Prévention
(20 janvier 2011)
Chassons les polluants!
Le
plus souvent, l’air que nous respirons à l’intérieur des bâtiments est
insuffisamment renouvelé. Résultat : les substances toxiques s’y accumulent
et peuvent provoquer des problèmes de santé, de concentration. De récentes
enquêtes montrent que la situation est particulièrement préoccupante dans
les crèches et les écoles. Pourtant, des mesures simples peuvent être prises
pour y améliorer la qualité de l’air.
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© Lemoine-Reporters |
Commençons par la maison !
Nous y
passons déjà en moyenne huit heures à dormir, et au minimum quelques
heures matin et soir… Ce lieu où l’on se sent bien peut pourtant
être la source de certains problèmes de santé - l’asthme et les
allergies pour l’essentiel – comme en attestent les analyses
effectuées par les organismes chargés d’analyser la qualité de notre
air intérieur…
Ainsi, chaque année en
Wallonie, les services d’analyse des milieux intérieurs (Sami) réalisent
quelque 660 visites au domicile de personnes présentant un problème de santé
lié à l’habitat et ce, à la demande de médecins généralistes(1).
Objectif : trouver la cause des problèmes respiratoires non-asthmatiques,
des allergies ou encore de l’asthme dont se plaignent les personnes. Dans
plus de deux tiers des cas, les analyses des échantillons prélevés dans les
maisons attestent de la présence d’humidité et de moisissures sur les murs.
Celles-ci libèrent des spores (de fines “poussières” produites par les
champignons) dans l’air et provoquent une irritation des voies respiratoires
ou des allergies qui peuvent mener notamment à des rhinites, des bronchites
et de l’asthme.
Cette humidité peut être
due à des problèmes d’infiltration mais peut aussi provenir de la
condensation accumulée dans certaines pièces (salle de bains, cuisine,
buanderie…) lorsque la maison n’est pas suffisamment aérée. “Dans la
plupart des cas, nous conseillons d’adopter des mesures simples comme une
aération régulière et correctement réalisée, explique le Dr Alain Nicolas
qui dirige le SAMI liégeois. Parfois, il s’agira cependant d’effectuer des
réparations pour éliminer les problèmes d’humidité. En tout cas, lorsque les
conseils sont suivis, 27% des gens constatent une disparition des symptômes
et 61,6% une amélioration partielle!”.
Les
crèches sensibilisées
Passons à un autre lieu
de vie : la crèche où sont accueillis nos bambins jusqu’à l’âge de trois
ans. Une enquête par questionnaire, menée dans le cadre du Plan National
d’action Environnement Santé (2)
dans plus de 400 crèches du pays, dévoile une situation qui laisse quelque
peu perplexe. “Un tiers d’entre elles font état de problèmes d’humidité et
un quart ont constaté la présence de moisissures, explique Marie-Christine
Dewolf, Project manager à Hainaut Vigilance Sanitaire. Il n’est pas rare non
plus de trouver, dans l’air intérieur, des taux de particules fines (émanant
des processus de combustion – industrielle ou du trafic – ou de réactions
chimiques, provenant de l’extérieur) supérieurs à ce qui était mesuré à
l’extérieur !” En effet, l’air s’engouffre dans les locaux; les substances
s’additionnent à celles qui émanent du mobilier, des matériaux, des produits
utilisés, etc. L’air n’est pas renouvelé, ne laissant pas la chance à un air
plus pur de prendre sa place…
L’enquête a aussi montré
que les personnes qui travaillent en crèche ont souvent de mauvaises
habitudes : dans une crèche sur deux, on recourt à des pesticides
(insecticides, surtout) même occasionnellement et, dans près d’une sur
trois, à des produits désodorisants. Un autre polluant régulièrement relevé
est le fameux formaldéhyde – classé comme cancérigène par l’OMS – qui
s’échappe du mobilier, de certains produits de nettoyage et de certains
revêtements comme le parquet en mélaminé. La concentration est en moyenne
deux à trois fois supérieure à la norme fixée pour les personnes dites
“sensibles” dont les bébés font partie.
Si ces résultats peuvent
en inquiéter certains, il faut préciser que cet état des lieux a initié une
prise de conscience. Les milieux d’accueil qui ont participé à cette enquête
ont reçu des recommandations ainsi qu’une formation très concrète sur la
façon de gérer les pollutions intérieures. Une formation qui semble avoir
son petit succès !
Les
écoles à la traîne
Les écoles ne sont
malheureusement pas en reste non plus… Ainsi, le SAMI-Lux a récemment publié
les résultats d’une étude sur la qualité de l’air intérieur, menée dans les
classes de 1ère maternelle et de 3ème primaire de 20%
des écoles de la province de Luxembourg(2).
Ici, ce sont des visites du bâtiment et des analyses qui ont été réalisées.
