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Médicaments ( 7 octobre 2010)

 

© Reporters Medicimage

Rilatine : juste une mise au point…

Vénérée ou maudite, la Rilatine® (pour utiliser la marque la plus courante) ne laisse pas indifférent. Cette molécule de la famille des amphétamines est prescrite aux  enfants atteints de troubles de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDA/H). Son succès pose cependant quelques questions, tant médicales qu’éthiques…

Chantal est la maman de trois garçons. Son aîné, Max, 8 ans, a été diagnostiqué TDA/H (trouble de l’attention avec hyperactivité). Dès le début, Chantal a compris qu’elle devait mettre en œuvre des mesures claires : éducatives d’abord, en insistant sur les limites, la valorisation de l’enfant, la pertinence des sanctions et leur respect, ce qui a déjà évité pas mal de débordements familiaux. Par ailleurs, Max est suivi par un logopède, une psychologue, une pédopsychiatre, un neuropédiatre ; plus jeune, il a fait de la psychomotricité et même du yoga. “Malgré tout, il reste un moment redouté : celui des devoirs et leçons qui peuvent prendre des heures ! Max est tout à fait capable de faire ses exercices, mais il rêvasse, chipote ou a le regard vide pendant qu’on essaie de lui ré-expliquer la matière. Et nous devons garder notre calme lorsqu’on lui demande combien font 2+2 et qu’il répond, visiblement au hasard parce qu’il n’a pas écouté précisément ce qu’on lui demande, ‘5 ?’ Heureusement, mon mari est toujours là pour prendre le relais quand je perds patience et vice-versa…”.

Peu à peu, la pédopsychiatre qui suit Max a proposé d’essayer la Rilatine. “Au départ, je la refusais : l’idée de mettre mon enfant sous médicament m’était insupportable. Je voulais y arriver autrement. Mais cette année, il est entré en 3ème primaire et j’ai vite vu qu’il avait vraiment du mal à suivre, et à quel point il se sentait ‘nul’ face à ses résultats… Mon mari et moi avons donc accepté la proposition du pédopsychiatre. En quelques jours, on a constaté une nette amélioration sur l’attention; les devoirs se passent tellement mieux et ses points amorcent une pente ascendante ! Mais je reste sur mes gardes ! Et ça ne me fera pas arrêter le reste du suivi !”

 

Abus… et abus

La famille de Max peut être considérée comme un cas de prise en charge exemplaire d’un enfant TDA/H. Malheureusement, il n’en va pas toujours ainsi : “En consultation, les parents qui demandent la Rilatine pour leur enfant turbulent – ou qui disent qu’un enseignant l’a conseillée ! – sans rien avoir mis en place à la maison et sans diagnostic de TDA/H, ce n’est pas rare, malheureusement !”, confirme le Dr Philippe Kinoo, pédopsychiatre au KaPP (unité d’hospitalisation psychiatrique pour les enfants) des Cliniques Universitaires St-Luc à Bruxelles. D’où un signal d’alarme tiré régulièrement : “Il y a certainement des abus, mais dans un sens comme dans l’autre. Tout comme la prescription de Rilatine est rédigée un peu trop souvent, trop vite, par un trop grand nombre de médecins, sans les tests neurologiques et psychologiques nécessaires, il y a aussi des enfants qui ne la reçoivent pas alors qu’ils en ont réellement besoin ; soit parce que les parents refusent l’option médicamenteuse, soit parce que certains médecins n’y sont pas non plus favorables malgré le diagnostic qui la justifie…”, poursuit-il.

Il faut dire que, très récemment, l’augmentation vertigineuse du nombre d’enfants sous Rilatine en a fait bondir plus d’un : de 6.000 en 2004, ils seraient passés aujourd’hui à 26.500… Une augmentation qui trouve différentes explications, selon Denis Verheulpen, neuropédiatre à l’Hôpital Erasme à Bruxelles : “Un certain nombre de pathologies, ou plus souvent encore de problèmes psychologiques, peuvent imiter en certains points un TDA/H. On parle alors d'agitation et d'opposition plus que d'hyperactivité et d'inattention ; dans ce cas, la prescription de méthylphénidate sera abusive.” C’est la situation dénoncée tant par une partie de l’opinion publique que par les spécialistes sérieux. “ Mais d'autre part, il y a beaucoup de diagnostics qui n'auraient pas été posés il y a 15 ans parce que le trouble est aujourd’hui mieux connu. Il y a donc aussi plus de prescriptions justifiées. Je pense que personne n'a encore de chiffre fiable sur la part des deux phénomènes dans l'augmentation des prescriptions…”.

 

Pro et contra

Les spécialistes s’accordent : ce traitement est efficace quand il est administré à qui en a besoin, et c’est bien cette efficacité qui a largement contribué aux abus de prescriptions pour des enfants turbulents, mais sans trouble de l’attention…

Alors les “contra” ont insisté sur les effets secondaires : ils accusent cette molécule de provoquer un retard de croissance chez les enfants, des troubles neurologiques, du sommeil et autre amaigrissement. Le Dr Verheulpen tempère : “Les effets secondaires du méthylphénidate ont fait couler beaucoup d'encre mais les études les mieux menées mettent en évidence, dans le cadre d’un dosage thérapeutique normal, quelques effets secondaires immédiats : des maux de ventre dans 6% des cas, des maux de tête (4%), une perte d'appétit (4%), de l’insomnie (3%), des vomissements (2%) ou encore des vertiges (2%). Un surdosage peut en outre provoquer de l’hypertension, des palpitations, etc...” Cependant, comme le précise le Dr Kinoo, l’apparition de ces effets est surveillée de près et le dosage sera alors adapté, voire un changement de molécule sera envisagé.

