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Le profit ou la santé ? (7mars 2005)

 

On aura rarement vu un débat politique aussi essentiel prendre une telle ampleur aussi rapidement. Quelques mois à peine après la sortie en néerlandais de l’ouvrage du docteur Van Duppen “Pourquoi les médicaments sont-ils si chers ?” (voir ci-dessous), la question rebondissait dans le débat parlementaire.

 

En Marche a rencontré le docteur Van Duppen, ainsi que le docteur Johan Vandepaer, traducteur avec sa consœur Sofie Mercx pour la version française qui vient d’être publiée. Nous avons tout d’abord demandé au docteur Van Duppen, médecin généraliste d’une maison médicale de la “Médecine pour le peuple” à Deurne (près d’Anvers), comment il était entré “en guerre” contre le prix des médicaments ?

 

Dirk Van Duppen : L’an dernier, alors que F. Vandenbroucke, ministre des Affaires sociales, accordait au géant pharmaceutique Merck, Sharp & Dohme (MSD) le quasi monopole du remboursement au Zocor - une simvastatine, efficace dans la lutte contre l’excès de cholestérol - sept hôpitaux publics gérés par les CPAS de la ville d’Anvers étaient privatisés à la suite de difficultés financières. Le Ministre assurait donc le remboursement d’un médicament coûteux, hors brevet depuis le 1er juillet 2003, alors qu’il existait un équivalent générique… moitié moins cher que le Zocor. Un calcul très simple permettait de constater que cette décision avait eu pour conséquence de provoquer un surcoût – évitable – de 29,3 millions d’euros pour l’assurance maladie (entre juillet 2003 et août 2004), soit des gains qui représentent pratiquement le double du déficit des hôpitaux publics anversois (15 millions d’euros) ! Les deux évènements n’ont directement rien à voir entre eux, mais leur rapprochement donne à réfléchir. Il ne suffit pas de parler du “gaspillage” des ressources, mais bien du “pillage de la sécurité sociale”. Ou plus exactement du pillage des ressources de l’assurance maladie qui sont, certains l’oublient, largement assurées par nos cotisations, que nous soyons malades ou non.

Aucune raison médicale ne pouvait justifier cette décision. Les médicaments génériques, dont l’équivalence est soigneusement contrôlée, ont les mêmes qualités que les médicaments originaux. Cette péripétie m’a permis de mesurer à quel point le marché du médicament, et notamment la fixation des prix, est le résultat d’un rapport de force entre les firmes pharmaceutiques et les responsables des politiques de santé, au dépens de ces derniers, le plus souvent. Les mutualités chrétiennes le savent bien : dans De Morgen Marc Justaert, accusait F. Vandenbroucke de toujours céder face au lobby pharmaceutique.

 

- Depuis 98, lit-on dans votre ouvrage, les dépenses en médicaments ont augmenté près de deux fois plus vite que les autres dépenses de santé. La consommation est en hausse, mais les nouveaux médicaments mis sur le marché coûtent aussi de plus en plus chers…

 

- L’International Society of Drug Bulletins, un réseau international de bulletins sur le médicament et la thérapeutique indépendants de l’industrie pharmaceutique (1), affirme que le prix d’un médicament ne reflète pas le prix de production mais le prix maximum que le marché peut obtenir de l’assurance maladie… Les autorités publiques ne protègent pas suffisamment l’assurance maladie et les patients en tolérant ce “pillage”. Par ailleurs, comme médecin généraliste, je constate que les patients ne connaissent que le prix qu’ils paient, c’est-à-dire le montant de leur participation (le ticket modérateur). Plus encore, il s’agit de l’ignorance de la majorité des médecins qui ne connaissent rien du prix réel du médicament, ni même, trop souvent, du prix payé par le patient.

 

- EM: Les firmes pharmaceutiques ne manquent jamais de rappeler qu’elles sont des sociétés commerciales et qu’elles doivent dégager des profits pour se développer et répondre aux attentes d’une société qui place le maintien de sa santé très haut dans son système de valeurs…

 

- Pour moi, le profit n’est pas le problème principal. Une société commerciale a droit au profit. Je veux dire à un profit “normal”. Le problème vient du fait des bénéfices exorbitants dégagés par l’industrie pharmaceutique… et assurés en fin compte par des ressources financières collectives. Selon le magazine Fortune (avril 2003), le top 500 des plus grandes entreprises américaines, l’industrie pharmaceutique dépasse de très loin et de manière ininterrompue le reste de l’économie selon trois critères de profit. Pour chaque dollar de chiffres d’affaires, il y a 17% de bénéfices net, soit 5,5 fois plus que la moyenne du top 500. Le taux de profit sur le capital atteint 14,5%, soit 6 fois la moyenne de Fortune 500. Le bénéfice sur les actions atteint 27,6%, soit presque 3 fois plus que la moyenne de Fortune 500. Il faut rappeler sans cesse que le médicament n’est pas un produit commercial comme un autre à propos duquel on pourrait spéculer sans vergogne. Le médicament est avant tout un moyen de préserver la santé de tous et de chacun.

