Maladies
(19 novembre 2009)
La
maladie de Crohn
de mieux en mieux
traitée
En
Belgique, la maladie de Crohn touche une personne sur mille et est en
progression. Cette maladie inflammatoire chronique du tube digestif peut
être invalidante. Mieux connue du grand public, elle pourrait être plus
facile à vivre pour les personnes qui en sont atteintes.
La
maladie de Crohn doit son nom à un médecin américain, le docteur Crohn,
qui a identifié en 1932 une affection commune chez 14 personnes opérées
de l’intestin grêle.
On attribue
aujourd’hui la cause de cette maladie – aux mécanismes mystérieux – à la
rencontre de trois facteurs : des facteurs génétiques, prédisposant à la
maladie, une altération du système immunitaire digestif qui déclenche
une réponse inadéquate vis-à-vis des tissus sains de la paroi
intestinale, et des facteurs déclenchants: le stress, une infection, le
tabac (dont l’effet aggravant sur la maladie est clairement avéré),...
L’incidence de cette
maladie a triplé en trente ans dans les pays occidentaux industrialisés
où elle est plus fréquente que dans le reste du monde. “On suppose
qu’une nourriture très propre, un système de vaccination optimal, un
usage abusif des antibiotiques empêcheraient notre système immunitaire
d’être correctement éduqué à réagir opportunément”, avance le
Professeur Denis Franchimont, maître de recherches FNRS et chercheur de
l’hôpital Erasme-ULB (1).
Quant à l’origine
psychosomatique de la maladie, elle n’est plus prise en compte, même si
des facteurs psychologiques peuvent moduler son évolution, comme pour
d’autres maladies.
Un diagnostic difficile
La maladie de Crohn
touche très légèrement plus de femmes que d’hommes. Elle peut survenir à
tout âge mais c’est généralement entre 15 et 30 ans que les premiers
symptômes se manifestent. Elle n’est pas toujours facile à diagnostiquer
au début car elle ne présente pas de caractéristiques spécifiques. Ses
manifestations peuvent indiquer d’autres affections. Aussi est-ce un
faisceau de signes convergents, complétés par des analyses de sang, de
selles et des examens radiologiques, endoscopiques et histologiques, qui
argumente en faveur de la maladie de Crohn et autorise à écarter
d’autres diagnostics (2). Ces examens permettent
aussi de préciser la nature, l’étendue des lésions, l’état de nutrition
de la personne et d’indiquer la voie du traitement.
Ce qui est plus
particulier à la maladie de Crohn, c’est son développement. La maladie
évolue par poussées (crises) plus ou moins intenses et longues,
alternant avec des périodes de rémissions plus ou moins longues. A ce
jour, on ne peut parler de guérison définitive de la maladie. Mais
celle-ci n’est pas mortelle non plus, et l’espérance de vie des
personnes qui la présentent est similaire à celle de la population
générale.
Une maladie
aux mille visages
La maladie de Crohn
prend des aspects très divers dans la nature et la sévérité des lésions,
dans le rythme des inflammations et des rémissions, dans la réceptivité
aux traitements et la tolérance aux aliments. Elle peut toucher tout le
tube digestif mais concerne dans la majorité des cas la partie terminale
de l’intestin grêle (l’iléon), le gros intestin (ou côlon) et la région
anale. Elle peut aussi avoir des manifestations extra-digestives.
Les symptômes les
plus fréquents sont les douleurs abdominales et les diarrhées,
accompagnées, lors des poussées, d’une altération générale de l’état de
santé. Le risque de sous-alimentation est réel en raison de la perte
d’appétit, des restrictions alimentaires, de la mauvaise absorption des
nutriments et d’une digestion insuffisante. Chez l’enfant, cela peut
entraîner un retard de croissance et doit être prévenu.
La fatigue est aussi
présente, à des degrés divers, et parfois la fièvre. Plus rarement, des
saignements peuvent se produire et provoquer une anémie.
L’incidence de cette maladie a triplé en trente ans dans les pays
occidentaux industrialisés |
Plus dangereuses
sont les complications graves qui peuvent survenir, indépendamment de la
sévérité des symptômes, et nécessiter des interventions chirurgicales,
parfois en urgence: formation de fistule, de sténose ou d’abcès dans la
paroi intestinale, risquant de provoquer des infections dans d’autres
organes, formation de fissures ou abcès dans la région de l’anus,
occlusion intestinale provoquée par le rétrécissement du tube digestif…
Par ailleurs, les
personnes atteintes de la maladie de Crohn ont un peu plus de risque de
développer un cancer du côlon. Mais grâce au suivi médical imposé par
leur maladie, celui-ci a plus de chances d’être détecté précocement et
guéri.
Les atteintes aux
autres parties du tube digestif sont rares. Ce sera plutôt la bouche,
avec des ulcérations similaires aux aphtes, qui sera touchée.
Les personnes ayant
la maladie de Crohn souffrent parfois de rhumatismes. Les yeux et le
foie, la vésicule biliaire et les reins peuvent également être touchés.
Une autre conséquence de la maladie est une fragilisation des os.
Les traitements
L’objectif des
traitements est d’améliorer la qualité de vie des patients en combattant
l’inflammation et ses conséquences pendant les poussées (douleurs,
diarrhées, dénutrition...), de maintenir le fonctionnement du système
gastro-intestinal, d’éviter les complications et de prévenir, en période
de repos, les nouvelles crises.
Les traitements sont
principalement médicamenteux et font appel à différents principes
actifs.
