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Médicaments (4 décembre 2014)

Prêter attention aux effets indésirables des médicaments

© MAXPPP

Touristil, Motilium, Fastum gel, Zolpidem®… Ces spécialités bien connues ont fait l'objet de décisions récentes par les autorités : retrait du marché, prescription médicale obligatoire, contre-indications… À l'origine : une évaluation scientifique rigoureuse des effets indésirables signalés.
Explications et analyse des enjeux avec le Professeur Jean-Michel Dogné, directeur du Département de pharmacie à l'Université de Namur et expert en pharmacovigilance.

En Marche : Lorsqu'un médicament est en vente, les risques que surviennent des effets indésirables sont étroitement surveillés. Est-ce à dire que la sécurité d'un médicament n'est pas garantie au moment où il est commercialisé ?

Le Professeur Jean-Michel Dogné, expert en pharmacovigilance
Jean-Michel Dogné : Au moment où un médicament est autorisé à la vente, la connaissance de ses effets indésirables est encore parcellaire. Certes, des études cliniques préalables ont dû prouver la sécurité et l'efficacité du produit. Mais aussi rigoureuses soient-elles, ces études présentent des limites : nombre et panel de patients restreints, durée des études trop courte pour détecter des effets indésirables d’apparition tardive…

Dès lors, il est important de continuer à surveiller la sécurité des médicaments. C’est le rôle de la pharmacovigilance. Il s'agit d'identifier le plus tôt possible les réactions nocives et non voulues et d'examiner d'une manière scientifiquement responsable si elles résultent de l'utilisation du produit. Il faut ensuite mettre en place les actions nécessaires pour s'assurer que les médicaments soient utilisés d'une manière qui minimise le risque tout en maximalisant les bénéfices pour le patient. Enfin, les décisions doivent être communiquées efficacement pour leur mise en place par les professionnels de la santé et les patients.

EM : En juillet 2012, une directive européenne a renforcé le système de pharmacovigilance en Europe. Qu'est-ce que cela a changé pour le grand public ?

JM.D : Le patient est rendu acteur dans le renforcement de la sécurité des médicaments. Il a la possibilité de rapporter lui-même auprès des autorités compétentes de son pays les effets indésirables qu'il a constatés suite à la prise d'un médicament.

Par ailleurs, toutes les informations relatives à la pharmacovigilance sont rassemblées dans une banque de données, accessible à tous par l’intermédiaire d’un portail européen(1). La transparence a été renforcée. Ainsi, chacun peut consulter les agendas, rapports et avis rendus par le Comité d'évaluation des risques de pharmacovigilance européen (PRAC)(2). Le rôle de ce comité est d'examiner les données européennes relatives à la sécurité des médicaments et de prendre les mesures nécessaires. Il est composé de représentants des États membres, des patients et des professionnels de la santé.

EM : Quel premier bilan peut-on tirer ?

JM.D : Le travail de pharmacovigilance est beaucoup plus efficace que par le passé. Premièrement, la centralisation systématique des rapports d'effets indésirables au niveau européen augmente la capacité à identifier des problèmes de sécurité rares et importants. Deuxièmement, chaque État membre est responsable de certains produits, nouveaux ou anciens, et tenu d’examiner chaque mois les données associées à des effets indésirables.

Ainsi, par exemple, la Belgique effectue un travail de vigilance par rapport au paracétamol et à la dompéridone. Les signaux probants peuvent donc être amenés rapidement sur la table du PRAC. Lorsqu’ils nécessitent une ré-analyse de la balance bénéfices/risques du produit, un arbitrage européen est déclenché et une analyse détaillée entreprise. Cela prend en moyenne huit mois d'études et implique les experts des pays. Avant, chaque État analysait les données rapportées dans son pays et légiférait. Cela n'avait pas beaucoup de sens. Depuis la nouvelle réglementation, la décision finale s'applique à tous les États membres. C'est une grande avancée.

EM : Vous pouvez citer un exemple concret ?

JM.D : Prenons Diane 35 et ses génériques, indiqués dans le traitement hormonal de l'acné. Il y a presque deux ans, suite à des plaintes déposées par des femmes victimes de thrombose veineuse, la France a demandé au PRAC de réévaluer la balance bénéfices/risques de ces produits. Un autre État membre a réalisé une analyse et plaidé pour le maintien de ces produits sur le marché, en précisant bien les indications et contre-indications pour minimiser les risques cardio-vasculaires. Le Comité a approuvé ce rapport à la majorité. Dès lors, la Fran ce a été obligée de suivre la décision européenne harmonisée.

EM : Le pouvoir de ce Comité semble important. Arrive-t-il à exercer ses missions en toute indépendance ? Le lobby pharmaceutique est puissant et les enjeux financiers considérables…

JM.D : En tant qu'expert représentant l'État belge au sein de ce Comité, je peux vous assurer n'avoir personnellement jamais subi de pression quelconque du secteur pharmaceutique. Même si nous ne sommes pas toujours d'accord, c'est souvent à une majorité écrasante, voire à l'unanimité, que les évaluations scientifiques et recommandations sont approuvées. Si on démontre des risques dans une étude et qu'on n'en tient pas compte lors des votes, on n'est pas crédible.