 

- EM: Votre livre n’est pas seulement une entreprise de dénonciation ! Vous avancez aussi une alternative en proposant de recourir à une technique “d’appel d’offres” en usage notamment en Nouvelle-Zélande depuis une dizaine d’années. En quoi cette méthode qu’on a appelé “méthode Kiwi” pourrait changer la donne ?

 

- La technique d’appel d’offres est un petit instrument qui permettrait de modifier le rapport de forces actuellement défavorable aux patients et à l’assurance maladie. Sans prétendre qu’elle puisse résoudre tous les problèmes, l’introduction de cette technique apporterait de grands changements. Le principe en est largement soutenu par des hommes et des femmes de toutes les grandes familles politiques de ce pays et par l’ensemble des organisations sociales. L’essence du modèle kiwi est d’obliger les autorités à utiliser le pouvoir d’achat de la collectivité pour négocier de meilleurs prix avec les différentes firmes pharmaceutiques, dans l’intérêt des patients autant que celui de l’assurance maladie.

 

Pratiquement, il s’agit de faire jouer la concurrence, ce qui n’est pas une hérésie dans notre système économique (!), en proposant au remboursement de l’assurance maladie les médicaments de qualité offrant le meilleur prix ! Autrement dit, au lieu de rembourser tous les médicaments qui reçoivent une autorisation de mise sur le marché, les autorités publiques demanderaient aux firmes pharmaceutiques proposant des médicaments équivalents de faire une offre de prix et ne rembourseraient que celle qui fait la meilleure offre. Les autres médicaments restent sur le marché, mais ils ne bénéficieraient pas d’un remboursement de la part de l’assurance maladie. Ce système existe, non pas dans une introuvable société socialiste, mais dans un pays libéral : la Nouvelle Zélande ! L’application de ce principe pourrait amener un milliard et demi d’euros d’économies par an (2).

 

L’appel d’offres public peut résoudre CINQ problèmes

 

1. Il casse les prix. Selon le système néo-Zélandais ceci pourrait représenter une économie de 1,49 milliards d’euros pour la sécurité sociale.

2. Il n’y a plus de raison de recourir à un marketing excessif. Les firmes n’auront plus besoin de convaincre les médecins que leur produit est meilleur que les autres imitations et copies.

3. C’est une simplification pour tout le monde, notamment pour le pharmacien qui ne devra plus garder en stock plusieurs marques commerciales différentes pour une seule substance active.

4. De ce fait, il garantit aux patients et aux médecins la réelle disponibilité permanente et immédiate de génériques vraiment moins chers dans toutes les pharmacies.

5. Il offre aux médecins la possibilité de prescrire qualitativement mieux, car ils auront un retour par des experts indépendants.

 

Les résultats du modèle Kiwi ont été empiriquement prouvés en Nouvelle-Zélande, mais également au Canada, dans certains États américains comme le Maine et l’Oregon pour leurs fonctionnaires et pour Medic-Aid. Également chez nous, le système a fait ses preuves pour l’achat de vaccins par les autorités communautaires pour l’œuvre Nationale de l’Enfance ou à l’armée belge.

 

 

- EM: Le système kiwi n’autorise au remboursement qu’un nombre limité de médicaments. Le choix ainsi amené ne risque-t-il pas de se faire au dépens de la santé publique ? Chacun trouvera-t-il dans ce système un choix suffisant de médicaments ?

- Si le choix, c’est la possibilité de se procurer le même médicament sous des noms de marque différents, je dis que ce n’est pas un vrai choix. Cela n’a rien à voir avec la liberté thérapeutique, puisqu’il s’agit à chaque fois de la même molécule, présentée sous une autre forme.

