation n’est pas si simple…
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©
Jean-François
Dupuis-BELPRESS |
Il faut bien l’avouer:
en examinant
d’un peu plus près la confection de certains jouets vendus dans des
solderies, des magasins bon marché ou gagnés sur les foires et
autres kermesses, on a parfois l’impression de faire courir à nos
bambins de sacrés dangers ! Quelques exemples? L’objet casse très
rapidement et se décompose en morceaux acérés et dangereux. Le jouet
contient de toutes petites pièces susceptibles d’être avalées. Des
petites lumières “laser” aveuglantes peuvent être actionnées et l’on
se demande si le risque pour les yeux a correctement été évalué. Au
déballage, se dégage une odeur de produit chimique qui n’inspire pas
trop confiance… Les cas de suspicion envers les jouets sont-ils
vraiment fondés?
Sigle CE
La première “assurance”
connue et citée par les consommateurs européens, c’est le fameux sigle “CE”.
Il indique qu’un jouet est considéré comme conforme, sur le plan de la
sécurité, après tout un processus d’évaluation par des autorités
compétentes. Malheureusement, il y avait encore un peu de flottement en la
matière, puisque les procédures à suivre pour obtenir ce label n’étaient pas
clairement établies ni harmonisées entre les différents États membres de
l’Union européenne. Une cohérence d’autant plus mise à mal que les
organismes nationaux, chargés des contrôles, ne fonctionnent pas tous de la
même manière et ne sont pas aussi efficaces les uns que les autres… La
nouvelle directive devrait dès lors améliorer cette situation.
Il faut aussi compter
sur les faussaires qui mettent sur le marché, par des circuits parallèles,
des jouets contrefaits de grandes marques (ou de marques inventées mais
ressemblant à s’y méprendre aux marques connues) et apposant en toute
illégalité et sans vergogne le sigle qui inspire confiance… Heureusement, la
voie n’est pas libre pour eux et les jouets dangereux. RAPEX(2), un système
d’alerte rapide, vise à informer les autres États membres et la Commission
européenne lorsque, soit les autorités d’un État membre, soit le fabricant,
soit encore le distributeur décident de retirer du marché des produits
dangereux (hors alimentation, produits médicamenteux et médicaux). Et les
jouets constituent une bonne partie de ces produits retirés, avec d’autres
produits destinés aux enfants, comme des vêtements, tétines, éléments
décoratifs, etc.
Le reproche le plus
souvent avancé incrimine la présence de substances dangereuses ou celle
d’éléments pouvant être détachés et provoquer la suffocation au cas où
l’enfant le met en bouche. C’est pourquoi la nouvelle directive impose
d’inscrire de manière plus visible la mention “Avertissement” et
l’explication du risque, non plus uniquement aux jouets pour les tout petits
(avec la mention “Ne convient pas aux enfants de moins de 36 mois” qui devra
être inscrite plus grand), mais aussi aux jouets à mettre en bouche destinés
aux plus grands (comme des instruments de musique, par exemple). Idem pour
l’âge minimum ou maximum d’utilisation du jouet.
Substances chimiques
La nouvelle législation
européenne devrait par ailleurs protéger davantage les petits contre les
produits chimiques. Et c’est peu dire qu’ils sont omniprésents dans les
jouets. Souvenez-vous : il y a quelques années, des associations de
consommateurs avaient attiré l’attention sur des études mettant en cause les
phtalates. Ceux-ci étaient en effet utilisés pour rendre le plastique,
notamment celui des jouets, plus souple. Certains types de phtalates ont dès
lors été interdits vu leur toxicité, mais d’autres ont continué à être
utilisés.
Plus récemment, le débat
a rebondi sur le bisphénol-A, également présent dans les jouets, mais pas
encore repris dans les substances interdites. Citons aussi les substances
classées comme carcinogènes, mutagènes ou reprotoxiques (c’est-à-dire des
substances qui provoquent le cancer, des mutations génétiques ou qui sont
toxiques pour la reproduction de par leur effets sur les hormones,
notamment) comme le benzène, le toluène, les naphtalènes, le cadmium ou
encore le trichloroéthylène, également présents dans les jouets. Enfin, on
retrouve des parfums de synthèse et des substances chimiques connues pour
provoquer des allergies. D’après le texte de la nouvelle directive, ces
substances comportant un risque (et il appartiendra au producteur de prouver
que la substance n’est pas toxique) seront interdites dans la confection des
jouets.
Pas avant
2013
Mais ne nous réjouissons
pas trop vite : si cette directive apporte bien des améliorations, elle ne
va pas assez loin, selon les associations européennes de défense des
consommateurs comme le BEUC et l’ANEC(3). Celles-ci plaident en effet pour
une généralisation immédiate de l’interdiction, sans distinction, de tous
les types de phtalates et autres substances dangereuses.
