Prévention
(4 février 2010)
GSM : ami ou démon ?
Dangereux pour la santé, les GSM ? La réponse
absolue n’existe pas à ce stade. Mais divers éléments troublants incitent à la
prudence face au téléphone portable et à l’ensemble des technologies sans fil.
Particulièrement pour les enfants.
GSM : à déconseiller
aux enfants
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©
Guy Hurlebaus |
Dangereux pour la
santé, le GSM ? Bien malin qui pourrait répondre d’une façon catégorique à une
telle question, y compris le meilleur des spécialistes ! Entre inquiétude et
sarcasme, en passant par l’indifférence, cette interrogation n’en finit pas de
susciter diverses réponses, selon que l’on dispose ou pas d’informations claires
et impartiales sur ce sujet complexe. Telle est bien la difficulté : depuis que
le GSM et ses indispensables antennes relais se sont installés (en Belgique, le
véritable ras de marée commercial remonte à 1998-2000), la polémique resurgit
régulièrement dans les médias et au café du commerce. Chaque nouvelle
publication d’une étude scientifique entraîne des prises de position tranchées
des lobbies : celui des opérateurs de téléphonie mobile comme celui des adeptes
du principe absolu de précaution. Résultat ? Le citoyen lambda y perd son latin
et, goguenard, hausse les épaules : « il faut bien mourir de quelque chose »…
Que sait-on avec
certitude ? Qu’un GSM utilisé pendant dix minutes à trois centimètres de la tête
fait chauffer celle-ci de 0,7 degré, et probablement davantage à l’intérieur de
la tête du fait que cette zone n’est pas ventilée par l’air ambiant. Cette
hausse de la température est sensiblement plus marquée lorsqu’on téléphone par
exemple d’un garage souterrain, a fortiori à l’intérieur d’une voiture (lire les
conseils ci-contre). Cet effet purement thermique est réversible - la
température de la tête retombe rapidement- et sans conséquence néfaste
immédiate sur la santé. Les effets à long terme d’un tel usage du téléphone
sont, eux, plus difficiles à évaluer. C’est tout ce qu’on sait ? A peu près. Le
reste – une gamme très large d’effets non-thermiques - navigue dans le
provisoire, le partiel, voire le flou. Mais cela ne veut pas dire que cette
somme de connaissances est insignifiante, loin de là.
Des rats sous influence
On a par exemple
observé (laboratoire d’Hyperfréquence de l’UCL, sous la direction d’André
Vander Vorst) que des rats exposés pendant 21 mois à des micro-ondes du type de
celles émises par un GSM connaissaient un taux de mortalité deux fois plus élevé
que des rats non-exposés. Pourquoi? Mystère, mais l’hypothèse d’un
vieillissement prématuré est posée. On a également remarqué (étude Interphone/CIRC)
que l’usage fréquent du GSM pendant dix ans, dans 13 pays industrialisés,
semblait entraîner chez leur utilisateur – humain, cette fois - un risque majoré
d’apparition de trois types de tumeurs souvent malignes: les gliomes (cerveau),
les neurinomes (nerf acoustique) et les tumeurs de la glande parotide. Pour
cette dernière maladie, une partie des personnes touchées étaient les gens
vivant à la campagne, où les antennes sont généralement plus espacées, donc plus
puissantes. D’autres travaux sérieux ont suggéré que l’exposition aux ondes
incriminées entraîne des phénomènes aussi variés que des modifications de l’ADN,
des perturbations dans la fabrication des globules blancs (immunité) ou dans le
système cardiovasculaire, etc., sans parler de simples migraines, irritabilités,
troubles du sommeil, etc.
De quoi paniquer ?
Pas si vite. Tantôt il s’agit de résultats provisoires et incomplets. Tantôt
leurs détracteurs (parfois une partie de leurs rédacteurs eux-mêmes !)
soulignent le manque de représentativité de la population étudiée ou d’autres
faiblesses méthodologiques. Tantôt des notions aussi centrales que l’usage
« fréquent » d’un appareil mobile ou l’exposition « directe » aux ondes émises
par les antennes font débat parmi les chercheurs. Après tout, les études
épidémiologiques sont longues et coûteuses. Quant aux cancers, ils ont une
période de latence parfois très étendue : l’usage répandu du GSM étant
relativement récent, leurs effets réels sur la santé pourraient se déclarer très
tard. Certaines études, du reste, concluent purement et simplement à l’absence
d’effets sur la santé, en tout cas à court ou relativement court terme. Mieux :
selon une étude américaine récente, la proximité de portables freinerait la
progression de la maladie d’Alzheimer chez la souris…
Là où le débat
s’obscurcit, c’est quand on apprend par exemple qu’en France le porte-parole de
l’Académie de Médecine – une institution qui se veut très rassurante sur
l’impact sanitaire des ondes électromagnétiques - est également membre du
conseil scientifique de Bouygues Télecom et du conseil d’administration
d’EDF-GDF. Ou que Mike Repacholi, l’homme qui a supervisé les études de
l’Organisation mondiale de la santé (OMS) sur ce sujet pendant quinze ans, a
aussi réalisé des études pour le compte de l’industrie de la téléphonie mobile…
Wallons et Bruxellois inégaux
Certains pays ne
tergiversent pas : en Suède, l’électro-hypersensibilité est officiellement
reconnue comme trouble fonctionnel depuis 2000. D’autres gouvernements
(Allemagne, Autriche, Liechtenstein…) adoptent des lois plus contraignantes
qu’ailleurs, destinées à compenser le fait que les normes de l’OMS tiennent
compte uniquement des effets thermiques des onde électromagnétiques. Autre
élément significatif: un peu partout en Europe, les assureurs refusent de
couvrir en responsabilité civile les risques liés aux champs
électromagnétiques. En Belgique, les autorités ont une attitude étrange. En
2007, l’Etat fédéral s’est associé (sans succès) aux opérateurs de téléphonie
mobile pour attaquer en justice la norme plus sévère adoptée par la Région
bruxelloise pour les antennes relais (3 Volt/mètre, au lieu de 20,6 V/M)
(1). L’année dernière, la Région wallonne s’est alignée à
son tour sur cette norme mais, en réalité, la façon dont celle-ci sera appliquée
fait que les Wallons seront exposés à un champs d’à peu près 7,5 V/m ! En
France, 16 villes sélectionnées parmi 200 candidatures s’apprêtent à tester la
norme plus sûre réclamée par beaucoup d’associations : 0,6 V/mètre.