Le modèle Kiwi néo-zélandais ne mène pas à un appauvrissement de l’offre, mais bien à une rationalisation avec plusieurs choix par sous-classe. Il n’est pas exact de dire qu’en Nouvelle-Zélande on ne rembourse qu’un seul médicament… Ainsi il y a, en Nouvelle-Zélande, 6 antagonistes calciques contre 15 chez nous, 3 inhibiteurs de la sécrétion gastrique contre 6 chez nous, 8 anti-inflammatoires contre 19 chez nous (18 depuis le retrait du Vioxx !).

 

En Nouvelle-Zélande, on distingue aussi le premier choix. Si celui-ci ne convient pas, on peut recourir à un autre médicament également remboursé à 100%. Il suffit d’une motivation simple du médecin traitant.

 

Prenons l’exemple du paracétamol. En Nouvelle-Zélande, le paracétamol (antidouleur), est complètement remboursé. Chez nous aucun, alors que les pharmacies le vendent sous 15 noms commerciaux différents, avec des prix allant de 11 euros à 16 euros pour les mêmes 100 comprimés de 500 mg. Aux Pays Bas, dans un supermarché, on paie 1,8 euros pour 100 comprimés. En Nouvelle-Zélande, ils coûtent, grâce à l’appel d’offres public, 0,75 euro. Le paracétamol est l’antidouleur de premier choix pour les patients atteints de polyarthrose. Et pourtant, actuellement, on prescrit beaucoup d’anti-inflammatoires, entre autres parce que le paracétamol n’est pas remboursé, alors que les anti-inflammatoires n’ont pas de meilleure action thérapeutique que le paracétamol en cas d’arthrose. Et ils sont plus dangereux (risque d’ulcères et d’hémorragies gastriques, d’insuffisance rénale et d’hypertension artérielle). De plus, ce groupe de médicaments coûte plus de 120 millions d’euros par an à la sécurité sociale alors que les trois quarts d’entre eux peuvent certainement être remplacés par le paracétamol à un prix ridiculement bas.

 

- EM: Les firmes pharmaceutiques justifient très souvent leurs prix en expliquant que la recherche pour la mise au point de nouveaux médicaments coûte très cher.

 

- D.V.D.: C’est l’argument de toujours mais il très contestable. Une étude du National Institutes of Health (février 2000), l’institution publique qui, aux Etats-Unis, subventionne toute la recherche biomédicale (le NIH) a révélé que 85% des coûts de développement des cinq médicaments les plus vendus dans les années 90 ont été payés avec l’argent des impôts. C’est vrai pour le Zantac, le Zovirax, le Capoten et le Renitec, et le Prozac. Je renvoie à mon ouvrage pour plus de détails.

C’est surtout la recherche fondamentale qui est financée par les pouvoirs publics car c’est elle qui comporte le plus de risques financiers. Mais, lorsqu’un médicament paraît vendable, l’industrie s’en empare, poursuit son développement et le commercialise. D’après cette étude du NIH, l’industrie ne contribuerait qu’à 14% dans la recherche fondamentale, chère et risquée, 38% de la recherche appliquée et 48% pour le développement final du produit ! De plus, la National Science Foundation (2002) estime que seul 18% du budget total de la Recherche et Développement de l’industrie va à la recherche de nouveaux médicaments, 82% étant consacrés à la mise au point de produits dérivés de médicaments existants.

 

Enfin, n’oublions pas que les firmes investissent deux fois plus dans le marketing que dans la recherche, frais de marketing qui, en bout de course sont payés par les patients ! Ainsi, Le quotidien français Le Monde (31 mars 2005) rapporte que Pfizer, numéro un mondial de la pharmacie, entretient 38.000 visiteurs médicaux sur trois continents et a dépensé deux fois plus, en 2004, pour son activité marketing (16,9 milliards de dollars) que pour la recherche et le développement.

 

- EM: La technique du kiwi ne serait-elle pas seulement une technique de gestion, permettant de faire baisser les coûts de l’assurance maladie, qui conviendrait à une situation où les moyens sont limités ?

 

- Il s’agit certainement de gérer au mieux l’argent de la collectivité, le produit des cotisations et des ressources publiques qui garantissent le fonctionnement du système. Il est normal que les gens aient quelque chose à dire à ce sujet , notamment par le biais des organisations sociales qui les représentent. Par ailleurs, l’objectif est clairement un projet de santé publique : protéger la santé de la population en donnant accès à tous aux médicaments les meilleurs au prix le plus bas. Le comble c’est que le pillage de la sécurité sociale soit organisé à partir du produit des cotisations des citoyens !

