Prévention
(15 septembre 2011)
Périls en la demeure
Différentes formes de polluants, à l’intérieur de nos logements,
peuvent s’en prendre à notre santé. Le plus souvent, il s’agit de bobos sans
trop de gravité. Mais, usants, ils sont susceptibles de nous empoisonner la
vie. Parfois, il y a un véritable danger. Des services spécialisés aident au
diagnostic et au traitement.
“Trois mois d’enfer”.
C’est ainsi que Jonathan qualifie la dernière période de sa vie. Alors qu’il
pratique régulièrement le jogging, ce jeune homme de 33 ans se retrouve
soudain incapable de monter une volée d’escalier. Plus de souffle! Le simple
fait de se déshabiller l’épuise. Avec son pneumologue, il s’interroge et
réalise une longue série d’examens cliniques. On pense au cancer, mais la
biopsie est rassurante. On analyse ses antécédents, on cherche les
allergies. Le résultat? Rien. Mystère total. Même sa consommation épisodique
de marijuana est mise hors cause. Certes, les médicaments le soulagent. Mais
la racine du problème demeure inconnue. Un seul élément semble déterminant:
c’est peu après son déménagement que les symptômes sont apparus.
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Marc Detiffe |
Troublé, son médecin contacte le Sami, le Service d’analyse
des milieux intérieurs de la Province de Namur. Il y a quelques jours,
celui-ci débarque dans la petite maison sociale de Jonathan, pas loin de
Namur, avec armes et bagages: détecteurs de radon et de formol, thermomètre
scanner, pochettes à charbon de bois, etc. Catherine Keimeul, responsable du
service, questionne le jeune homme sur ses
habitudes, examine les pièces, touche les murs, visite la cave,
réalise des prélèvements d’air et de poussières. “Aucune tache
d’humidité. Rien de visible sur les parois ni les plafonds. Il s’agit peut
être d’un manque de ventilation, couplé à la présence de bactéries ou de
champignons microscopiques. Après la mise en culture des échantillons
prélevés aujourd’hui, on en saura sans doute plus”.
Acariens et champignons
Combien sont-ils, comme Jonathan, à se demander si, faute d’autre
explication convaincante, le lieu de vie n’est pas à la source de bien des
ennuis de santé? Personne ne sait au juste, mais les différents Sami – tous
provinciaux, sauf à Bruxelles – voient leur liste d’attente s’allonger.
Depuis douze ans, ces équipes spécialisées traquent sans relâche les
substances – naturelles ou artificielles – qui hantent nos logis, pas
forcément pour notre bien. Le radon, d’abord, ce gaz incolore et inodore
mais radioactif, issu ici et là du sous-sol; le formaldéhyde (formol), l’un
des composés organiques volatiles les plus connus (parmi une quarantaine
d’autres COV susceptibles d’être présents dans l’habitat); l’amiante, bien
sûr; les résidus des vieilles fibres d’isolation en suspension dans l’air
(laine de roche et de verre); les acariens, ces minuscules araignées dont
les déjections peuvent être allergisantes; mais aussi, et surtout, l’ennemi
numéro 1, responsable – dans les habitats trop ou mal isolés! – de 65% des
problèmes de pollution intérieure: les moisissures (Ulocladium, Aspergillus,
...) et les bactéries (Micropolyspora, Thermoactinomyces…)
Toutes les maladies ne sont pas nécessairement aussi invalidantes que celle
de Jonathan, loin s’en faut. Parfois, il s’agit de petits bobos, mais
suffisamment récurrents pour empoisonner la vie quotidienne,
particulièrement celle des enfants: migraines, toux, rhinites, gorges
sèches, picotements des yeux, etc. “A partir de sifflements initiaux, on
passe souvent à la bronchiolite, puis à la bronchite, constate Catherine
Keimeul. Et cela
peut se terminer par de l’asthme : plus grave!”. Les troubles
peuvent aussi s’avérer cutanés, digestifs ou neurologiques.
Des colles appétissantes
Les polluants se nichent parfois dans les endroits les plus insoupçonnés. En
grande quantité, la redoutable moisissure Stachybotry atra affectionne
particulièrement la colle des papiers peints. Réputée pour sa toxicité, elle
peut être dangereuse, voire mortelle, en raison des mycotoxines qu’elle
libère. Parmi les pièges auxquels certaines personnes plus fragiles ou déjà
malades réagissent très mal, on trouve les hydrocarbures dégagés par la
combustion des bougies, le carbonyle et la créosote émis par les billes de
chemin de fer décoratives traitées contre la pourriture du bois, le latex de
certaines plantes d’ornement, et jusqu’aux gouttelettes perlant de leurs
feuilles.
Panique dans les logis? Pas si vite. “Le bon sens suffit souvent pour
régler le problème, estime la pharmacienne du Sami namurois. En un quart
d’heure, l’affaire est réglée”: évacuer la plante verte incriminée,
déplacer la cage du hamster ou du cobaye, éviter les meubles en aggloméré,
cesser le tabagisme. Dans l’écrasante majorité des cas, il y a une règle
d’or : ventiler ! C’est-à-dire ne pas se contenter d’aérer. La ventilation
consiste à assurer une circulation d’air entre deux ouvertures afin de
renouveler celui-ci. La simple aération, elle, ne renouvelle pas assez
l’air. En période froide et humide, elle laisse échapper la chaleur tout en
favorisant la condensation, source d’humidité que les bactéries et
moisissures adorent !
Problème concomitant : l’omniprésence de molécules chimiques. “Les gens
devraient arrêter de shampouiner sans cesse leur logement” s’inquiète
le Dr Alain Nicolas, directeur du Sami de Liège et pilier du réseau.
