Santé
des enfants
(3 décembre 2009)
Quand
l’hosto pleure de rire…
Des
éclats de rire d’enfants, de la musique, un nez rouge qui pointe derrière
une porte… A s’y méprendre, on se croirait au cirque. Pourtant, c’est bien à
l’hôpital que nous sommes. Plus qu’une bouffée d’oxygène, ces clowns en
milieu hospitalier embellissent la vie des enfants et des jeunes qui doivent
y passer un séjour.
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@ Ariane Bratz |
Les
couloirs pourraient paraître impersonnels et froids mais aujourd’hui,
ils se colorent grâce à l’apparition, dans le hall, des costumes rigolos
et bariolés des clowns. L’odeur de l’éther fait place à celle des
maquillages. Ils sont là et les enfants les attendent tous avec
impatience. Jean-François et Christian, de l’asbl Comi-Clown, déambulent
de chambre en chambre à la recherche d’un petit malade à faire sourire.
Un sac rempli de cadeaux à la main, ces deux clowns viennent toutes les
semaines à l’hôpital pour distraire les petits et leur faire un peu
oublier la clinique. Les pleurs cessent et tout le monde rit à l’arrivée
des trop grandes chaussures rouges et des chapeaux fleuris: les
infirmiers, les médecins, les parents… mais surtout les enfants. «Ils
mettent de la vie, de la couleur dans ce lieu parfois austère.»,
confie une patiente plus âgée.
Dédramatiser le milieu
médical et particulièrement, le monde hospitalier pour des enfants dont le
quotidien s’articule entre piqûre, scanner, perfusion…, c’est la mission des
clowns en hôpital. Par des techniques d’animation, ils parviennent à emmener
l’enfant hospitalisé dans le monde merveilleux de leur enfance. Ils
établissent un contact et une confiance avec lui. Improvisations théâtrales,
chansons, blagues, voilà le cocktail détonnant et le secret des nez rouges.
«Le clown crée un personnage en entrant dans la sphère de l’enfant,
explique Gauthier Jansen, membre de l’association Les Clowns à l’hôpital.
On prend l’espace, la distance que l’enfant veut bien nous donner. Nous
sommes toujours à son écoute. C’est lui qui nous guide dans nos jeux.»
Improviser dans l’animation mais pas dans le métier!
Etre clown, ça ne
s’improvise pas! Surtout pour travailler dans cet endroit spécifique. Un
travail en étroite collaboration avec les médecins, les infirmiers, la
famille… permet un divertissement de qualité et un respect de la place de
chacun. «Nous sommes tous des professionnels, que nous soyons docteurs,
soignants…ou encore clowns, confie Caroline Simonds, fondatrice de
l’association “Le rire médecin” en France, et mieux connue sous le nom de
Docteur Girafe.(1) Chacun a sa place et ses missions
à l’hôpital! Et il faut que chacun prenne conscience des limites de sa
fonction. Mais nous avons tous un but commun: le bien-être de l’enfant. Nous
sommes là pour lui et nous formons une seule équipe qui travaille main dans
la main.»
Les clowns tentent d’établir un contact et un climat de confiance
avec l’enfant hospitalisé et sa famille. |
Ces professionnels du
rire ont une volonté de se former: certaines troupes s’imprègnent de la
culture des publics rencontrés. La maladie ou la mort n’est pas abordée de
la même manière que l’on soit belge, maghrébin, tzigane… Bien connaître
également le parcours de l’enfant et les données familiales et médicales
aide les clowns à entrer en relation avec le patient, en respectant ses
craintes, sa douleur, sa vie privée… «Nous, les clowns, sommes demandeurs
de formations complémentaires. Nous allons à des conférences sur la
déontologie et l’éthique médicales. Mais le meilleur écolage reste la
pratique du terrain en duo, l’un plus ‘expérimenté’ et l’autre novice.»,
révèle Catherine Vanandruel, membre de l’association Les Clowns à l’hôpital.
Respect et déontologie
Une charte existe dans
la plupart des associations de clowns en hôpital. Rigueur et respect sont
les mots d’ordre. «Pour éviter les dérives, il faut qu’il y ait une
attention vis-à-vis du patient et de sa famille, explique Caroline
Simonds. Le clown s’engage à suivre la charte de son association. Par
exemple, tout comme le personnel médical, il est soumis au secret
professionnel. Il n’accomplit que des gestes liés à sa compétence
artistique.» (2)
La préparation de la
rencontre et la manière dont elle est amenée doivent être réfléchies
scrupuleusement. Si l’enfant ou la famille ne souhaite pas recevoir cette
visite, il faut respecter ce choix. Le clown s’engage à observer les normes
d’hygiène et de sécurité du monde dans lequel il fait son show. Certains
enfants, bien qu’ils aient besoin d’un lieu de vie stérile, peuvent alors
bénéficier de ces animations et les professionnels du spectacle se plient
donc au règlement. «Actuellement, en cette période de grippe, nous
pouvons être vus comme des vecteurs de la maladie car nous allons de chambre
en chambre. Donc, il y a des précautions particulières à prendre»,
raconte Catherine Vanandruel.
Redevenir “enfant”
Le passage des nez
rouges dans les chambres ne se limite pas à faire rire un enfant pendant
quelques minutes! Après leur interlude déjanté, les clowns quittent le
sourire du petit malade et le laissent avec son voisin de chambre ou sa
famille. Et la magie opère encore après leur départ… Des étoiles plein les
yeux, l’enfant partage sa joie avec ses proches, il continue à leur sourire,
parle de cette visite surprenante avec tout le monde, raconte ses émotions.
