Schizophrénie
Quand la réalité et l’imaginaire
se
confondent
La schizophrénie s’accompagne d’une
intense souffrance chez la personne qui en est atteinte. Elle bouleverse
également la vie des proches qui se sentent démunis et
angoissés face à une maladie qui véhicule encore et
toujours beaucoup d’images négatives… Cette maladie mentale
chronique est assez répandue puisqu’elle touche 1% de la
population.
“Il n’est plus le même. Il ne parle plus
comme avant… Il s’isole. Il paraît regarder et voir des choses
que nous ne voyons pas, écouter et entendre ce que les autres
n’entendent pas. Et quand on lui parle, il ne répond pas. Il ne
veut pas admettre que cela n’est pas vrai”. Ces phrases, tous les
proches de personnes atteintes de schizophrénie pourraient les prononcer
lorsqu’ils découvrent avec inquiétude que leur fils, leur
fille, leur conjoint ou leur ami présente soudainement des comportements
anormaux, des pensées perturbées et que le dialogue n’est
plus possible avec lui.
“On trouvait notre fils original, particulier. Il nous
amusait par ses comportements saugrenus. Jusqu’au jour où
l’on a compris que c’est la maladie qui progressait en lui”,
témoigne le père de Jérôme.
“Le choc s’est
produit à 28 ans, après qu’il se soit fait arrêter
par erreur et molester par la police. Il s’est senti
persécuté, s’est acheté des armes, s’est teint
les cheveux en rouge car il se prenait pour un Indien. Il devenait irascible,
agressif et nous avons été obligés de
l’hospitaliser. Cela a été un déchirement pour nous
tous. Il en a encore subi quatre hospitalisations par la suite et, de crise en
crise, nous avons vu ses capacités diminuer. Depuis trois ans, il est
stabilisé grâce aux traitements mais l’inquiétude
reste car les crises peuvent réapparaître. De
l’extérieur, il n’a pas l’air malade. Mais sa
souffrance est énorme”.
Des symptômes positifs et négatifs
La situation de Jérôme n’est pas
isolée. La schizophrénie touche 1% de la population. Elle se
déclare souvent vers la fin de l’adolescence ou au début de
l’âge adulte. Elle touche autant les hommes que les femmes, et tous
les milieux sociaux sont concernés, partout dans le monde.. La
gravité du trouble est très variable. A peu près 10 %
guérissent. Mais dans leur grande majorité, les personnes restent
vulnérables et risquent de rechuter dans les mois ou les années
qui suivent la première crise. La schizophrénie est donc bien une
maladie chronique invalidante avec laquelle les personnes doivent apprendre
à vivre de manière la plus autonome possible. Un terrible
défi quotidien.
La principale caractéristique de la maladie est
l’incapacité d’opérer une distinction entre la
réalité et le fantasme. La pensée n’est pas
structurée et la personne éprouve des difficultés à
contrôler ses émotions.
On distingue classiquement deux types de symptômes:
positifs et négatifs. Les premiers surviennent en phase aiguë et
s’ajoutent au fonctionnement psychique normal. Ce sont les hallucinations
(perceptions sans objets), les délires (convictions erronées qui
ne peuvent être maîtrisées par la raison), les propos
désorganisés ou incohérents.
Les symptômes négatifs portent ce nom car ils
inhibent le fonctionnement psychique habituel en dehors des crises de psychose.
Ces symptômes sont plus tenaces que les premiers, réagissent moins
bien au traitement et s’aggravent avec le temps. Selon les cas, les
personnes souffrent d’émotions amoindries, d’un
émoussement affectif, d’un manque de spontanéité,
d’un défaut de contact social, d’une pensée abstraite
faible et stéréotypée. Le langage devient incohérent.
Leur comportement devient chaotique et les gestes maladroits. Les personnes ne
s’intéressent plus à leur environnement et
n’éprouvent plus aucune envie de développement personnel,
se replient sur elles. Elles souffrent également de troubles de
l’humeur (anxiété, dépression, agressivité,
perte d’espoir …) et de troubles cognitifs (perte de mémoire
et d’attention). Bien souvent, l’entourage attribue
l’apathie, le manque de communication ou de sentiments au
caractère de la personne elle-même, ce qui devient source
d’irritations et de critiques. Il n’en est rien. Seule la maladie
explique cet état.
Des causes mal connues
Les facteurs explicatifs de la maladie sont multiples et se
combinent entre eux. Des composantes génétiques sont
manifestement en cause. Le risque de développer la maladie est en effet
dix fois plus élevé si un parent du premier degré est
atteint. En fait, plusieurs gènes donneraient chacun, un risque accru de
développer la maladie. Interviennent également les troubles du
développement du cerveau provoqués par toute une série
d’éléments: infection virale durant la grossesse, troubles
dans la fonction vasculaire… Les facteurs environnementaux et
psychosociaux jouent également un rôle. L’isolement, le
stress, les événements traumatisants, les tensions
exacerbées peuvent déclencher la maladie chez des personnes avec
une vulnérabilité latente. Ce n’est pas par hasard
d’ailleurs que la schizophrénie se déclenche dès la
fin de l’adolescence car c’est justement à cette
période que les structures du cerveau achèvent leur
évolution et que la personne se trouve face à de grands
bouleversements.
En aucun cas la schizophrénie n’est la
conséquence d’une situation familiale difficile ou d’une
“mauvaise” éducation par les parents.
