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Prévention (3 juin 2010)

 

Le nano débarque dans notre quotidien

Riches d’applications extraordinaires, les nanoparticules sont en train de déferler sur le monde et jusque dans notre vie de tous les jours. Problème: le plus souvent, nous n’en sommes pas informés. Et les impacts de cet “infiniment petit” sur la santé et l’environnement sont largement méconnus. Faut-il s’inquiéter?

Qu’est ce qui est petit, d’apparence très variable et qui monte, qui monte, qui monte ?

Réponse : les nanoparticules. Comprenez : ces matières minuscules, plus petites encore que les virus, d’un ordre de grandeur du milliardième de mètre, à peine plus grandes qu’une molécule d’ADN. Ces nanomatériaux sont en train de révolutionner le monde. Alors même que leur usage reste peu connu et peu réglementé, on leur annonce un essor fulgurant. En moins de dix ans, ils sont à la base de près d’un millier de produits d’utilisation courante. Parmi ceux-ci, les cosmétiques. Le dioxyde de titane, par exemple permet, à l’état nano, de rendre les crèmes solaires – mais aussi les crèmes anti-âge et les lotions démaquillantes – plus transparentes ou plus résistantes aux rayons ultraviolets. Le nano-argent est utilisé dans certains dentifrices en raison de ses propriétés antibactériennes. Le nano-zinc, lui, améliore la tenue des rouges à lèvres.

Le miracle de ces nanoparticules est de pouvoir développer, à cette taille infiniment petite, des propriétés dont ces éléments chimiques sont dépourvus à leur état habituel. Elles peuvent ainsi améliorer la résistance mécanique, faciliter la réactivité chimique, augmenter la conductivité électrique, renforcer la fluorescence, etc. Les nanotubes de carbone, par exemple, rendent les cadres de vélo et les raquettes de tennis à la fois beaucoup plus légers et plus résistants. Mais on trouve aussi d’autres types de nanomatériaux sur nos verres de lunettes et nos surfaces d’appareils électroménagers (plus résistants, plus propres), dans nos vêtements (plus résistants aux odeurs et à la décoloration), dans les panneaux solaires (où ils permettent aux cellules photovoltaïques de s’appliquer sur des supports souples), etc. Des potentialités énormes existent aussi dans le domaine des puces électroniques.

Selon le bureau d’études américain Lux Research, 10 millions d’emplois pourraient être créés dans le monde d’ici à 2014 dans le secteur de l’infiniment petit. Estimé à 500 milliards de dollars l’année dernière, ce marché pourrait être multiplié par six d’ici à 2015. Certains parlent d’une révolution plus importante que l’informatique ou la conquête spatiale.

 

Une aide précieuse en médecine

Les nanotechnologies et les nanomatériaux sont susceptibles de rendre d’énormes services à la médecine. Ils permettent en effet de cibler les organes à soigner avec beaucoup plus de finesse qu’autrefois et d’y acheminer une dose de médicaments parfaitement adaptée aux besoins du malade. Ils facilitent le diagnostic in vitro des maladies cancéreuses ou infectieuses. Ils améliorent la qualité des images issues de la résonance magnétique, de la médecine nucléaire et de l’échographie. Dans la lutte contre la mucoviscidose, certaines applications réduisent  les effets secondaires des traitements chroniques administrés aux patients. Autant d’usages qui sont appelés à se multiplier à l’avenir.

Le hic, c’est que ces nanoparticules ont envahi notre quotidien en dehors de tout cadre réglementaire adapté. Et qu’on connaît finalement peu de choses à leur sujet en dehors de leurs incontestables qualités techniques, par exemple sur leurs impacts sur la santé et l’environnement. Un chiffre évoque à lui seul la situation actuelle: 95 à 99% des crédits publics (selon les sources) affectés à la recherche sur le nano en Europe (tant nationale que communautaire) sont affectés à la recherche industrielle. Le reste – quasiment rien – est destiné à étudier l’impact des nanotechnologies sur la santé et l’environnement ! Or, l’infiniment petit peut être inhalé et pénétrer encore plus facilement que les microparticules le cœur de l’appareil respiratoire. Les spécialistes conviennent d’ailleurs que les nanoparticules peuvent franchir aisément certaines barrières physiologiques, comme celles qui séparent le poumon et le sang, le sang et le cerveau ou encore les barrières internes à la cellule.

