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Médicaments (1er mai 2014)

Du cannabis pour soigner ?

© SCIENCE BELGAIMAGE

A la suite d’une vingtaine d’autres pays, la Belgique a autorisé, en 2012, pour la première fois, la commercialisation d’une spécialité pharmaceutique à base de substances cannabinoïdes. Son enregistrement par la Santé publique limite strictement son utilisation au traitement de la sclérose en plaques.

Depuis août 2012, un médicament à base de cannabis est autorisé en Belgique. “Autorisé” est une façon de parler puisque le Sativex® - c’est son nom - a reçu une autorisation de mise sur le marché (AMM) par les autorités fédérales, mais il n’est pas encore disponible, ni pour les pharmaciens, ni pour les médecins. Il faut savoir qu’un arrêté royal datant de 2001 limite drastiquement, en matière de Santé publique, les conditions d’utilisation des médicaments qui, comme lui, contiennent du THC, l’un des principes actifs du cannabis.

Ces médicaments ne peuvent être utilisés, à l’heure actuelle, que dans le cadre de recherches cliniques menées dans les institutions hospitalières universitaires et selon des modalités administratives bien précises. Pour permettre et encadrer la délivrance du Sativex, cet arrêté devra être adapté. La spécialité en question sera-t-elle remboursée? C’est à la firme productrice d’en introduire la demande auprès de la Commission de remboursement des médicaments (CRM) de l’Inami. Celle-ci devra alors en faire l’évaluation complète : efficacité, sécurité, rapport entre le prix et la plus-value thérapeutique.

Que les amateurs de amateurs de joints et autres “spaces cakes” au hachich ne se fassent pas d’illusions. Pas plus qu’à l’étranger, cette nouveauté n’ouvrira la moindre porte, chez nous, à la consommation dites “récréative” ou “festive” de hachich ou de marijuana, qui reste interdite par la loi pour ses effets délétères sur la santé. Le Sativex, par ailleurs, a reçu son autorisation de mise sur le marché (AMM) dans un cadre très étroit : il ne pourra soulager que des adultes atteints de sclérose en plaques souffrant de spasticité (problèmes musculaires). L’Agence fédérale des médicaments et des produits de santé (AFMPS) ajoute que le produit devra être prescrit par un médecin spécialisé et dans des dosages très précis.

Un peu mieux que la morphine

Y-aura-t-il, un jour, un médicament à base de cannabis autorisé et disponible pour d’autres pathologies que la sclérose en plaques ? Selon le Dr Dominique Lossignol, interniste à l’Institut Jules Bordet (Bruxelles), spécialisé dans le traitement du cancer, les dérivés cannabinoïdes pourraient avantageusement être utilisés dans d’autres pathologies. De 2002 à 2013, ce spécialiste du traitement de la douleur a réalisé des essais cliniques avec le Sativex sur une centaine de patients, atteints ou non de cancer, tant en traitement de fond qu’en traitement d’appoint.

Nos essais cliniques ont confirmé les travaux menés en Grande-Bretagne : le Sativex est sûr et ses effets secondaires, peu nombreux, sont bien maîtrisés. Outre son effet positif sur la spasticité, il permet de lutter efficacement contre les douleurs chroniques, qu’elles soient ou non liées au cancer ou aux effets secondaires des traitements (radiothérapie, chimiothérapie), là où d’autres antidouleurs ont montré leurs limites. Il peut aussi s’avérer utile dans les cas de glaucome (NDLR : hypertension intraoculaire) et, dans une moindre mesure, dans le traitement du syndrome d’anorexie/cachexie observé dans le cadre de l’immuno-déficience acquise (Sida)”. Selon lui, il présenterait aussi un avantage que la morphine, déjà très efficace, n’offre pas: il diminuerait les nausées et permettrait au patient de retrouver de l’appétit. “Environ 10% des patients de mes consultations placés sous dérivés morphiniques pourraient utilement en profiter”.

Des bienfaits remis en question

En janvier dernier, réagissant au feu vert des autorités sanitaires de l’Hexagone pour le Sativex dans le cadre de la lutte contre la spasticité des victimes de la sclérose en plaque, l’Académie française de médecine a jeté un froid glacial. “Les risques que fait courir le THC sont très nombreux, souvent graves et incompatibles avec un usage thérapeutique”. En complément, les experts français ont dénoncé les risques de “dépendance psychique et physique” de ces produits, de même que divers risques : la diminution des capacités intellectuelles, le cancer du testicule, des problèmes cardio-vasculaires et des “interactions médicamenteuses nombreuses et gênantes” avec des médicaments comme les benzodiazépines et avec l’alcool… Cette liste de nettes réticences est contestée par le professeur émérite de Psychologie médicale et d’addictologie (ULB) et, par ailleurs, fondateur de la Cannabis Clinic (CHU Brugmann).