Des traitements
La maladie mentale s’installe progressivement et finit
par envahir la vie de la personne. Des signes avant-coureurs avant la crise
psychotique proprement dite se caractérisent par un repli social, des
troubles du sommeil, de la méfiance, des idées bizarres, de l’agressivité,
une perte d’hygiène… Quand l’entourage constate la
persistance de ces symptômes chez un proche, il est important de
s’en inquiéter et de consulter un médecin. “Un
diagnostic précoce permet de commencer tôt le traitement et
d’améliorer ainsi les perspectives à long terme”,
explique le Dr B. Gillain, psychiatre. “Mais ce diagnostic n’est
pas toujours facile à poser car il faut du temps pour voir comment
évolue la maladie. Un autre problème qui surgit bien souvent est
le déni de la maladie et le refus de la personne de se soigner. Faire
accepter la maladie par le patient et par son entourage est primordial pour la
réussite du traitement”, ajoute-t-il.
Le but du traitement médicamenteux par les
antipsychotiques ou neuroleptiques est de diminuer ou faire disparaître
les symptômes négatifs et positifs. Le but est de juguler la crise
mais aussi de la prévenir. Les antipsychotiques modernes sont plus
efficaces qu’il y a dix ans et leurs effets secondaires sont plus rares
et moins graves mais ils existent toujours (selon les cas et le type de
médicament prescrit: perturbation de l’activité sexuelle,
prise de poids, problèmes de cœur...). D’autres types de
médicaments peuvent être associés à ce traitement de
base: antidépresseurs, stabilisateurs d’humeur, calmants,
correcteurs…
La prise à long terme (souvent à vie)
d’une médication est bien sûr contraignante mais elle reste
le garant de la stabilisation, d’une meilleure adaptation sociale et donc
d’une vie plus épanouie. 70% des rechutes psychotiques sont
provoquées par l’arrêt impulsif de la médication.
L’aide de la famille et des amis est primordiale dans
la réduction des symptômes et le maintien de la stabilisation. Des
études montrent en effet que le taux de rechute des patients vivant dans
un environnement familial plus soutenant et moins angoissé est moins
élevé que celui des patients vivant dans un environnement
familial plus hostile, plus critique et/ou surimpliqué. Il est
dès lors indispensable de donner aux proches le maximum
d’informations sur la maladie et les attitudes à adopter afin que
le climat émotionnel à domicile soit favorable. Mais comprendre
et entourer la personne ne signifie pas la décharger de toutes ses
obligations ou la couver. Cela ne signifie pas non plus s’isoler et
rompre avec le réseau social habituel. Participer à des groupes
de paroles et d’entraide avec d’autres familles vivant le
même problème ou participer à des sessions de
psycho-éducation à la maladie et au traitement peuvent
également être très bénéfique
(1).
Si le soutien de la famille et des amis est indispensable,
celui de l’environnement social l’est aussi. A l’heure
actuelle, la maladie mentale reste très fort stigmatisée
(2) et
les personnes qui en sont atteintes, victimes d’exclusion sociale et
professionnelle. Or, la plupart d’entre elles sont capables de vivre dans
la société et d’y jouer un rôle. Encore faut-il
accepter leur “différence” et leur permettre de vivre avec
leur fragilité…
Le dernier axe du traitement n’est pas le moins
important. Il s’agit du suivi psychothérapeutique individuel qui
donne l’occasion à la personne de trouver un espace où elle
peut, sans contrainte, verbaliser ses émotions, son vécu,
accepter la maladie, la connaître. L’objectif est de l’aider
à affronter les difficultés quotidiennes, de diminuer le stress
et ainsi prévenir les rechutes.
Grâce à cette action conjuguée, la
majorité des personnes ayant connu une crise psychotique se stabilise et
reprend une vie pratiquement normale lorsque le traitement est bien suivi. Si
celui-ci est arrêté, il faudra généralement repasser
par une hospitalisation et par une dose plus importante de médicaments
avant d’arriver à la stabilisation. Il faut savoir que chaque
rechute crée un stress accru, une rupture de l’équilibre
déjà précaire et altère le pronostic final de la
maladie…
Joëlle Delvaux
(1) L’asbl Similes donne des conseils et propose des
informations d’ordre juridique et social. Elle organise des
soirées d’informations et/ou de formations sur les maladies
mentales, les traitements, …et des soirées de discussions
où amis et parents peuvent partager leurs doutes et interrogations. Il
existe 11 sections à Bruxelles et en Wallonie. Renseignements:
Fédération Similes Francophone - Rue Ducale, 81 - 1000 Bruxelles.
Tél.: 02/511.19.08 et fax: 02/503.47.15. e-mail:
similesfrancophone@wanadoo.be ,
site : www.similes.org
(2) On dit notamment des personnes atteintes de
schizophrénie qu’elles sont dangereuses. En réalité,
elles sont surtout dangereuses pour elles-mêmes. 10 à 15 %
finissent par se suicider.
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"Maladies"
Pour en savoir
plus
“Si loin, si proche” - Manuel pour les proches
de patients psychotiques. M. De Hert, G.Magiels et J. Peuskens. - EPO -
Bruxelles- Septembre 1999 - 9,87 EUR. Cet ouvrage répond de
manière très accessible aux questions principales que l’on
se pose sur la schizophrénie. Des conseils jalonnent cet ouvrage de
qualité.
On peut le commander par écrit à la librairie
d’en marche (5 % de réduction -frais de port en sus) - 579
chaussée de Haecht - BP 40 - 1031 Bruxelles. Fax: 02/246.46.30. email:
enmarche@mc.be
“Fous alliés”
- Bande dessinée
collective réalisée par un groupe de personnes souffrant de
troubles psychiques. - Centre hospitalier psychiatrique de Liège - 2001
- Cette BD allie l’expression personnelle et l’information
rigoureuse sur les maladies mentales et en particulier sur la
schizophrénie.
Prix : 9,42 EUR (frais de port compris) - A commander au
04/254.78.31.
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