Sa maladie est restée dans la valise des clowns. Il se sent à nouveau
«enfant», et sa famille le reconsidère également à cette place qui est la
sienne.
Les parents et les
grands-parents osent sourire également. Dans un climat parfois lourd, la
famille a peur, par moment, de se laisser aller à la rigolade. Et une
visite, comme celle des clowns, leur permet de retrouver cette joie et cet
instinct de rire avec leur enfant. Catherine Vanandruel constate que
«C’est très important de tenir compte de la famille, de son ressenti. Le
rôle des clowns, c’est également d’être un accompagnant pour les proches de
l’enfant hospitalisé. Nous tentons de recréer des liens qui parfois
n’existent plus ou sont déforcés entre les membres de la famille à cause
l’hospitalisation. Nous sommes aussi des acteurs psychosociaux.»
Du nouveau-né à
l’adolescent, les clowns apportent un vent d’air frais à tous. De berceuses
impliquant la maman pour les tout-petits aux grimaces et aux chants avec les
plus grands, les activités sont diverses pour distraire les patients. A
chaque âge, sa technique pour faire rire! «Notre équipe veut travailler
dans la pérennité avec les enfants. Mais aujourd’hui, on préconise beaucoup
l’hospitalisation de courte durée. Donc on ne voit beaucoup d’enfants qu’une
seule fois.», continue Catherine Vanandruel.
Pas toujours rose au pays des nez rouges
En Belgique, nombreuses
sont les associations de clowns en hôpital. Bénévoles ou professionnels,
artistes ou personnel médical travaillent pour le bien-être des enfants
hospitalisés. «Dans les hôpitaux universitaires, là où sont traitées des
pathologies plus lourdes, plus graves…, les artistes professionnels sont
présents», constate Gauthier Jansen. Le travail est parfois pesant.
«Tout n’est pas toujours tout rose, remarque Catherine Vanandruel.
Parfois, nos animations ne fonctionnent pas avec les enfants. Alors on se
retire doucement. Si l’animation ne prend pas, on ne force pas la main. Il
faut également garder une distance avec les cas rencontrés. Il y a des
enfants qu’on est susceptibles de ne pas revoir. Entre clowns, on veille
l’un sur l’autre, pour qu’on n’atteigne pas des situations intenables
d’épuisement moral ou physique.»
La journée se termine:
les costumes sont repliés, les visages démaquillés. Certains enfants sont
déjà endormis… Les clowns quittent doucement l’hôpital pour revenir la
semaine suivante avec de nouvelles farces et d’autres tours de magie dans
leurs poches.
Virginie Tiberghien
(1) “Le Rire Médecin. Journal du Docteur Girafe.”
Caroline Simonds et Bernie Warren, éd. Albin Michel, 2001 - Prix : 19 EUR. –
www.leriremedecin.asso.fr
(2) “Code de déontologie du Rire Médecin” -
www.leriremedecin.asso.fr/Actions/Les_regles_du_jeu
En
Belgique, le Réseau Art et Santé de l’asbl Culture et Démocratie a rédigé un
code de déontologie pour les artistes travaillant dans la sphère médicale et
dans les structures d’accueil.
Rens.:
02/502.12.15 -
www.cultureetdemocratie.be/fr/outils/publications/index.html
Rire
pour guérir
De
nombreuses études ont montré les bienfaits du rire sur la santé. Ce n’est
donc pas un hasard que les maîtres du rire, les clowns, investissent les
cliniques pour procurer du plaisir aux petits malades.
Rire
fait travailler les muscles, stimule le système cardiovasculaire… et au-delà
de ces données physiologiques, rire permet de se sentir mieux, de procurer à
soi-même et aux autres un vent de bonne humeur. Il permet de se détourner
d’une situation préoccupante, de la relativiser.
Depuis quelques années,
des clubs de rire naissent aux quatre coins du monde. Prendre un cours de
rires comme on prend un cours de piano devient courant. «Une séance de
rires apporte autant de sensation de bien-être et de vitalité qu’une séance
de jogging.» précise le Club de rire belge (1). Sur
la santé, cela aurait donc une répercussion directe: diminution de la
pression artérielle, sécrétion d’endorphines qui atténuent les douleurs,
augmentation de la capacité pulmonaire...
«Rira bien qui mourra le
dernier» disait, à juste titre, le poète et journaliste Philippe Soupault.
Alors, fini la morosité! Prendre le temps de rigoler en famille, se raconter
des blagues entre amis ou éclater de rire avec ses collègues…, ça entretient
la condition physique.
Rire, c’est aussi se
détendre. Des études ont montré que, sur un lieu de travail, la bonne humeur
et l’humour augmentent la résistance au stress. Et dans le contexte médical
et hospitalier, se dérider profite également au personnel hospitalier qui
évacue ainsi les tensions accumulées dans la journée.
(1) www.clubderire.be
Rires, musique, contes… à l’hôpital |
Plusieurs
associations sont actives dans le milieu hospitalier et égaient le
quotidien des jeunes patients. Contes, animations musicales,
chansons, création d’émissions radios, animations avec un chien: les
initiatives sont diverses et présentes dans nombreux hôpitaux de
Bruxelles et de la Wallonie. Voici des adresses utiles (liste non
exhaustive):
►
Site de l’enfant hospitalisé en Belgique:
www.hospichild.be
►
Asbl Une note pour chacun:
www.unenotepourchacun.be
►
Radio Bobo:
www.radiobobo.org
►
Asbl Hopiconte:
www.hopiconte.be
►
Babouchkas et
Sparadrap Circus:
www.sunchild.be
►
Asbl Fables Rondes, clowns professionnels:
www.clowns-hopital.be
►
Association de
clowns bénévoles:
www.comiclown.be |
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