“Dommage qu’il faille près de trente ans pour faire interdire un produit
dangereux, ajoute-t-il. Face aux pressions du monde économique, le monde
politique n’ose plus légiférer. Pour lutter efficacement contre le radon, il
suffirait de trois lignes dans la réglementation urbanistique obligeant à
installer une membrane en-dessous de toutes les nouvelles habitations. Le
prix est dérisoire”.
Cas désespérés
Evidemment, tous les problèmes ne peuvent se résoudre sur un coup de
baguette magique. “Parfois, nous visitons de tels taudis que la seule
solution pour les occupants consisterait à déménager, déplore Catherine
Keimeul. Pour beaucoup de gens, c’est impossible. Nous ne pouvons plus
que les orienter vers les services sociaux”. Autre exemple d’impasse:
les habitats criblés de produits de protection du bois (planchers, lambris,
poutres). Là, impossible de se débarrasser du produit, même par ventilation.
“L’engouement pour l’isolation et les maisons passives doit absolument
aller de pair avec un système de ventilation intelligente” avertit par
ailleurs le Dr Nicolas, louchant vers l’intérêt de la domotique.
Enfin, reste la question de plus en plus brûlante des ondes
électromagnétiques. Au Grand-Duché de Luxembourg, pays pionnier dans la
lutte contre les pollutions intérieures, les plaintes liées aux
appareillages électriques ou multimédias et aux relais de télécommunications
se multiplient. Chez nous, pas encore. Mais, dans certains Sami, on s’attend
à un afflux prochain. Comment réagir face à un sujet aussi controversé ?
“Toute plainte médicale mérite d’être prise en considération, commente le Dr
Nicolas. Il n’y a évidemment pas d’épidémie dans ce domaine mais je ne doute
pas qu’il existe des personnes hypersensibles à ce type d’ondes, comme il en
existe aux poivrons ou aux oignons…” Il y a douze ans, en créant le
Sami de Liège, le Dr Nicolas avait misé sur sa disparition dix ans plus
tard, par épuisement des problèmes à traiter. Excès d’optimisme, sans doute…
// Philippe Lamotte
Courants mais pas banals |
Voici, brièvement, quelques-uns des
polluants intérieurs les plus souvent
rencontrés par les Sami. Plus de détails
auprès de ceux-ci.
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Marc Detiffe |
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Radon :
gaz inodore et naturel, radioactif. Près de
700 décès par an en Belgique (cancer du
poumon). S’infiltre dans l’habitat par les
fissures. Une maison peut être touchée dans
une rue, celle d’à côté rester indemne…
Remède : ventiler, colmater les brèches.
Pose d’un pare-radon (membrane étanche en
plastique spécial)
lors de la construction.
►
Acariens :
les fientes de ces arachnides peuvent être
allergisantes (dermatites, rhinites,
asthme…). Présentes dans literies, fauteuils
en tissu, tapis, peluches… Remèdes : mieux
réguler température et humidité ; limiter
drastiquement la poussière ; utiliser une
house spéciale pour literies… Les
aspirateurs spéciaux ne sont efficaces
qu’avec des filtres ad hoc, très
régulièrement remplacés.
►
Pesticides :
présents dans les produits et appareillages
anti moustiques, dans les produits de
protection des plantes des animaux de
compagnies ou du bois contre les insectes et
champignons. Risques divers pour le foie,
les systèmes digestif, immunitaire, etc.
Remède : bannir de telles molécules
chimiques à l’intérieur et ventiler.
►
Monoxyde d’azote :
inodore, résultat d’une mauvaise combustion
dans les appareils de chauffage. Danger de
mort ! Signes annonciateurs : nausées, maux
de tête, vomissements… Remède : ventiler en
urgence et, surtout, réparer l’appareil !
►
Formaldéhyde :
présent dans la plupart des meubles en bois
aggloméré et contreplaqué, il se relâche
petit à petit. Aussi présent dans certains
matériaux isolants. Et jusque dans les
tentures rigides. Symptômes : irritations
des yeux, migraines, nausées, somnolence.
Suspicion de cancer. Remède : ventiler.
►
Laines de roche et de verre :
vieilles et/ou mal placées, elles se
décomposent en fibres qui peuvent engendrer
une irritation cutanée et des voies
respiratoires supérieures, gorge sèche, toux
. Remède : remplacer.
►
Conseil général :
se méfier des produits miracles, vendus
notamment sur le Net. Exemple type: certains
ficus qui seraient efficace contre le
formaldéhyde, le lierre soi-disant actif
contre le benzène et les odeurs de tabac…
Autre attrape-nigaud soulevé par les Sami :
les cactus absorbeurs d’ondes
électromagnétiques. En fait, ils sont
souvent allergisants!
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Accessibles et neutres
Les différents Sami provinciaux, tous autonomes, sont des services gratuits(1).
En règle générale, le Sami ne se déplace pas dans les collectivités de type
crèches, écoles, bureaux, etc.(sauf provinciales). Il ne fonctionne qu’à la
demande d’un médecin, à qui le rapport de visite est systématiquement
envoyé. Bien que régulièrement surnommé “ambulance verte”, il n’intervient
pas en urgence. Il n’a aucun pouvoir de contrainte, ni dans les conflits
locataires/propriétaires, ni dans l’obtention du statut de “logement
insalubre”. Quelques mois après la visite à domicile, l’évaluation des
mesures préconisées est réalisée par téléphone. Selon une évaluation
récente, le Sami solutionne le problème dans 27% des cas. Et le résout
partiellement dans 62% des cas.
(1) A Bruxelles, le service est régional et s’appelle le
Cripi (02/775.77.69). Dans le Hainaut, il s’agit du LPI. Leurs coordonnées
sont consultables sur www.sami.be.
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