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Prévention (1er septembre 2011)

Quand
la spiritualité va,
tout va?

Spiritualité et santé feraient bon ménage. De nombreuses études se sont penchées sur la question. Et l’Organisation mondiale de la santé (OMS) inclut désormais, dans la définition de la santé, une dimension spirituelle. Au-delà de l’idée de pratiques religieuses, il est aussi question à travers elle de valeurs, de croyances, du sens donné à sa vie.

© Kurt Voorspoels/Belpress
“Les pays européens valorisent moins la spiritualité,
explique Pierre Drielsma, médecin généraliste à la maison médicale Bautista van Schowen à Seraing(1)A l’inverse des pays anglo-saxons, de l’Australie et de l’Asie, plus spiritualistes que nous, nous les Européens vivons dans une société désenchantée, qui à Dieu a substitué un autre Dieu. Il a pour nom la consommation et l’argent!” Peut-être sommes-nous en train d’en revenir. L’ajout de la dimension de la spiritualité dans la définition de l’OMS(2) apparaît comme l’indice d’une définition de la santé  moins centrée sur l’Occident, comme la reconnaissance que d’autres conceptions de la santé et de la prévention existent dans le monde. Pensons à l’Inde avec la médecine des védas, par exemple, où la vie est conçue comme l’union du corps, des sens, de l’esprit ou de l’âme.

 

La spiritualité
sous le microscope

Les publications à propos de la santé spirituelle dans le champ de la santé sont légion. Une recherche sur Medline – base de données bibliographiques qui couvre tous les domaines médicaux (de 1966 à nos jours) – permet de dénombrer quelque 5.500 publications sur le sujet.

Parmi une étude des plus récentes: celle menée par des neurologues de l’Université de Toronto.  Des individus, croyants ou athées ont été placés dans un scanner. Ils ont été soumis à des tests mentaux où il s’agit d’anticiper une réponse, et ensuite de prendre connaissance de la réponse correcte. Chez les athées, le cortex cingulaire s’est activé fortement en cas d’erreur. Pas chez les croyants, où  il s’active nettement moins. Lorsqu’un événement non conforme à leurs attentes se produit (leur réponse incorrecte), la  réaction est moins intense. Les bénéfices physiologiques? Un cortex cingulaire antérieur qui fonctionne au ralenti entraîne moins de tension psychique et de stress. Conclusions : le fait d’être croyant réduirait les réactions à l’imprévu. Croire permettrait de reconsidérer un événement non conforme aux attentes et de l’interpréter de façon à cadrer avec le canevas théorique de la foi. Ceci rejoint l’idée que la foi peut venir en soutien face à un événement imprévu et funeste – la mort accidentelle d’un ami, la découverte d’une maladie incurable…

Mais attention, pas de manichéisme. La croyance ne protège pas du stress, elle peut même être source de stress. Des malades croyants peuvent afficher un déclin  plus rapide que  des patients non croyants. Certains évoquent un effet paradoxal  de la foi : dans l’épreuve, notamment en fin de vie, des croyants peuvent se sentir abandonnés de Dieu. 

L’imagerie médicale a également été utilisée avec des moines tibétains. Pas “n’importe lesquels”, puisque ceux-ci avaient au moins dix mille heures de pratique de la méditation derrière eux. L’étude émane de l’Université de Wisconsin-Madison. Les scanners montrent une activité accrue de zones du cerveau  actives dans la perception des émotions chez autrui. D’après les observations, les méditants se montreraient plus ouverts à l’observation des émotions d’autrui et à la compassion que ceux qui s’abstiennent de cette pratique. Une explication? Les méditants développent des attitudes qui rapprochent des autres et de soi-même, en évitant le plus possible le désir qui crée attentes et déceptions ; en évitant le doute qui engendre la peur et l’agitation ; ou encore l’ennui qui conduit à la torpeur. L’approche bienveillante d’autrui est favorable à la vie en société. Quant à l’auto-compassion, elle est constructive, dans la mesure où elle met en évidence les ressources personnelles au lieu de s’attarder sur des défauts ou des manquements.

 

Pratiquer,
c’est bon pour la santé?