Néanmoins, de son côté, l’Agence européenne du médicament (EMEA) a émis des recommandations de surveillance des troubles les plus dangereux, comme l’hypertension, les troubles cardiaques, les troubles psychiatriques (dépression, psychoses, manies qui constituent des contre-indications au traitement !), sans pour autant limiter ses indications.

Et puis il y a les effets secondaires à long terme, d’autant que le traitement se prend, effectivement, durant plusieurs années, voire à l’âge adulte… “Avec plus d'un demi-siècle de recul, le seul effet secondaire à long terme qui ait été prouvé est un ralentissement de la croissance : 4cm de moins en moyenne pour une utilisation à long terme. Mais il n'y a pas de dépendance : les enfants arrêtent d'ailleurs souvent le traitement les week-ends et pendant les vacances sans effet de ‘manque’, et les adolescents oublient très souvent certaines prises ; l'accoutumance est également faible”, poursuit le Dr Verheulpen. Cependant, l’EMEA conseille d’arrêter, après un an, le traitement pour évaluer la nécessité de le poursuivre.

// Carine Maillard

 

Rilatine, un calmant ?
Pour savoir ce qui se joue, il faut comprendre le mode d’action de cette molécule, le méthylphénidate, commercialisée chez nous sous les noms de Rilatine (la plus connue), mais aussi Concerta.
“Cette molécule est un stimulant qui a la particularité d’être active sur l’attention qu’elle stimule. Elle permet à l’enfant de filtrer les bruits environnants qui d’habitude le détournent de ce qu’il fait : l’enfant est alors plus calme parce qu’il a la possibilité d’être plus attentif, moins distrait, plus structuré. Chez une autre personne ne souffrant pas de trouble de l’attention, il agit comme un stimulant”, explique le Dr Kinoo, pédopsychiatre.

 

Des conditions strictes de remboursement
Le remboursement de la Rilatine® doit faire l’objet d’une demande préalable au médecin-conseil de la mutualité. Celui-ci est chargé de vérifier que certaines conditions sont bien remplies :

> L’utilisation concerne des enfants et des jeunes (jusqu’à 18 ans) qui peuvent réellement en retirer un bénéfice thérapeutique. 

> Le diagnostic de TDA/H et la nécessité de recourir à la Rilatine® sont confirmés par un médecin spécialiste en neurologie pédiatrique ou en psychiatrie pédiatrique.

> L’administration de la Rilatine® fait partie d’un schéma global de traitement comprenant des mesures psychologiques, éducatives et sociales adaptées.

 

Faire la part des choses

Afin d’éviter les abus auxquels nous assistons aujourd’hui, il faudrait développer et valoriser les alternatives aux médicaments et, à tout le moins, s’assurer que le traitement médicamenteux n’est pas la seule thérapie activée, mais s’inscrit dans une prise en charge plus large “incluant des interventions psychologiques, éducationnelles et sociales, lorsque d’autres mesures n’ont pas été efficaces pour modifier le comportement”, comme le précise l’Agence européenne du médicament.

La balle serait-elle, pour une bonne partie, dans le camp des responsables politiques pour améliorer le remboursement de certaines prises en charge? Sans doute, mais pas seulement… L’efficacité du médicament ne devrait pas non plus endormir la capacité de réflexion des prescripteurs ! Le Dr Philippe Kinoo a d’ailleurs une approche intéressante pour vérifier l’efficacité réelle du médicament : C’est le test thérapeutique ‘methylphenidate versus placebo’, avant de prescrire, le cas échéant, pour un plus long terme. Le but est de voir les cas où le traitement est efficace et nécessaire.

“Concrètement, je prescris une semaine de placebo, sous forme de gélules, à prendre le matin et le midi, puis une semaine de methylphenidate, dans les mêmes circonstances. L'enfant et l'enseignant ne sont pas informés que, dans l'un des deux ‘médicaments’, il y a un placebo, mais doivent me rapporter l'effet de ceux-ci pendant les deux semaines expérimentales. Les parents, eux, sont au courant et généralement, ils apprécient la méthode.

Résultat : s’il s’agit d’un trouble d’agitation ou d’opposition qui mime le TDA/H, par exemple, on voit très vite que le méthylphénidate n’est pas adéquat. Les parents expliquent que l’enfant est ‘encore pire’. Un adolescent m'a même expliqué que cela ne lui avait fait aucun effet en classe, mais qu'il avait battu au badminton des adversaires qui l'enfonçaient auparavant. Dans ce cas, on arrête tout de suite.le traitement…” explique le Dr Kinoo.

Plus globalement, notre société ne devrait-elle pas aussi se questionner sur ses normes, ses exigences imposées aux enfants – rentabilité et efficacité (scolaire), concentration toujours plus longue, le tout dans le calme, même en récréation…? Elles laissent finalement peu de place à ceux qui s’en écartent et aboutissant à mettre en échec des enfants plus turbulents ou distraits. Einstein, Churchill, ou encore Newton en faisaient pourtant partie, semble-t-il…

//CM

 


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