“Si tous les bâtiments possédaient des systèmes de ventilation naturels,
comme des fenêtres, dans un état globalement correct, on relevait des odeurs
désagréables dans 38% d’entre eux, explique le Dr Martina Kuske, du
SAMI-Lux. L’enseignement le plus intéressant est l’évolution, au cours de la
journée, de la concentration des polluants, lorsque la pièce n’est pas
adéquatement ventilée et aérée. Ainsi, le taux d’humidité relative augmente
au cours de la matinée pendant que les élèves sont en classe. Dès que l’on
ouvre la fenêtre durant la récréation, on le voit chuter”. Côté teneur en
dioxyde de carbone, les chiffres sont encore plus clairs : dès l’entrée en
classe le matin, la concentration est correcte quasiment partout mais en fin
de matinée, les deux tiers enregistrent des taux médiocres. Par ailleurs,
entre un tiers et la moitié des classes présentent des taux de COV (toluène,
benzène pour l’essentiel) supérieurs à la norme. “Une humidité visible ou
des moisissures étaient présents dans 15% des classes, plus encore dans les
toilettes ou les caves (pour 50% des cas), ajoute le Dr Kukse. Et dans une
classe sur trois, il y avait plus de spores fongiques (provenant de
moisissures) dans l’air intérieur que dans l’air extérieur. Une classe sur
deux présentait une quantité importante d’acariens. Enfin, pour ce qui est
du radon, situation particulière dans notre province, deux tiers des classes
présentaient des concentrations supérieures aux recommandations de l’OMS.
Enfin, une classe sur cinq accueillait des animaux domestiques et 14%
comportaient des plantes, avec les allergènes qui correspondent…”
Cet air pollué a un
impact sur la santé, on l’a vu, mais aussi sur les capacités
d’apprentissage, comme l’avait déjà mentionné, en 2007, une enquête de
Test-Achats qui dénonçait une concentration trop importante de CO2 et
de COV dans les classes. Le premier, qui provient de la pollution générée
par l’industrie, les transports, etc, “endort” les enfants, qui sont, de ce
fait, moins capables de concentration. Quant aux COV, ils semblent émaner
essentiellement du mobilier et des peintures, mais aussi du matériel
scolaire : correcteurs, marqueurs, effaceurs, colle… Une trop grande
concentration de COV peut être à l’origine de maux de tête, d’irritation des
yeux…
Cet état des lieux
montre bien que la situation pourrait largement être améliorée par la mise
en œuvre de mesures simples comme l’aération régulière des locaux. Pourtant,
il semble que la sensibilisation dans les écoles ne soit pas encore de mise…
Carine Maillard
(1) Il existe des services d’analyse des milieux
intérieurs (Sami) dans chaque province et en région bruxelloise (Cripi). Ils
sont, le plus généralement, gratuits.
Infos auprès des services provinciaux et de Bruxelles-Environnement ou
sur
www.sami.be
(2) Voir sur
www.nehap.be
Que faire en pratique? |
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©
Herve de
Gueltzl / REPORTERS |
►
Si vous
n’avez pas de système de ventilation opérationnel (évitez de le
condamner!),
ouvrez les fenêtres
de chaque pièce durant quelques minutes, trois fois par jour
si possible. Pas plus s’il fait froid, sinon l’air trop froid va
refroidir les murs, ce qui provoquera un choc thermique dès que la
fenêtre sera refermée et le chauffage allumé, favorisant la
condensation puis les moisissures.
►
Evitez les biocides
(insecticides et autres) ainsi que les
produits d’entretien trop parfumés. Limitez l’usage de
désinfectants (de type Dettol ou eau de javel) et aérez si vous
devez vraiment les utiliser (par exemple pour désinfecter des objets
souillés par une personne porteuse d’une maladie contagieuse). Pour
nettoyer, préférez les produits naturels achetés en magasin (avec
l’écolabel européen:
www.ecolabel.eu ), ou faits maison
avec du vinaigre blanc, du bicarbonate de soude et autres jus de
citron ou huile de lin… Vous pouvez aussi opter pour l’usage de
fibres de bonne qualité qui ne nécessitent pas de produit si ce
n’est de la glycérine comme dégraissant.
►
Ne fumez pas
à
l’intérieur.
► Evitez les
désodorisants!
S’il y a
de mauvaises odeurs, inutile de les masquer: il faut trouver la
source et nettoyer… Dans les toilettes, préférez l’aération et le
nettoyage régulier.
►
Préférez
le mobilier en bois massif
plutôt que les meubles en bois compressé (mélaminé) dont les colles
émettent du formaldéhyde.
►
En cas
d’humidité, supprimez les traces
(ici, l’eau de Javel est recommandée, mais avec l’aération
nécessaire!), cherchez les causes
(infiltrations…) et remédiez-y.
►
Choisissez bien les matériaux
dans la maison: évitez par exemple les peintures qui émettent trop
de COV (supérieur à 30g/L – c’est indiqué sur l’étiquette), qui
contiennent des métaux lourds, etc. Une astuce? Choisissez les
peintures qui portent l’écolabel.
►
Evitez
les travaux lorsque
les jeunes enfants
sont présents.
►
En classe et dans les crèches,
les animaux et plantes ne sont pas nécessaires !
>> Des fiches pratiques d’information sur l’habitat et la santé
peuvent
être obtenues gratuitement (frais de port uniquement) auprès de
l'association Espace Environnement
au 071/300 300.
Plus d’infos aussi sur
www.espace-environnement.be et
www.sante-habitat.be
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