Si elle ne se limite pas à la sphère du religieux, la spiritualité peut s’y résumer pour certains. De nombreuses études analysent les effets sur la santé physique de la religiosité, c’est-à-dire des pratiques vécues au sein d’une religion (règles de comportement, fréquentation du culte, prière…). Ainsi d’après certaines recherches, la pratique d’une religion serait tout bénéfice pour la santé vasculaire cérébrale. Les personnes  pratiquantes auraient aussi une probabilité de survie à huit ans un tiers plus élevée. Chez les personnes âgées, une activité spirituelle comme la méditation ou la prière serait associée à une probabilité de survie accrue de près de 50% (à six ans) par rapport à celles ne pratiquant jamais. Favorisées aussi : l’indépendance fonctionnelle, le raisonnement et la mémoire. Le fait d’assister à des offices religieux participerait au maintien d’une activité physique et cognitive. Pour ce qui est de la santé mentale, une méta-analyse de près de mille études montre que la religiosité est associée à une prévalence moindre de la dépression, de l’anxiété et des pensées suicidaires. Les hypothèses qui expliquent que la spiritualité soit source de solidité physique, mentale et sociale sont liées au fait qu’elle est associée à des comportements de santé plus sains. Les personnes sont disposées à mieux suivre des conseils et des prescriptions thérapeutiques. A un niveau social, les effets positifs de la pratique religieuse pourraient s’expliquer par  la stimulation des liens psycho-sociaux. Le sentiment d’appartenir à un groupe serait ainsi favorable. “La spiritualité, suggère Pierre Drielsma, conduit à une relation mutuellement satisfaisante. Elle est source de bonheur. En étant à l’écoute d’autrui, on a le sentiment du devoir accompli. Même si on n’a pas de grand retour par rapport à ce que l’on fait. Un simple sourire nous envoie un message positif et une image positive de nous-mêmes”. Une belle manière de tenir la forme, paroles de médecin généraliste!

 

“Si globalement les croyants se sentent mieux que les non croyants, c’est qu’ils maintiennent au fond d’eux-mêmes une base de sécurité”, poursuit-il, en se réfèrant à cette ‘force de croire’ évoquée par d’aucun. “La croyance ne serait pas une crédulité mais l’affirmation d’une volonté. Des laïcs aussi sont animés d’une volonté à toute épreuve, de convictions très fortes, porteuses, incarnées dans des actes. Faut-il vraiment opposer théistes et athées? Je ne le crois pas. Chacun sa voie. Là où on peut craindre pour la société, c’est bien évidemment du côté des théistes intégristes qui n’ont rien à envier aux athées fanatiques. Les nihilistes lançaient d’aussi jolies bombes que les fous de Dieu”.

//Véronique Janzyk

(1) Coordinateur d’un numéro spécial de Santé conjuguée, le magazine de la Fédération des Maisons médicales, consacré au sujet. Voir Santé conjuguée, janvier 2007.

(2) La Charte de Bangkok (2005) définit les mesures et les engagements nécessaires pour agir sur les déterminants de la santé par la promotion de la santé à l’heure de la mondialisation.

 

La spiritualité comme ressource

L’approche de la spiritualité est délicate.  La spiritualité peut se révéler un concept fourre-tout, dans lequel le meilleur peut côtoyer le pire.  C’est une des réserves émises par l’ Université de Liège, via l’APES-ULg (Appui en promotion et éducation pour la santé), qui a organisé, à la demande de la revue Education Santé, un séminaire sur la spiritualité comme ressource pour la prévention et la promotion de la santé.

“Nous sommes conscients, explique Gaëtan Absil de l’APPES, que la notion de spiritualité en promotion de la santé peut devenir le cheval de Troie pour des sectes ou des guérisseurs. Pourtant, c’est une réalité sociologique, sur laquelle on ne peut faire l’impasse. Les gens ont des valeurs, des croyances, des pratiques spirituelles diverses. A l’APES, nous nous livrons à une approche socio-anthropologique de la spiritualité en prévention et en promotion de la santé. Nous ne nous penchons pas sur l’impact direct de la spiritualité sur la santé, mais sur la ressource qu’elle peut constituer. Ce concept de spiritualité – mentionné, sans être réellement défini par l’OMS – ne pouvait qu’interpeller les professionnels de la prévention et de la promotion de la santé”. En effet, l’Organisation mondiale de la santé indique des normes qui influencent les pratiques. Il est tout à fait plausible que soient lancés à plus ou moins long terme des appels à projets qui inviteraient à prendre en compte cette dimension spirituelle. De telles initiatives existent déjà aux Etats-Unis. Des outils sont mis au point pour prendre en compte la souffrance spirituelle de certains groupes de population ou pour humaniser les soins. Des recherches ont été menées à l’Université de Lausanne (Brenda Spencer).  L’Université de Laval propose un cours “Santé, médecine et spiritualité”. Une Chaire de santé spirituelle vient d’être créée à l’Université de Munich…

Les chercheurs de l’APES-ULg sont déterminés à  poursuivre la réflexion, avec circonspection donc. D’autant plus que la spiritualité conçue - de manière univoque et réductrice - comme un plus pour la santé pourrait bien risquer de se voir instrumentalisée par la médecine. Que penser d’une société où certaines spiritualités pourraient se retrouver valorisées plutôt que d’autres au nom de leur efficacité thérapeutique? Et puis, insister sur les bienfaits de la spiritualité n’est-ce pas occulter un de ses aspects, à savoir qu’elle est un cheminement, parfois ou souvent inconfortable, c’est selon… ?

//VJ

 


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