En effet, les
producteurs peuvent attendre 2013 avant de remplacer ces dernières… Cela
sent le compromis… “C’est en effet le cas, affirme Rob Buurman,
conseiller au CRIOC. Mais il fallait avancer: la directive précédente
datant de 1988 ; il était important de la revoir. Cette nouvelle directive
permet donc quelques progrès, mais les associations de consommateurs avaient
plaidé pour des restrictions plus importantes. Elles n’ont pas obtenu gain
de cause sur ce point. Ainsi, s’il est désormais interdit d’utiliser du
plomb ou du nickel dans les jouets, les fabricants peuvent toujours utiliser
certaines substances cancérigènes...”
D’ici là, l’évaluation
des risques est laissée aux États membres – selon leur sensibilité plus ou
moins grande aux questions de santé et d’environnement. Ce qui permet aux
associations de consommateurs de jouer encore un rôle important dans leur
pays respectif!
Un risque
à évaluer
en
permanence
S’il est facile de
pointer du doigt certains pays, il faut aussi voir la pierre dans notre
jardin… “Le problème ne se résume pas au fait que des pays comme la Chine
exportent des jouets de mauvaise qualité vers l’Europe et la Belgique.
Beaucoup de lobbies d’entreprises européennes productrices de jouets veulent
des législations souples”, souligne Rob Buurman. Trop souples?
Enfin, sachons que cette
législation est appelée à évoluer au fil des connaissances… “Même si un
jouet doit en principe être sûr – en fonction des connaissances
scientifiques actuelles – nous ne pouvons pas dire aujourd’hui avec
certitude ce qui est sûr et ne l’est pas. La nouvelle directive constitue un
progrès, mais même les jouets qui respecteraient ses prescrits peuvent
constituer un danger, encore inconnu dans l’état actuel des connaissances.
Par ailleurs, le texte ne peut pas contrôler le bon usage du jouet par
l’enfant. Et enfin, une directive n’empêche pas des fabricants peu
scrupuleux de continuer à mettre sur le marché des jouets dangereux, voire
interdits…, confirme Rob Buurman. D’un autre côté, il faut aussi se
dire que la majorité des fabricants préfèrent proposer des produits plus
sûrs et essaieront de respecter cette directive”.
Pour résumer, il nous
incombe aussi, à nous consommateurs, d’être attentifs – dans la mesure du
possible! – à ce que nous achetons… en attendant de nouvelles directives
plus drastiques encore.
// Carine Maillard
(1) Le texte est élaboré depuis 2008. Plus d’infos sur le
site du SPF Economie :
http://economie.fgov.be/
(2) www.rapex.eu
(3) BEUC – Bureau européen des Unions de consommateurs :
www.beuc.eu et ANEC – Association
européenne qui représente les consommateurs, pour pousser à la
standardisation des législations : www.anec.eu
Actif dans la surveillance |
Si les
producteurs de jouets ont leur part de responsabilité, nous pouvons,
en tant que consommateurs, faire pression sur ce qu’ils produisent.
Les marques bien connues ont intérêt à ne pas voir leur nom cité
dans les médias, en cas de problème. Mattel/Fisher Price l’a appris
à ses dépens en 2007, lorsque l’entreprise a dû rappeler plusieurs
lots de jouets produits en Chine, car les peintures utilisées
contenaient du plomb… |
Nous gagnons
tous à informer les associations de consommateurs lorsque nous
constatons des problèmes. Mais il est aussi conseillé d’en informer
le fabricant, le commerçant qui l’a vendu ou les autorités (SPF
Economie). Cela pourrait aider le fabricant, s’il est sérieux, à
améliorer son produit, et le commerçant à mettre en garde d’autres
clients, voire à retirer ce produit de ses rayons. Quant aux
autorités, elles pourraient également décider de le retirer de la
vente. |
Quelques
conseils pour bien choisir
► Acheter les jouets dans des magasins
ou des boutiques en ligne, dignes de confiance. Les jouets de marque trop
bon marché sur internet peuvent être des contrefaçons potentiellement
dangereuses, puisqu’ils n’ont pas été soumis à des contrôles de qualité.
Méfiance donc ! Idem pour les jouets neufs vendus pour quelques euros sur un
marché ou à la sauvette…
►
Bannir les jouets qui ne disposent pas du marquage CE : il ne s’agit pas
d’un label de sécurité, mais de l’engagement pris par le fabricant de
respecter la législation européenne.
►
Choisir des jouets qui conviennent à l’enfant, c’est aussi un gage de
sécurité. C’est pourquoi certains jouets sont interdits aux moins de 36
mois : avant cela, le risque de le voir mettre de petites pièces en bouche
et s’étrangler est trop important !
►
Veiller à bien assembler le jouet.
►
Tenir compte des remarques importantes (“Warning” - “Avertissement”)
indiquées sur les emballages.
►
Surveiller les enfants lorsqu’ils jouent pour voir s’ils utilisent le jouet
correctement. Les sensibiliser à une bonne utilisation et aux risques
encourus.
►
De temps à autre, inspecter les jouets des enfants. Abîmés, ouverts, cassés,
ils peuvent constituer un danger. Idem si des piles ont “coulé” : jeter
alors le jouet!
Source : brochure du BEUC
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