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Psychologie (16 octobre 2014)


Survivre aux nuits mouillées

© Image Source_Reporters

Ils sont plus nombreux qu'on ne le pense, les enfants qui souffrent d'énurésie nocturne, plus communément appelée "pipi au lit". Lorsqu'au lever du jour les draps sont mouillés, leur esprit est tourmenté : incompréhension, colère, honte… Pour les soutenir, leurs parents sont tentés par pléthore de méthodes "miracle". Avec, le plus souvent à la clé, un échec. Exploration d'une pathologie que seules patience et responsabilisation peuvent soulager.

Lise a sept ans. Elle a une enfance sereine, entourée de parents aimants. À première vue, dans sa vie, tout va bien. Pourtant, comme tous les enfants, elle a une "petite fragilité", quelque chose qui la fait un peu souffrir et qui suscite des interrogations. "Les accidents arrivent toutes les nuits", dit-elle. Est-ce que ça la rend fâchée ? "Oui". Est-ce que ça la rend triste ? "Oui". À l'âge où les gosses veulent ressembler à leurs copains, pas facile d'assumer la différence. Au point de ne plus vouloir participer aux séjours des mouvements de jeunesse. "À la maison, c'est pas trop grave, confirme sa maman. Mais chez les Nutons, elle commence à avoir peur que ça se sache."

À son âge, son pédiatre n'estime pas nécessaire d'agir et conseille, tout au plus, d'utiliser des couches. Mais celles-ci "soignent" les draps, pas la honte. La honte, encore, lorsque l'énurésie perdurait et empêchait Sophie d'avoir une vie d'adolescente comme les autres. "Bien que ça s'atténuait au fur et à mesure des années, j'ai mouillé mon lit jus qu'au-delà de mes 18 ans. C'était toutes les nuits, se souvient-elle. Je m'interdisais de déloger chez des amies." Un jour, pourtant, elle prit son courage à deux mains et révéla son secret à une amie proche. "Elle a réagi d'une manière normale, j'imagine, mais ça m'a blessée. Elle disait : 'Noooon, tu me fais marcher ? Dis-moi que c'est une blague, que c'est pas vrai !?' Non, c'était bien vrai et le sentiment de honte était encore plus important."

"Ma vessie ne 'parlait' pas à mon cerveau"

La "source" du problème de l'énurésie primaire (qui concerne les enfants qui n'ont jamais été propres) est avant tout un phénomène purement organique. Il s'agit en fait d'une maturation plus lente des fonctions corticales, nerveuses ou liées à l'appareil urinaire qui amènent au contrôle de la miction (évacuation des urines par la vessie). Sophie, lorsqu'on l'interroge sur l'origine de son énurésie, répond : "Ma vessie n'était pas assez mature. Elle ne 'parlait' pas à mon cerveau pour me réveiller et aller à la toilette". Cette lenteur de maturation est héréditaire et principalement liée aux gènes.

À ce phénomène organique peuvent, au fil du temps, s'ajouter des facteurs psychologiques. Par exemple, l'enfant perd de vue qu'il pourrait, un jour, contrôler sa miction. Du coup, dans sa tête, il ne se fixe pas de con signe précise pour atteindre ce but. Des facteurs psychoaffectifs interviennent également : il déprime, il se sent inférieur, il s'inquiète à l'idée que ce handicap pourrait devenir permanent, il connaît des bénéfices secondaires qui l'encouragent à "rester bébé"… Ceci retarde encore davantage la solution au problème.

Faire pipi au lit tardivement n'est donc ni une affaire exclusivement physiologique, ni psychologique. "C'est un phénomène biopsychosocial qui demande des réponses appropriées”, dira le professeur Hayez, psychopédagogue de l'enfant et de l'adolescent à l'Université catholique de Louvain (UCL). Selon lui, pas mal de parents ont des réponses éducatives en dents de scie : parfois ils engueulent, parfois ils responsabilisent, parfois ils récompensent… "C'est toujours défavorable pour l'enfant. Quelque chose d'imprévisible est toujours facteur de stress et peut certainement aggraver le problème."

Premier conseil, donc : ne pas dramatiser l'énurésie, ne pas s'obstiner, et attendre que la maturation se fasse sans ajouter de pression inutile dans l'esprit de l'enfant.

Tentatives infructueuses

Patricia a deux garçons. Nicolas, presque douze ans, est un énurétique primaire. Les accidents étaient réguliers, jamais le puits ne s'est tari. Ils ont presque tout essayé : "On s'est d'a bord dirigés vers un médecin spécialiste pour s'assurer que la connexion cérébrale fonctionnait bien, ce qui était le cas. Le pédiatre nous a alors conseillé d'être patients. On a aussi réveillé Nicolas plusieurs fois durant la nuit pour qu'il aille faire pipi, sans succès. Puis il y a eu ma séparation avec le père des garçons. Ces chocs ne sont pas de nature à rassurer les enfants, on s'est dit qu'il exprimait ses angoisses de cette manière-là…" Ça a duré un an, deux ans, pas d'améliorations jusqu'à… "la médication. Ça a fonctionné assez bien. Mais nous avons arrêté le traitement parce qu'en réalité il s'agissait d'une forme d'antidépresseur".

