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Maladies (4 octobre 2007)


 

La chirurgie de l’obésité sous la loupe

Depuis ce 1er octobre, les traitements chirurgicaux de l’obésité sont remboursés par l’assurance soins de santé dans de strictes conditions, comme vous le lirez ci-contre. L’occasion pour “En Marche” de faire le point sur la chirurgie de l’obésité qui a le vent en poupe mais dont les risques ne sont pas négligeables et les conséquences énormes toute la vie durant.

 

 

 

 

 

 

La gastroplastie par "anneau ajustable"

est la procédure la plus utilisée en Belgique.

 

Laugmentation de l’obésité a pris des proportions épidémiques dans les pays occidentaux, et la Belgique ne fait pas exception. Selon l’enquête belge de santé 2004, près de 13% des adultes sont cliniquement obèses (Indice de Masse Corporelle supérieur à 30), et 0,9% souffrent d’obésité morbide (IMC supérieur à 40). Une proportion qui ne fait que croître d’année en année.

On sait bien que notre mode de vie sédentaire associé à une alimentation trop riche en graisses et en sucres sont les causes principales de cette épidémie, sans pour autant nier les facteurs héréditaires de l’obésité. On sait aussi que l’obésité est un facteur de risque de morbidité et de mortalité accru pour plusieurs problèmes de santé, notamment le diabète et les maladies cardio-vasculaires.

A contrario, nos pays occidentaux restent englués dans des idéaux culturels de minceur qui incitent toujours plus de personnes en surcharge pondérale à recourir à des interventions médicales (médicaments ou chirurgie) sans que leur demande soit motivée par un problème médical.

Comme l’expliquent Jean-Pierre Closon et Dirk Raemaekers en introduction d’une étude sur les traitements de l’obésité, réalisée par le Centre d’expertise fédéral des soins de santé (KCE) (2), la médicalisation de l’obésité crée un marché florissant. “Des publicités vantent les mérites de la chirurgie de l’obésité et les médicaments induisant une perte de poids font l’objet d’un marketing intense auprès des médecins. Or, les solutions au problème de l’obésité ne ressortent pas, dans l’ensemble, du domaine médical. Elles résident dans des approches multisectorielles visant à améliorer l’alimentation et à encourager l‘activité physique. Toutefois, maladie ou pas, l’obésité est source de beaucoup de souffrance, et la communauté médicale y est confrontée. La prise en charge clinique fait donc partie de la réponse à l’épidémie d’obésité”.

 

Les traitements chirurgicaux

La chirurgie de l’obésité (dite bariatrique) devrait être réservée aux personnes dont l’indice de masse corporelle (IMC) dépasse 40, parfois 35 en cas de complications menaçant le pronostic vital (1). La raison en est que dans les autres indications, il n’est pas démontré que les avantages du traitement dépassent les inconvénients qui sont loin d’être négligeables. Il faut aussi que toutes les autres méthodes aient échoué: diététique, activité physique, prise en charge psychologique...

Deux sortes de techniques chirurgicales sont utilisées dans le traitement de l’obésité:

Les opérations restrictives visant à réduire le contenu et le volume de l’estomac.

Les opérations malabsorptives et partiellement restrictives avec dérivation des intestins.

Les opérations restrictives consistent à séparer l’estomac en deux parties. On forme ainsi une poche de très petit volume, reliée par un étroit canal au reste de l’estomac, l’autre partie ne recevant alors plus d’aliments. L’effet recherché est la disparition de la sensation de faim dès l’ingestion des premières bouchées d’un repas, et par conséquent la réduction de l’apport énergétique et du poids. La gastroplastie par “anneau ajustable” est la procédure la plus utilisée en Belgique (58% des opérations de chirurgie bariatrique, selon le KCE) car elle est moins invasive et plus facile à réaliser que les autres. L’anneau est placé le plus souvent par laparoscopie c’est-à-dire à l’aide d’une vidéo-caméra miniature et d’instruments spéciaux qui permettent de réaliser cette opération sans ouvrir l’abdomen, évitant donc une incision inesthétique et douloureuse. Le réglage de l’anneau est aisé, adapté à chaque patient et aisément réajustable par la suite. Cette méthode est réversible: en cas d’enlèvement de l’anneau, l’anatomie de l’estomac est complètement restaurée.