Propos recueillis

par Christian van Rompaey

 

(1) Société fondée en 1986 à l’initiative de plusieurs bulletins d’Europe, d’Asie et d’Amérique centrale, avec le soutien initial du bureau européen de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS).

(2) En Belgique, on pratique le remboursement de référence : lorsque le brevet d’une spécialité originale est expiré, et qu’apparaît sur le marché un générique qui contient le même principe actif que cette spécialité originale, le remboursement de celle-ci devient limité au montant qui est remboursé pour le générique. En pratique cela aboutit au fait regrettable que, pour les spécialités qui figurent dans le remboursement de référence, le montant à charge du patient pour la spécialité originale représente au moins 2,4 fois le montant qui est à sa charge pour le générique correspondant.

 


 

L’industrie du médicament

“L’industrie met sur le marché un flot ininterrompu de nouveaux médicaments. Il est souvent malaisé de déterminer dans quelle mesure les prix de ces nouveaux produits reflètent réellement les coûts de développement, de production et de marketing. Mais il clair que dans de nombreux cas, l’entreprise mettra tout en œuvre pour obtenir ce que, dans les milieux d’affaires, on appelle “le prix le plus élevé que peut supporter le marché”. En fait, cela signifie pour les médicaments que le prix est déterminé par le prix le plus élevé que l’assurance maladie ou les pouvoirs publics peuvent supporter.”

Organisation Mondiale de la santé - 2002

 


 

lire

Pourquoi les médicaments sont-ils si chers?

 

“L’ambiance javellisée des pharmacies et l’ambiance feutrée des laboratoires nous plongent dans un monde d’ordre, de calme, oserait-on dire de beauté ? Au quotidien, seule cette image s’offre au public. Mais la vraie vie est ailleurs…”

 

Ainsi démarre la préface du livre du docteur Dirk Van Duppen, médecin généraliste à Deurne (près d’Anvers) dont la traduction française vient d’être présentée à Bruxelles, après que l’édition en langue néerlandaise ait déjà suscité pas mal de remous au nord du pays. L’enquête du docteur Van Duppen nous entraîne dans “la vraie vie du médicament”, un monde où politique, médecine, médias médicaux, droit et entreprises pharmaceutiques sont pris dans des jeux d’influence et de lobbying, d’atermoiements et de pressions dont les patients n’ont aucune idée.

L’enquête est rigoureuse et bénéficie de l’expérience de terrain du médecin généraliste. Cet aller-retour entre les lieux de décision et le cabinet de consultation démonte le grand jeu des firmes pharmaceutiques en cherchant à répondre à des questions simples mais tellement pertinentes : les médicaments les plus vendus sont-ils les plus nécessaires ? Les plus chers sont-ils les meilleurs ? Comment les pouvoirs publics sont-ils amenés à rencontrer les intérêts des grosses firmes pharmaceutiques ? Pourquoi d’excellents médicaments ne sont-ils plus mis en vente ? Comment les brevets cassent-ils le marché ? Pourquoi le secteur de la pharmacie offre-t-il les investissements les plus plantureux? …

 

Dans la première partie de son livre, ‘La guerre du cholestérol”, l’auteur développe le cas des médicaments hypolipémiants comme exemple d’un genre de hold-up en col blanc sur la sécurité sociale; il détaille ensuite les mécanismes de la poule aux œufs d’or (“Prix et profit”), pour s’attarder sur les illusions de la “Recherche et développement” et la sophistication des multiples outils de “Marketing” mis en place par l’industrie. Il finit par un plaidoyer en faveur d’un système d’appel d’offres public, tel que le pratique la Nouvelle-Zélande, et qui a déjà été employé avec succès en Belgique pour des campagnes de vaccination (l’Etat fédéral et les Communautés ont acheté leurs vaccins à la moitié du prix plein en pharmacie).

 

 

“La guerre des médicaments, Pourquoi sont-ils si chers ?” Dirk Van Duppen, avec les docteurs Johan Vandepaer et Sofie Merckx, co-auteurs pour la version francophone. Aden Collection EPO, Bruxelles, 2005, 292 pages. Prix librairie : 20 EUR. Prix 16 EUR.

 

 

Bon de Commande

"La guerre des médicaments" de Dirk Van Duppen peut-être commandé au prix de 16 euros (réduction de 20% sur le prix public pour les lecteurs de En Marche) - frais de port compris pour la Belgique et la France - en renvoyant le bon de commande ci-dessous :

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