Patricia s'est alors adressée à une kinésiologue, un coup dans l'eau, mais l'essai suivant, auprès d'une psychomotricienne relationnelle, semble porter ses fruits. "Avec cette thérapeute, Nicolas a pu désamorcer une série de sujets qui, sans doute, le tracassaient. J'ai vu une amélioration nette dans le nombre d'accidents." Depuis, les pipis au lit sont devenus anecdotiques.

Pour le plus jeune fils de Patricia, Guillaume, neuf ans, c'est une autre histoire. Entre ses deux et quatre ans, il a été propre. Mais depuis le jour où, il y a cinq ans, leur papa a annoncé son emménagement avec sa nouvelle compagne, il mouille son lit toutes les nuits, sans exception. "Pour lui, les consultations avec la psychomotricienne relationnelle n'ont rien donné. Son père, excédé, a commandé une plaque électrique qu'on pose dans le lit et sonne dès qu'elle est mouillée", dit sa maman, pas vraiment convaincue par la méthode.

"Mon zizi, tu dois rester fermé cette nuit"

"Ce système d'alarme, je ne l'ai jamais recommandé et je n'ai jamais cru que ça pouvait avoir une efficacité, affirme le Pr Hayez. C'est du commerce. L'enfant peut le vivre comme une intrusion, une déception supplémentaire, c'est une espèce de magie stérile." Mais alors… quelle méthode ?

La meilleure manière pour des parents d'accompagner leur enfant semble être une attitude cool : ne pas ignorer le problème tout en ne le dramatisant pas. "C'est encourager l'enfant à faire ce qu'il peut sans toutefois dramatiser les conséquences, tempère Jean-Yves Hayez. L'état d'esprit est le meilleur possible si les parents se sentent à la fois concernés mais ne se mettent pas dans une position de désespoir, ni de bras de fer avec l'enfant."

Sur cette base-là, il peut être utile de se poser quelques questions. D'abord, dans le registre de l'information : est-ce que mon enfant est bien informé sur les phénomènes du corps ? Sait-il ce qu'est l'énurésie ? Comprend-il que certains enfants sont énurétiques et d'autres non… ? Cette discussion peut être entamée par les parents ou par le médecin généraliste. Second type de questions : qu'en est-il de l'éducation de l'enfant en général ? Est-ce qu'on l'aide à devenir un grand garçon, une grande fille ? Est-ce qu'on ne le garde pas trop bébé ? Est-ce qu'on l'encourage à grandir à son rythme… ? "Ensuite, suggère le thérapeute, il y a quelques gestes de bon sens à évoquer avec l'enfant concernant la miction mais, surtout, sans se mettre en colère. Par exemple, modérer les boissons le soir, faire pipi avant d'aller se coucher, éventuellement réveiller l'enfant si l'heure des accidents est régulière, utiliser des couches…" La liste est longue.

Enfin, dernier axe, essayer de comprendre, avec l'aide d'un professionnel, si l'enfant est motivé par le dépassement du problème. Entamer une thérapie de soutien, en quelque sorte.

Idéalement, conclut le professeur, il doit se sentir acteur de son problème et participer activement à des actes de gestion de soi. Il faut que ça devienne "son affaire", miser sur lui, sans lui faire de promesses inconsidérées. "Le soir, il peut par exemple gérer une activité d'endormissement qui pourrait prévenir l'énurésie. Une sorte de rituel qui inclut un acte (aller faire pipi) et une activité mentale destinée à montrer à l'enfant que sa volonté parviendra à avoir une puissance sur son corps, comme, répéter une phrase tous les soirs : ‘Mon zizi, tu dois rester fermé cette nuit".

Une médication est également envisageable pour ceux dont les reins ne concentrent pas assez les urines la nuit, ce qui donne lieu à de grands pipis, parfois deux fois par nuit. "Si l'enfant est motivé, ça vaut la peine de faire un essai d'un mois vers 7-8 ans. Mais il ne faut pas s'obstiner. On peut essayer d'aider tous azimuts sans pour autant faire croire que la victoire est proche. Si le facteur physiologique est important et si la maturation se fait plus lente, comme on le voit dans une grande partie de ces énurésies, il faut l'accepter."

Patience et responsabilisation, si elles ne colmatent pas les fuites, permettront à l'enfant de vivre mieux avec sa fragilité et, peut-être, à en dédramatiser les conséquences. Une attitude plus que recommandée puisque plus il y a stigmatisation autour de l'énurésie, plus elle s'installe.

//MATTHIEU CORNÉLIS

 Un accident peut marquer à vie 

Les séquelles psychologiques de l'énurésie peuvent se révéler importantes dans la vie d'un enfant. Qui plus est si le côté affectif ou éducationnel a été "cochonné". En d'autres mots, si l'enfant a été mal accompagné dans cette épreuve, s'il a ressenti un sentiment d'infériorité. D'où la nécessaire construction d'un climat de confiance pour l'enfant énurétique.

Lors de séjours résidentiels hors du milieu familial, les difficultés peuvent être anticipées. Par exemple, en associant un animateur ou un professeur en qui l'enfant a confiance. Hélène, animatrice dans un mouvement de jeunesse à Louvain-la-Neuve, insiste sur la nécessité d'être mis au courant pour gérer ce genre de problèmes en toute discrétion. "Notre rôle est d'apprendre aux enfants à vivre ensemble. Mais s'il y a un accident et que les autres enfants s'en rendent compte, ça peut déraper et marquer cet enfant à vie. Nous attendons des parents qu'ils nous informent sur un quelconque problème de ce genre."

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