Dans la seconde procédure, la “gastroplastie verticale bandée”, une petit réservoir est constitué à l’aide d’une pince spéciale qui place quatre rangées d’agrafes verticalement sur l’estomac. L’intervention est partiellement réversible, mais étant donné son pourcentage d'échec à long terme (désunion de la ligne d'agrafage, dilatation de la poche gastrique), cette opération est moins réalisée de nos jours.

D’autres méthodes plus invasives associent la gastroplastie de réduction à des procédures induisant une malabsorption. La procédure la plus efficace, qui est également réversible, est le bypass gastrique qui court-circuite une partie du tube digestif, ce qui permet à l’essentiel des calories ingérées de se retrouver dans les selles, et facilite l’amaigrissement. Le bypass est aujourd’hui l’intervention de référence. D’autres opérations définitives sont également possibles mais nous ne les développerons pas ici.

 

Efficacité et effets à long terme

Comme l’a montré l’étude du KCE, dans l’état actuel des connaissances scientifiques, de nombreuses questions essentielles restent encore sans réponse, par exemple quelle est la meilleure procédure et pour quels patients (en fonction de leur IMC, de leur âge, de leur comportement alimentaire). D’après le KCE, il n’y a pas de preuves que l’anneau gastrique (technique la plus utilisée) présente un meilleur rapport risque/bénéfice que le bypass Roux-en-Y, pour lequel on dispose de meilleures données.

Il ne faut pas non plus négliger les risques associés à la chirurgie bariatrique: par exemple, jusqu’à 20% de ré-hospitalisations pour complications, et jusqu’à 4,6% de mortalité dans l’année suivant un bypass gastrique. On constate cependant que les risques de mortalité et de morbidité sont nettement moindres quand l’opération est pratiquée par des chirurgiens expérimentés. Le KCE recommande dès lors de réserver ces interventions aux hôpitaux qui ont une expertise suffisante.

Bien entendu, ces traitements chirurgicaux ne guérissent pas l’obésité de manière automatique. Un suivi médical et chirurgical de longue durée, de même qu’un suivi psychologique et une adhésion stricte, à vie, à un régime alimentaire contraignant, sont indispensables au succès de l’opération, comme on le lira à travers le témoignage ci-dessous. Car quelle que soit la technique utilisée, la personne doit modifier complètement ses habitudes diététiques et accepter une vie sociale bouleversée.

Quand ces conditions sont réunies, il apparaît alors clairement que, dans le respect des indications médicales, le traitement chirurgical est plus efficace chez les personnes obèses que le traitement non chirurgical pour obtenir une perte de poids durable.

Joëlle Delvaux

 

(1) L’obésité morbide se définit par le calcul de l’indice de masse corporelle (IMC) qui est le rapport entre le poids (exprimé en kg) et le carré de la taille (poids en kg /(taille en m)?. Un poids normal se situe entre 20 et 25, l’excès pondéral entre 25 et 30, l’obésité entre 30 et 35 et l’obésité morbide au-delà de 35 (avec au minimum 2 complications liées à l'obésité) ou de 40.

(2) “Traitement pharmacologique et chirurgical de l'obésité. Prise en charge résidentielle des enfants sévèrement obèses en Belgique” - Etude du KCE volume 36B - Août 2006 – Synthèse et étude complète disponibles sur http://kce.fgov.be .

 

 

Quels remboursements pour la gastroplastie?

Depuis le 1er octobre 2007, la gastroplastie de réduction comme traitement de l'obésité morbide est remboursée par l’assurance soins de santé obligatoire sous certaines conditions (1).

Jusqu’à présent, l’assurance soins de santé obligatoire ne remboursait pas de manière spécifique les prestations de chirurgie bariatrique. Cependant, plus de 9.000 opérations chirurgicales réalisées pour obésité auraient été facturées à l’INAMI en 2004, ces opérations étant attestées avec des codes utilisés pour d'autres interventions de chirurgie abdominale. Selon le Centre fédéral d’expertise des soins de santé (KCE), cela correspond à une augmentation de 436% par rapport à 1995 et de 33% sur une seule année (2). Le coût pour la sécurité sociale, à l’exclusion du coût des ré-hospitalisations pour complications, représentait au minimum 15 millions d’euros en 2003.

