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Médicaments (7 novembre 2013)

La traque aux faux médicaments

© Reporters

Des quantités énormes de médicaments douteux, d’une qualité médiocre ou carrément faux, circulent dans le monde. La possibilité d’en commander par le Net accroît les risques pour la santé du patient, y compris en Belgique. Quelles précautions prendre ?

Le 2 octobre 2012, l’une des plus vastes opérations de lutte contre les médicaments falsifiés dans le monde se clôture. Dans une centaine de pays, 193 services de police se sont lancés dans une bataille éperdue contre les trafiquants : 19.000 cyberpharmacies contrôlées, 133.000 colis postaux ouverts, 106 enquêtes judiciaires lancées. Le résultat? Plus de 3,7 millions d’ampoules, capsules et comprimés saisis. Valeur du “butin”: 10 millions de dollars! En Belgique également, le résultat n’est pas mince : fermeture de 11 sites web proposant des anabolisants et interception par les douanes, à Zaventem, de 75 colis illicites. Leur contenu: 2.644 comprimés destinés à stimuler l’érection, 4.700 ampoules d’anabolisants, 1.990 capsules de suppléments alimentaires falsifiés, de faux médicaments analgésiques, diurétiques, contre la tension excessive, antiallergiques, etc.

Six mois plus tard, une opération de la même nature se concentre sur l’Afrique. Dans les ports de 23 pays, polices et douanes mettent la main sur 550 millions de doses de médicaments illégaux potentiellement dangereux, voire mortels. Les conteneurs saisis proviennent du Sud-Est asiatique et du Moyen-Orient. Valeur de la prise : 275 millions de dollars!

Le trafic de médicaments est la nouvelle activité mafieuse du 21e siècle. “Plus lucrative encore que les stupéfiants, s’inquiète Carlo Chiaromonte, chef de la division du droit pénal au Conseil de l’Europe. Et moins risquée pour leurs auteurs, généralement exposés à de simples amendes.

Les pays en développement sont aux premières loges. La proportion de médicaments contrefaits y représenterait 10% des quantités consommées. Mais, de bonne source(1), on estime qu’elle grimperait à 30% au Kenya, et jusqu’à 70% en Angola. Des conteneurs entiers de produits frelatés, fabriqués dans les ateliers clandestins d’Asie, se retrouvent vendus à l’unité dans les rues africaines ou dans des officines qui n’en ont parfois que le nom.

Il y a faux et… faux

Des médicaments “frelatés”? Il faut s’entendre sur les termes. Dans 60% des cas, le faux médicament ne contient aucun principe actif. Il en résulte des ravages sur le patient qui, se croyant soigné contre des maladies aussi graves que le cancer, le sida ou le paludisme, compromet de facto sa santé et… tout espoir de guérison. Deuxième cas de figure: des produits périmés remis en circulation, moins efficaces ou totalement inutiles. Plus dramatique encore: la présence de substances toxiques (antigel, mercure) dans les “médicaments”. Dans tous les scénarios, on n’y voit souvent que du feu: même nom, même marque, même conditionnement que l’original. On a même connu des médicaments falsifiés avant leur commercialisation officielle, ce qui en dit long sur l’infiltration des trafiquants.

Le monde occidental a manifestement tardé à prendre la mesure du phénomène. “Pour des raisons d’image, les firmes pharmaceutiques ont préféré dissimuler l’existence des contrefaçons”, explique la revue française Prescrire. Si les faux médicaments ont tant de succès dans les pays en développement, particulièrement en Afrique, c’est en raison des faiblesses de la protection sociale et des prix élevés de certains produits médicaux, sans oublier les failles béantes de la traçabilité. “Le premier rempart au trafic de médicaments réside dans l’accessibilité aux médicaments de qualité”, juge Gustavo Gonzales-Canali, expert santé et développement au Ministère français des Affaires étrangères.

Certains experts remontent plus loin le fil d’Ariane sur les causes du phénomène et pointent la responsabilité du Fonds monétaire international (FMI). Ses programmes d’ajustement structurel auraient, pendant longtemps, entraîné des coupes sombres dans les politiques de santé publique des pays du Sud et contribué à augmenter le prix des produits importés. Or, une population appauvrie est davantage tentée de se rabattre sur des solutions plus accessibles sur le plan financier, mais boiteuses. La libéralisation de l’économie semble également jouer un rôle de facilitation du trafic, y compris dans les pays du Nord, notamment parce qu’elle favorise les appels d’offre en cas d’achats de médicaments. Ces appels sont honorés par des centrales d’achat, sur lesquelles le contrôle ne semble pas optimal. Aussi parce que la libéralisation favorise la création de “zones franches”, moins contrôlées, notamment dans les pays émergents.

Une convention antimafia

Que faire ? Les opérations coup de poing aux frontières ne suffisent pas. La lutte est longtemps restée difficile à organiser, notamment en raison de législations nationales disparates. Il faut dire que certains acteurs et pays suspectent la répression pure et dure de faire le jeu des grandes firmes pharmaceutiques (qui pestent de voir leur propriété intellectuelle détournée), plutôt que de s’attaquer aux racines du problème : soins de santé difficilement accessibles, absence de systèmes de mutualisation et de remboursement, etc.