Le recours à la
chirurgie ne se fait qu’en cas de symptômes insupportables et de
complications. On enlève alors la partie malade de l’intestin. Parfois,
une stomie temporaire (qui fait déboucher l’intestin sur la peau de
l’abdomen) est pratiquée pour mettre l’intestin au repos après une
intervention. Plus rarement est posée une stomie définitive: lorsque
l’anus a dû être enlevé. Heureusement les opérations sont en diminution
grâce aux progrès des médicaments.
Lors des poussées,
certains aliments sont préconisés et d’autres déconseillés pour épargner
les intestins. Parfois, des suppléments alimentaires spécifiques ou
l’alimentation par sonde sont recommandés. C’est, entre autres, après
une opération de l’intestin ou lors d’une aggravation de la maladie,
quand les repas normaux comportent trop peu d’énergie. Lorsqu’un déficit
est constaté, la prise de vitamines et de minéraux complémentaires est
aussi recommandée.
Le retentissement
sur la vie quotidienne
Comme ses
manifestations, l’impact de la maladie de Crohn sur la vie familiale,
sociale et professionnelle varie fort d’une personne à l’autre.
La méconnaissance de
la maladie par le grand public et l’incompréhension qu’elle suscite à
l’égard de certaines de ses manifestations aggravent encore le mal-être
parfois déjà lourd de la personne touchée.
Les diarrhées, la
douleur et la fatigue peuvent être très pénibles. En période de poussée,
les personnes doivent parfois se rendre 10 à 15 fois par jour aux
toilettes, en urgence. La difficulté de trouver à l’extérieur des
toilettes disponibles les pousse à se cloîtrer et à s’isoler, se privant
ainsi de sorties, de sport, de voyages... (3).
Professionnellement, les échappées fréquentes aux toilettes sont soit
impossibles soit mal interprétées et critiquées. La fatigue est aussi
parfois comprise comme de la paresse. Et les douleurs résultant des
manifestations intestinales ou extra-digestives peuvent être constantes.
Les conséquences de
la maladie sont parfois telles qu’une vie professionnelle n’est pas
possible ou n’est envisageable qu’à temps partiel.
L’acceptation de la
maladie est importante pour reprendre le dessus. Xavier Donnet,
trésorier de l’Association Crohn-RCUH, témoigne: “Quand on a une MICI
(maladie inflammatoire chronique intestinale –ndlr), il faut
apprendre à vivre avec. Ce n’est pas facile. Personnellement, il m’a
fallu au moins 4-5 ans, mais ma femme vous dira qu’il m’a fallu le
double ! Nous devons être philosophe, profiter de chaque moment de répit
que la maladie nous laisse et être patients quand les crises
réapparaissent. La maladie n’est pas mortelle, c’est déjà une bonne
chose. Et plus on vieillit, plus les poussées inflammatoires s’espacent”.
Isabelle Thirion
(1) Voir “Vivre avec la maladie de Crohn”, DVD édité
par l’Association Crohn-RCUH - 2008.
(2) Notamment la rectocolite ulcéro-hémorragique (RCUH),
moins connue mais assez fréquente et très proche de la maladie de Crohn.
(3) Cet aspect de la maladie a conduit différentes
associations à mener une campagne d’information et à élaborer un réseau
de toilettes accessibles aux personnes détentrices de la carte
“Contrôlez Crohn” ou “Urgence toilettes”. Infos sur
www.controlezcrohn.be
Des coûts non négligeables |
En 2005, la
Mutualité chrétienne et l’Association de patients atteints de la
maladie de Crohn et de la colite ulcéreuse ont réalisé ensemble
une enquête qualitative auprès de patients sur les conséquences
de la maladie chronique. 383 personnes ont répondu au
questionnaire dont 77% sont atteints de la maladie de Crohn.
Deux tiers de ces patients vivent au minimum depuis 10 ans avec
la maladie, un tiers depuis plus de 20 ans même. 50 à 70% ont
déjà subi au moins une intervention chirurgicale.
Cette
enquête a permis de mettre en évidence les coûts parfois élevés
auxquels doivent faire face les patients : les analgésiques et
autres médicaments spécifiques, les vitamines et suppléments
alimentaires, les onguents, pansements de soins et matériel de
désinfection, les frais d’hospitalisation… On peut encore
ajouter pour certains patients le matériel d’incontinence, le
matériel de stomie… L’aide à domicile et les soins paramédicaux
ne doivent pas non plus être oubliés. Globalement, hors frais
d’hospitalisation, la dépense totale moyenne s’élève à 98 euros
par mois. Mais pour 25% des personnes interrogées, le coût
s’élève à minimum 108 euros par mois. L’enquête montre également
que les personnes les plus vulnérables sur le plan financier
sont celles qui ont subi plusieurs interventions chirurgicales
durant les cinq dernières années, signe d’un état de santé
fortement dégradé par la maladie.
JD
“Les conséquences de la maladie chronique”
- Résultats d’enquêtes menées en collaboration avec cinq
groupes d’entraide de malades chroniques - Département Recherche
et Développement et Direction Médicale de la MC - septembre
2005. Dossier thématique n° 6 de la MC téléchargeable sur
www.mc.be Rens.:
02/246.42.38. |
►
L’Association
Crohn-RCUH fournit aux patients des informations via sa revue,
ses réunions et son site internet. Rens.: 02/354.12. 85. -
www.mici.be
►
Le site de l’Association
Française François Aupetit
est également très documenté :
www.afa.asso.fr.
►
Lire
“Comprendre et traiter les maladies inflammatoires chroniques
intestinales” - Bruxelles - Ed. Vivio - 2006.
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