Devant cet état de fait, et sur base d’une étude scientifique approfondie sur les traitements chirurgicaux de l’obésité, le KCE a recommandé au ministre fédéral de la santé de rembourser la chirurgie pour l’obésité mais avec des critères sévères et contrôlables. La nouvelle réglementation entrée en vigueur ce 1er octobre 2007 suit l’essentiel de ces recommandations. L’introduction de nouveaux codes spécifiques pour la chirurgie bariatrique s’accompagne d’une interdiction de facturer des prestations plus "générales".

 

Qui est concerné?

Le remboursement des traitements chirurgicaux de l’obésité est accordé dans des conditions strictes:

Le patient doit avoir entre 18 à 60 ans.

Son indice de masse corporelle (IMC) doit être égal ou supérieur à 40.

Le patient doit avoir suivi un régime documenté durant au moins un an sans succès durable.

L’indication pour l'intervention chirurgicale doit être fixée durant une concertation multidisciplinaire à laquelle ont participé un chirurgien, un médecin spécialiste en médecine interne avec un titre professionnel en endocrino-diabétologie et un psychiatre ou un psychologue clinique.

Le rapport de cette concertation comportant l'indication commune doit être signé par les trois participants et se trouver dans le dossier médical avec les données sur la thérapie de régime.

 

La condition posée d’un IMC de 40 est plus sévère que les directives internationales et que ce qui est d’application dans les pays voisins. Il est très probable que cette condition soit assouplie dans quelques mois, après évaluation. Un IMC supérieur ou égal à 35, combiné à un diabète prouvé, pourrait dès lors donner lieu prochainement à intervention de l’assurance soins de santé obligatoire, comme l’a d’ailleurs recommandé le KCE.

 

Quelles prestations et quel remboursement?

Sont remboursées à 100% les prestations chirurgicales de l’obésité suivantes: la gastroplastie de réduction par laparotomie/laparoscopie ou par placement d’un anneau gastrique adaptable et la gastroplastie de réduction associée à une dérivation biliopancréatique ou gastro-jéjunal. Aucun ticket modérateur ne peut être à charge du patient pour ces interventions. Un supplément d’honoraires peut être réclamé en chambre particulière et même en chambre commune ou à deux lits si le prestataire est non conventionné (sauf pour certaines catégories de personnes). 

Les implants et le matériel de consommation font l’objet d’un remboursement forfaitaire et aucun supplément ne peut être porté en compte au patient. La quote-part personnelle de celui-ci est fixée par l’AR selon le matériel utilisé. Pour le placement d’un anneau gastrique, elle s’élève à 835 euros et, pour le matériel de consommation utilisé lors de l’opération, elle est de 165 euros. Pour les quatre autres gastroplasties de réduction, cette quote-part varie entre 560 et 1.000 euros.

JD

 

(1) AR du 03-08-2007 - MB 30-08-2007, pages 44983-44988.

(2) “Traitement pharmacologique et chirurgical de l'obésité. Prise en charge résidentielle des enfants sévèrement obèses en Belgique” - Etude du KCE disponible sur http://kce.fgov.be

 

Votre mutualité intervient aussi!

Grâce à l'assurance hospitalisation "Hospi solidaire" dont tous les membres de la Mutualité chrétienne, en ordre de cotisation, bénéficient dans le cadre de l’assurance complémentaire, les montants qui sont à charge du patient lors d'une chirurgie bariatrique seront remboursés, lorsque les conditions de remboursement par l’INAMI, explicitées ci-dessus, sont rencontrées (1).

Rappelons à ce propos que le patient doit obtenir, avant son admission, un document de l'hôpital (la déclaration d'admission) sur lequel seront stipulés les montants qui seront à sa charge. De plus, le médecin a le devoir d'informer son patient sur les éventuels suppléments d'honoraires et/ ou de matériel auquel il devra faire face.

 

Pour toute information, appelez gratuitement la Mutualité chrétienne au 0800/10 9 8 7 ou consultez le module “suppléments hôpitaux” sur www.mc.be

 ______________

(1) Les interventions réalisées en dehors des conditions prévues en assurance soins de santé obligatoire ne font pas l'objet d'un remboursement par les assurances hospitalisations de la MC.  