D’autres, ou les mêmes, craignent que la lutte contre les faux médicaments se fasse au détriment des médicaments génériques, particulièrement ceux produits dans les pays émergents (Inde, Brésil, etc.). En effet, les génériques sont parfois moins bien conditionnés que les médicaments classiques, donc suspects aux yeux de douaniers peu formés ou influençables… On le voit: les enjeux économiques sous-jacents sont nombreux.

Seule, l’Europe n’a aucune chance de mettre un terme à ce type de criminalité organisée”, déplore Carlo Chiaromonte. Avec d’autres, cet expert place tous ses espoirs dans la Convention internationale Medicrime qui, depuis 2010, met à la disposition des Etats signataires un arsenal juridique complet destiné à “collaborer contre les organisations criminelles qui se livrent à un trafic inhumain: celui du droit à la vie”.

//PH.LAMOTTE

(1) Conférence internationale du 21 juin 2012 à l’Université de Paris-Dauphiné: Les faux médicaments, un crime contre les plus pauvres (Fondation Chirac et IRACM).

Gare aux circuits clandestins !

© Solidarité Mondiale
De faux médicaments peuvent se retrouver aisément dans les pharmacies familiales. Et pas seulement ceux qui favorisent l’érection ou l’amaigrissement… Les commandes via le Net exigent la plus grande prudence du consommateur.

De faux médicaments dans les pharmacies et les hôpitaux belges? A l’Unité spéciale d’enquête de l’Agence fédérale des médicaments et des produits de santé (AFMPS), la réponse fuse comme un bazooka, indignée. “Jamais nous n’avons eu connaissance du moindre médicament contrefait dans nos pharmacies !” Première raison : l’AFMPS estime qu’elle exerce un contrôle centralisé – donc efficace – sur l’ensemble des maillons de la chaîne pharmaceutique, soit “un circuit très fermé”. La deuxième raison, plus pragmatique, réside dans l’étroitesse du marché belge qui, avec ses trois langues nationales obligatoires sur la notice des médicaments, rendrait toute tentative de fraude bien fastidieuse. “Notre trilinguisme nous protège”, précise Viviane Henry, de l’Agence du médicament.

De là à conclure que le consommateur belge est à l’abri des médicaments contrefaits, il y a un pas à ne pas franchir. D’abord parce que la commande de médicaments et produits de santé sur le Net est simple comme bonjour. Et on peut y trouver à peu près n’importe quoi, y compris en termes de qualité(1) ! La Toile étant ce qu’elle est (planétaire et en perpétuelle recomposition), il est très aisé de tomber sur des sites farfelus, voire dangereux. Attention, prévient-on à l’Agence: outre les prix bradés, certaines de ces prétendues pharmacies ont tout ce qu’il faut pour endormir la vigilance du consommateur: multilinguisme raffiné, mise en page soignée, conseils précis d’utilisation et… accessibilité via toutes les cartes de crédits.

Deuxième risque: le trafic organisé à petite, moyenne ou grande échelle. La voie d’entrée privilégiée en Belgique semble aéroportuaire : Zaventem et, pour les plus grandes quantités, Bierset. D’une année à l’autre, 1.000 à 3.600 colis postaux suspects de pilules et autres gélules, le plus souvent originaires d’Afrique ou d’Asie, sont interceptés par les douanes. Ils ne forment probablement que la pointe d’un énorme iceberg. “On peut s’imaginer qu’il se passe beaucoup de choses dans ce domaine”, glisse-t-on à l’Agence. Une partie de ce flux illicite, commandé par des particuliers, alimente un circuit de revente auprès des proches, des amis, des voisins ou… d’inconnus. Lieux de revente privilégiés : “les centres de fitness et de musculation, de même que les discothèques”. Produits le plus en cause : produits anabolisants, produits amincissants et crèmes à bronzer.

Y a-t-il un trafic de médicaments périmés? L’Agence n’en a pas connaissance. Mais elle reconnaît que l’on ne peut exclure l’existence de vols dans les stocks hospitaliers ou chez les grossistes. “Les gens sans scrupules, cela existe dans toutes les professions…” Et de citer le cas de ce médecin ayant importé frauduleusement des produits à base d’hormones destinés à son propre traitement et à celui de ses patients…

A l’AFMPS et ailleurs, tous nos interlocuteurs en conviennent: l’époque où les médicaments falsifiés consistaient seulement en produits d’amaigrissement ou destinés à faciliter l’érection est révolue. Désormais, le “client” ratisse plus large : produits de traitement de la maladie d’Alzheimer ou de divers cancers (leucémie, prostate…), traitements préventifs contre les accidents cardiaques, l’ostéoporose, l’obésité, le cholestérol, etc. A l’Agence, le message au consommateur est sans ambiguïté: “le citoyen belge qui se détourne des circuits légaux n’a aucune excuse, car notre pays compte un nombre de pharmacies bien plus élevé qu’ailleurs et les génériques (NDLR : moins chers donc plus accessibles), sont de plus en plus nombreux”. Et de souligner que toute commande d’un particulier auprès d’un pharmacien non agréé est passible d’une poursuite administrative pouvant se solder par une amende. A bon entendeur…

//PhL

(1) L’achat sur le Net de médicaments soumis à prescription médicale est évidemment interdit. Celui de médicaments hors prescription est, lui, autorisé pour autant qu’on s’adresse à une pharmacie dûment agréée. En cas de doute sur la fiabilité d’un médicament ou d’un produit de santé, tous les conseils nécessaires auprès de l’AFMPS sur : http://www.fagg-afmps.be ou au 02/524.80.00

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