Néanmoins, dans de nombreux cas, tout n’est pas noir ou blanc. Les limites méthodologiques de certaines études ne permettent pas toujours de garantir les résultats. De même, il est parfois difficile d'interpréter le lien de causalité entre les effets indésirables et le produit, le nombre de cas rapportés étant sous-estimé par rapport aux cas réels. J'ajouterais que c'est dans l'intérêt des firmes pharmaceutiques que les effets indésirables de leurs produits soient le plus rapidement décelés et que des minimisations de risques soient proposées et communiquées.

EM : Le scandale sanitaire du Mediator®, ce médicament resté sur le marché français en dépit de risques avérés et ayant provoqué des centaines de décès, ne pourrait donc plus se produire ?

JM.D : En tout cas, le système actuel de vigilance permet de déceler beaucoup plus tôt des problèmes de sécurité liés à des médicaments. Il oblige de les porter au niveau européen et, le cas échéant, impose aux 28 pays de l'UE les mesures décidées. Dans le cas du Mediator, commercialisé dans certains pays européens, il est vraisemblable que la France aurait été obligée de limiter son utilisation voire de le retirer du marché bien plus tôt qu'elle ne l'a fait.

EM : L'information des résultats de pharmacovigilance est capitale. Il y a là d'énormes efforts à accomplir…

JM.D : C'est évident. Les médias relaient surtout ce qui a trait aux médicaments les plus connus. Parfois, les messages sont mal compris. Ainsi, par exemple, même si le risque de thrombose veineuse est plus élevé avec les pilules contraceptives de 3e génération, cela ne remet nullement en cause le bénéfice de la contraception orale.

D'autre part, il est important de souligner que ce risque, bien que réel, reste très limité en regard d’autres facteurs de risque. Chaque année, des centaines de produits font l'objet de recommandations par le PRAC. Parfois cela concerne peu de patients mais les risques peuvent être très graves. On se souviendra du Vioxx®, qui a été retiré du marché en 2004 en raison de risques élevés d'infarctus du myocarde. Bien entendu, il est important de bien expliquer pourquoi des mesures sont prises. C'est un peu comparable aux limitations de vitesse : on les fixe pour réduire le risque d'accidents… Mais on doit accepter que le risque zéro n’existe pas.

//ENTRETIEN : JOËLLE DELVAUX

(1) www.adreports.eu

(2) Le PRAC est institué au sein de l'Agence européenne des médicaments. Plus d'infos sur www.ema.europa.eu

 Que signaler  ?

Tous les effets indésirables survenus avec un médicament peuvent être signalés, que l'usage soit normal ou non (mauvais usage, abus, erreur, exposition professionnelle...). Le rapport de cause à effet ne doit pas nécessairement être prouvé.

Une vigilance particulière est recommandée quand les effets indésirables sont :

  • nouveaux ou inattendus (non mentionnés dans la notice),

  • graves (ayant entraîné une hospitalisation, un décès, une invalidité…),

  • survenus après un vaccin et lors du passage d’un médicament à un autre,

  • survenus chez les enfants, les femmes enceintes ou allaitantes, les patients âgés…

De plus, toute une série de médicaments récents sont soumis à une surveillance supplémentaire. Identifiables par la présence d'un triangle noir inversé, leur liste fait l'objet d'une mise à jour mensuelle sur le site de l'Afmps.

Être acteur de sa santé

© G. Houin/Belpress
Consommer un médicament n'est jamais anodin. Des réactions nocives peuvent se produire. Cependant, il est possible de les éviter ou de les réduire… par un usage adéquat du produit. Quelques conseils.

> Suivre les recommandations du médecin ou du pharmacien sur la manière appropriée d'utiliser le médicament (c'est ce qu'on appelle la compliance). Cela concerne la posologie, la durée du traitement, les mesures suggérées pour diminuer les risques associés … Bien lire les notices et ne pas hésiter à demander au prestataire d'écrire les informations utiles. Le but est d'éviter l'usage excessif ou sporadique du médicament, le surdosage, l'arrêt précoce ou brutal du traitement…

> Éviter l'automédication. Puiser dans sa pharmacie un médicament déjà consommé dans des circonstances similaires n'est pas une bonne idée. L'indication n'est peut-être pas la même ou des contre-indications peuvent être apparues entretemps. Ne jamais consommer non plus un médicament prescrit à quelqu'un d'autre.

> En cas d'effets secondaires sur le plan physique et/ou psychique, en parler à son médecin ou pharmacien. Le traitement nécessite peut-être une adaptation. Parfois, les effets indésirables sont connus mais les bénéfices restent supérieurs ou il n'existe pas d'alternative satisfaisante. Le professionnel de la santé suggérera alors des techniques pour réduire les effets secondaires. L'arrêt du médicament ou la prise d’un autre produit sont à envisager avec le médecin. En aucun cas, il ne faut arrêter un traitement d'initiative.

> Contribuer activement au renforcement de la sécurité des médicaments en signalant les effets indésirables que l'on a connus. Ce signalement peut se faire directement auprès de l’Agence fédérale des médicaments et produits de santé (Afmps) (www.fagg-afmps.be). Cependant, le mieux est de s'adresser à son médecin ou pharmacien qui pourra le notifier lui-même à l'Afmps avec les données qui lui semblent médicalement significatives.

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