 

Effets toxiques méconnus

“Au moins une dizaine de publications scientifiques sérieuses indiquent que les nano-poudres d’oxyde de titane sont capables de causer des effets génotoxiques chez l’homme”, explique Dominique Lison, toxicologue à l’UCL. Après avoir injecté des nanotubes de carbone - les plus utilisés à l’heure actuelle - dans les voies respiratoires de rats de laboratoire, le médecin et son équipe ont constaté chez ceux-ci des réactions inflammatoires, fibrotiques et génotoxiques très proches de celles causées par l’amiante. Quant à l’activité cancérogène des tubes de carbone, elle n’est pas exclue à ce stade.

Le problème se précise si l’on se souvient que Reach, cette réglementation européenne qui vient de remodeler la procédure d’enregistrement et d’autorisation des produits chimiques dans l’Union en fonction de critères de santé et environnementaux, n’a pas - ou peu - été conçue en intégrant le formidable développement des nanoparticules. Résultat : s’ils veulent prendre les devants en termes de prévention, les Etats sont obligés de réagir seuls, au cas par cas, et dans un contexte réglementaire très flou: rien n’oblige un fabricant, par exemple, à mentionner le recours aux nanoparticules dans la composition de son produit. La Suède a récemment interdit l’usage du nano-argent dans certains types de machines à laver, craignant que ce matériau bactéricide ne cause des ravages dans les fosses septiques et les stations d’épuration. Détail piquant : ces nanoparticules étaient censées permettre des lessives à plus basse température, donc moins consommatrices d’énergie et plus respectueuses de l’environnement. “Le problème le plus sérieux, c’est que nous manquons cruellement de méthodes fiables pour étudier l’exposition aux nanoparticules, ajoute Dominique Lison. Il est impossible, dans l’état actuel des connaissances, de définir des valeurs limites d’exposition”. Le chercheur universitaire n’est pas le seul à tirer la sonnette d’alarme. Les organisations sociales s’inquiètent également des conséquences de l’inhalation des nanomatières en suspension, particulièrement dans les ateliers et usines où les systèmes de filtration ne sont pas assez sophistiqués.

 

Une contre-révolution culturelle

Lors d’un débat récent organisé à l’ULB, divers spécialistes ont cherché à savoir comment mieux contrôler les effets éventuellement néfastes des nanoparticules et, plus largement, comment faire en sorte que la toxicologie ne reste pas éternellement à la traîne des développements industriels les plus pointus. Personne, en effet, ne songe à bannir sans discernement tous les usage du nano, en cours et à venir. Mieux vaut plutôt poser la question de leur pertinence pour la société et de leur intérêt collectif, dans le cadre de débats ouverts et détachés de groupes de pression obtus ou corporatistes.

Deux pistes ont été évoquées. Primo, obliger les ingénieurs, chimistes, physiciens et autres spécialistes des sciences appliquées à intégrer des préoccupations de santé et d’environnement dès le départ de leurs travaux, soit bien avant que des intérêts commerciaux s’emparent des nouveaux produits. Secundo, assortir chaque brevet commercial de considérations liées au respect de la santé et de l’environnement dès l’amont de la production industrielle. En soit, deux (autres) révolutions dans le monde de la recherche…

// Philippe Lamotte

 

>> Pour en savoir plus : La Revue “Prescrire” Décembre 2009 tome 29 n° 314 et Avril 2010 tome 30 n°318 www.prescrire.org

Egalement: Hesamag (ETUI) 2ème semestre 2009 www.etui.org ou 02/224 05 60

 


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