Il y a vingt ans, les traitements de substitution à l’héroïne par la méthadone avaient suscité la même levée de boucliers. On craignait que les médecins fassent ‘n’importe quoi’. Plus récemment, on a connu le même phénomène dans les substituts à la nicotine. En réalité, à part quelques exceptions, aucun de ces scénarios catastrophistes ne s’est produit”. Et d’ajouter : “Comme les pompes à morphine, les produits à base de cannabis ne présentent qu’un risque très faible de dépendance s’ils sont utilisés dans un cadre thérapeutique strict, c’est-à-dire avec un objectif précis – diminuer la douleur – et sous la prescription de médecins, généralistes ou non, dûment formés et habilités à cela”.

L’abus de médicaments cannabinoïdes est un pur fantasme, estime de son côté le Docteur Lossignol. Jamais je n’ai vu un seul patient adopter un tel comportement. Maintenant que la connaissance scientifique du cannabis a – enfin! – commencé à rattraper son retard sur la morphine, il serait inacceptable de se priver de ce moyen de lutte, parmi d’autres, contre la douleur chronique. Le frein principal à cette avancée, aujourd’hui, ce n’est plus la conception rédemptrice de la douleur. Mais le fait que celle-ci n’est pas toujours considérée à sa juste mesure, consciemment ou pas. Y compris dans le monde médical”. Et de se montrer confiant : “La formation des médecins prend déjà en compte ces nouvelles exigences. Il suffira, demain, de quelques initiatives bien intentionnées et menées avec succès pour que tombent les dernières réticences à ces usages thérapeutiques”.

//PHILIPPE LAMOTTE

(1) A lire : Regards croisés sur le cannabis, ouvrage collectif, Cellule drogues de l’Université de Liège, éd. Mardaga, 2010, 244 p.

Un paravent bien commode

Le cannabis est un produit qui n’a rien d’anodin. Certains consommateurs l’oublient ou… font mine de l’oublier.

Dans l’espoir de soulager leurs douleurs chroniques persistantes, des patients ont recours aux “joints” (herbe séchée ou sève de cannabis), achetés en catimini ou dans un coffee-shop aux Pays-Bas. Ce sont d’ailleurs ces “retours d’expériences” de la part de patients qui ont poussé un certain nombre de médecins – chercheurs cliniciens ou praticiens de terrain – à s’intéresser aux vertus antidouleurs du cannabis.

Evidemment, ce genre d’utilisation, que des médecins vont parfois jusqu’à couvrir d’un certificat médical, prête à ambiguïtés. Médicale, d’abord : les risques d’effets secondaires liés à la consommation de chanvre sous la forme d’un joint, sans contrôle précis de la quantité de cannabinoïdes absorbés, ne sont pas à négliger : assuétude, angoisse, déclenchement d’une psychose, etc.(1) De plus, l’inhalation de fumées toxiques au plus profond des poumons est difficilement justifiable sur le plan médical, sauf à la lumière d’une très délicate balance coûts/bénéfices, dans laquelle le dialogue entre le médecin et son patient malade chronique mérite d’être le plus éclairé possible! Par ailleurs, le risque de tomber sur un produit frelaté à base de cannabinoïdes reste permanent.

L’autre ambiguïté porte sur le terrain judiciaire. Au Parquet général de Liège, on met les choses au point. “Il arrive, assez rarement, qu’une personne soit trouvée en possession de cannabis en petite quantité et justifie, via un certificat médical, que celui- ci est destiné à soulager des douleurs récalcitrantes dans le cadre d’un cancer ou d’une maladie en phase terminale. Dans ce cas, il y a peu de chances qu’elle fasse l’objet de poursuites. Mais sa bonne foi – sur ce qui reste une infraction! – sera contrôlée”.

Le problème, c’est que ces malades de bonne foi servent régulièrement de paravent à ce que Patrick Andries, avocat général, appelle les “mystificateurs”. Entendez : des personnes qui, au nom de la tolérance actuelle de la justice envers l’usage strictement personnel de cannabis, revendiquent le droit de produire massivement du chanvre. Il leur suffirait, ensuite, de segmenter leur production en autant de clients acheteurs – malades ou non – pour justifier une commercialisation à “usage individuel”. “Cette lecture de la loi, aberrante, n’est qu’une façade destinée à maquiller des activités de trafic” observe P. Andries. Un discours qui refroidira les partisans de la légalisation de la marijuana et consorts. Mais qui a le mérite de la clarté.

//PhL

(1) Consulter : Cannabis : le vrai, le faux, www.mongeneraliste.be

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