 

Témoignage

“Rien n’est plus comme avant”

Il y a trois ans, Anne s’est fait placer un anneau gastrique. “Des raisons médicales m’ont contrainte à entreprendre cette opération”, raconte-t-elle. “J’avais de gros problèmes de santé: un diabète avec de multiples complications, de l’hypertension, un taux de cholestérol et des risques cardio-vasculaires très élevés. Mon diabétologue et mon généraliste étaient inquiets car malgré des régimes alimentaires, je n’arrivais pas à perdre suffisamment de poids pour réduire les risques. La gastroplastie s’imposait comme la seule solution possible”.

 

 

 

 

 

Il faut privilégier les aliments solides

car ils sont plus rassasiants,

et veiller à manger équilibré

pour éviter des carences en vitamines et minéraux

 

Anne a pourtant mûri sa décision pendant plus d’un an, se renseignant auprès de médecins et chirurgiens, en consultant de la littérature sur le sujet, en en parlant dans son entourage et surtout en réfléchissant bien à l’impact de ce choix sur sa vie sociale future. Elle s’est aussi renseignée sur les possibilités de remboursement de l’opération, cette intervention était très coûteuse (plusieurs milliers d’euros).

“Lorsque vous êtes gros, vous êtes stigmatisé et lorsque vous dites que vous avez mis un anneau gastrique, vous l’êtes encore, comme si vous n’aviez pas de volonté et aviez choisi la solution de facilité”, s’insurge Anne. “Pourtant, c’est loin d’être vrai. L’anneau impose de faire une croix sur différents aspects de la vie sociale car on ne peut plus s’alimenter ni boire normalement. On doit manger lentement, dans le calme et mastiquer longuement les aliments solides. Après quelques cuillères, on est rassasié et si on mange trop ou trop rapidement, on est pris de douleurs et de vomissements. Quand je vais au restaurant, je repère toujours où sont les toilettes au cas où. Personnellement, les pâtes trop cuites, le riz et la viande ne passent pas. Pour d’autres personnes, ce sont la salade ou certains légumes filandreux. Il faut apprendre à se connaître mais on ne contrôle pas tout. Et quand on mange, on ne peut pas boire, et de toute façon, il n’est plus question d’avaler d’un trait un grand verre d’eau pour étancher sa soif. J’ai appris à vivre avec toutes ces contraintes, soutenue en cela par mon mari et mes enfants”.

Aujourd’hui, Anne fait un bilan positif de son opération: elle a 25kg de moins qu’il y a trois ans et se trouve beaucoup mieux dans sa peau. Mais surtout, ses problèmes de santé ne sont plus qu’un mauvais souvenir et son taux de sucre sanguin est redevenu normal, son alimentation équilibrée ne lui procurant par ailleurs aucune carence. “J’ai cet avantage qu’avant, le diabète m’interdisait des aliments, ce qui n’est plus le cas. Je me permets maintenant des aliments sucrés, en petites quantités bien sûr”.

La clé de la réussite? “Selon moi, le suivi psychologique est déterminant dans la réussite de ce traitement, et pourtant, il est trop souvent oublié, relégué derrière les problèmes médicaux et techniques. Or, il y a tant de choses qui entrent en jeu dans la nourriture et le surpoids, et l’opération a de telles conséquences qu’on ne peut se limiter aux suivis médicaux et aux conseils diététiques. Comment va-t-on gérer ses tendances boulimiques, sa gourmandise? Va-t-on accepter ce nouveau corps et la nouvelle image que l’on donne de soi? Pour ma part, j’avais fait un travail intellectuel et psychologique sur moi-même avant l’opération et j’ai pris l’initiative de voir régulièrement un psychologue après, mais le chirurgien ne me l’avait même pas conseillé, ce qui n’est pas normal”. Et de poursuivre: “Si beaucoup de personnes échouent, c’est parce qu’elles n’ont rien résolu dans leur tête et luttent en fait contre leur anneau en essayant de toujours avaler plus, en s’alimentant de nourriture mixée ou en grignotant sans cesse des aliments gras ou sucrés qui passent bien. Bien sûr, dans ce cas, elles ne perdent pas de poids et dépriment. D’autres compensent leur frustration de nourriture par l’alcool, ce qui les enfonce dans une autre dépendance”.

Anne continue à se faire suivre régulièrement par son médecin généraliste et son chirurgien. Il lui est déjà arrivé de faire réajuster son anneau pour mieux gérer le passage des aliments. Aujourd’hui, Anne ne cache plus le fait qu’elle a un anneau à l’estomac. Il fait partie de sa vie. Pour toujours.

Entretien: Joëlle Delvaux