Un brouillard omniprésent
Que retenir de tout
cela ? Que le GSM est un appareil fantastique, mais que nous l’utilisons souvent
sans discernement. Si les spécialistes en appellent à la prudence ou au principe
de précaution, c’est surtout parce que nous baignons, de plus en plus, dans une
sorte de «brouillard électromagnétique » lié aux GSM et aux antennes-relais
(6.000 en Belgique), mais aussi au Réseau Astrid (services de secours) et à
notre insatiable appétit de technologies sans fil : simples téléphones portables
(DECT), Babyphones, Wi-fi, Wi-max etc. Du fait de leur jeune âge, les enfants
resteront naturellement bien plus longuement exposés à ces sources multiples, au
cours de leur vie, que les adultes d’aujourd’hui. Certaines personnes sont
probablement plus fragiles face à cet « électrosmog ». De là, les réflexes de
prudence suggérés ci-dessous. Qui n’empêchent pas cette question-clé :
avons-nous vraiment besoin, avec nos petits appareils magiques, de faire
circuler images et sons partout et en permanence à chaque endroit du territoire
belge et même au-delà ?
// Philippe Lamotte
(1) Lire à ce sujet le dossier
2035/2036 du Crisp : « La législation et la jurisprudence relative aux antennes
GSM » – 02/211.01.80 – www.crisp.be
GSM : mode d’emploi sûr |
Voici
quelques précautions à adopter avec son GSM, en bonne partie issues de
la brochure du Service public fédéral « Santé et environnement »
(1). Les irréductibles du 100 % GSM les jugeront
probablement hors de portée. Elles sont pourtant peu ou prou praticables
sans retourner à l’âge de la pierre. A chacun de trouver un équilibre
entre la protection de sa santé à long terme et le côté
incontestablement pratique du petit appareil.
> Eteindre le GSM lorsqu’il n’est
pas utilisé.
> Limiter les conversations à cinq
ou six par jour, guère plus que 2 à 3 minutes chacune.
> Privilégier les SMS aux
conversations. Le signal étant nettement plus bref, la durée
d’exposition aux ondes est largement inférieure.
> Après avoir composé le numéro, ne
porter l’appareil à l’oreille qu’après quelques secondes, car
l’exposition est accrue au moment où il cherche la connexion.
> Utiliser systématiquement une
oreillette. Eloigner l’appareil du corps, particulièrement des zones
génitales (surtout pour les ados), du ventre (pour les femmes enceintes)
et de la tête. Les oreillettes sans fil sont conseillées, mais émettent
légèrement (beaucoup moins, toutefois, qu’un GSM).
> Ne jamais conserver le GSM allumé
sur soi mais, par exemple, dans un sac.
> Ne pas téléphoner depuis un
véhicule, surtout lorsqu’il est en déplacement. Les ondes sont
répercutées à l’intérieur de cette « cage » métallique et l’exposition
s’en trouve accrue. Ouvrir les fenêtres atténue le problème. A noter
que, même hors conversation, un GSM qui se déplace vite (train) a plus
de difficultés à rester connecté aux stations de base : il émet donc
davantage d’ondes que s’il est stationnaire.
> Lorsque l’appareil n’indique
qu’une ou deux barrettes (état de la réception), par exemple dans un
parking en sous-sol ou un ascenseur, évitez toute communication car
l’appareil augmente automatiquement sa puissance.
> A l’achat, privilégier des
appareils qui ont un TAS (taux d’absorption spécifique) de moins d’1
W/kg (voir la notice) voire, si possible, moins de 0,5 W/kg.
> Eviter l’utilisation par les moins
de 16 ans, et certainement les moins de 12 ans.
> Bannir tout GSM allumé dans la
chambre à coucher, surtout si la connexion est faible. S’il doit rester
allumé, l’éloigner au maximum du lit. |
> Baby phone : à éloigner le plus
possible du lit du bébé. Choisir un modèle n’émettant qu’à à la voix, et
non en permanence. Utiliser la position « activation vocale » si elle
existe.
> Wi-fi : débrancher la connexion du PC
portable en cas de non utilisation.
(1) Infos :
02/524.97.97 ou www.health.fgov.be. Chercher « site map »,
« environnement », puis « champs électromagnétiques ». |
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