Maladies
(7 mai 2009)
La
maladie de Huntington
mieux prise en charge
L’hôpital psychiatrique du Beau Vallon à
St-Servais,
l’un des trois centres de référence pour la maladie de Huntington
dans notre pays.
Relativement peu répandue, la maladie de Huntington n’en est pas moins
lourde de conséquences pour le patient et sa famille. Cette affection
neurologique héréditaire conduit le patient à un besoin de soins total,
nécessitant une prise en charge pluridisciplinaire très pointue.
Désormais, l’assurance soins de santé obligatoire interviendra
financièrement dans les frais supplémentaires qui en découlent. Une
grande première dont bénéficieront aussi les patients atteints de
sclérose en plaque.
La
maladie de Huntington est une maladie neurologique à évolution
progressive, liée à la détérioration de certaines cellules du cerveau.
Elle fut découverte en 1872 par le Dr Georges Huntington et c’est en
1993 que l’on a identifié le gène défectueux dominant, sur le chromosome
4. En Belgique, quelque 1000 personnes souffrent de cette maladie mais
ce chiffre est en réalité plus élevé, de nombreuses personnes étant à
risque de développer la maladie (1).
Toute la famille concernée
Cette maladie rare
est particulièrement dramatique et lourde de conséquences physiques,
psychiques et financières pour le patient et sa famille. Elle l’est tout
d’abord en raison du fait qu’elle entraine des déficits aux niveaux
moteur, cognitif et psychique qui touchent la personne dans tous les
aspects fondamentaux de l’existence.
Elle l’est ensuite
de par le caractère héréditaire qui bouleverse et pèse inévitablement
sur toute la famille au sens large. En effet, chaque enfant – qu’il soit
fille ou garçon – d’un parent malade court 50% de risque de développer
la maladie et de la transmettre à son tour à ses enfants. Ce diagnostic
est actuellement posé sans risque d’erreur par une analyse d’ADN (appelé
test génétique prédictif) réalisée par prise de sang. Ce test n’est
autorisé qu’à partir de 18 ans, cette démarche génératrice de stress et
d’angoisse ne pouvant être réalisée par ailleurs sans entretiens
préalables ni soutien psychologique.
Une lente et irrémédiable détérioration
Les premiers
symptômes de la maladie apparaissent le plus souvent entre 30 et 45 ans
(2) et peuvent être différents d’une personne à
l’autre: mouvements involontaires quasiment imperceptibles, difficultés
à marcher, perte d’équilibre, agitation excessive, changement de
l’humeur ou du caractère. Le diagnostic est la plupart du temps
difficile à établir. Généralement, la maladie n’est véritablement
constatée qu’au moment où elle a déjà commencé depuis un certain temps.
Au fur et à mesure qu’évolue la maladie, des aides techniques et du
matériel adapté s’imposent pour tous les actes de leur vie
journalière. |
Plus la maladie
progresse, plus les capacités motrices régressent. La personne ne peut
plus ni coordonner ni contrôler ses mouvements. Les manipulations
quotidiennes telles qu’avaler, marcher ou écrire deviennent de plus en
plus compliquées, les troubles de la déglutition devenant
particulièrement sévères.
Les troubles de
l’humeur et du comportement sont souvent plus clairs dès les premiers
signes: irritabilité, nervosité, apathie, comportement compulsif,
erreurs de jugement, dépression profonde, repli sur soi… Mais ces
troubles ne sont pas spécifiques à la maladie, ce qui retarde bien
souvent le diagnostic s’il n’y a pas déjà de malades Huntington
identifiés dans la famille.
Par ailleurs, la
capacité de prendre des décisions et de se concentrer sur des détails
s’affaiblit jusqu’à une perte de toute initiative et des troubles graves
du langage avec pour conséquence des difficultés majeures de
communication et de contact social.
Cette dégradation
générale de l’état de santé peut s’étaler sur une durée de 10 à 20 ans.
Mais, malgré la détérioration intellectuelle, des désordres moteurs et
troubles psychiatriques sévères, la plupart du temps, le malade reste
conscient de son état jusqu’à son dernier souffle…
Traitements
et prise en charge
La maladie est
d’autant plus difficile à accepter qu’à ce jour, il n’existe aucun
traitement pour la guérir. Cependant, certains médicaments peuvent
atténuer les mouvements involontaires, et d’autres, combattre la
dépression, les sautes d’humeur et l’irritabilité.
Par ailleurs, une
compréhension accrue de la maladie permet aujourd’hui d’améliorer l’aide
et la qualité de vie apportée aux malades grâce à la kinésithérapie, la
logopédie, l’ergothérapie, la psychothérapie, la relaxation… «Ces
thérapies de soutien devraient être intégrées dès que possible dans le
cadre d’une prise en charge multidisciplinaire des patients, autant à
domicile, qu’au sein d’institutions, plaide Vinciane Gorissen, de la
Ligue Huntington (3), qui souligne: Au fur et à
mesure qu’évolue la maladie, des aides techniques et du matériel adapté
s’imposent pour tous les actes de leur vie journalière. Je pense en
particulier au fauteuil spécial à même de proposer un plus grand confort
et une plus grande sécurité afin d’éviter à la personne de se blesser
lors de ses mouvements incontrôlés mais des aides sont aussi nécessaires
pour manger, pour la toilette, etc”.
En fin d’évolution,
le malade devra également consommer une alimentation enrichie pour
lutter contre la perte de poids liée à la dépense calorique considérable
résultant de ses mouvements. Ces compléments alimentaires peuvent coûter
plusieurs centaines d’euros par mois, qui s’ajoutent à tous les autres
frais liés à la maladie, que doit assumer la famille.
«Les proches gardent leur parent malade le plus longtemps possible à
domicile», précise encore Vinciane Gorissen. «Mais la prise en charge
est particulièrement lourde pour le partenaire et les proches.
L’épuisement se double souvent de culpabilité et d’angoisse liés à
différents facteurs: le statut à risque des enfants, le stress lié à la
communication du diagnostic dans la famille, la méconnaissance
généralisée de la maladie – y compris parmi les professionnels de la
santé, l’absence de répit, sans compter le fait qu’il y a parfois plus
d’un malade dans la famille...».
Au fil du temps, le
besoin d’assistance et de soutien ne cesse d’augmenter. Les proches
recherchent alors un lieu de résidence qui puisse prendre le relais mais
il leur est très difficile d’en trouver car la maladie effraie par sa
lourdeur. «Dans notre pays, les patients Huntington dont le degré de
dépendance est élevé sont souvent placés dans une maison de repos et de
soins (MRS)», observe la Fondation Médicale Reine Elisabeth qui, à
la demande de la ministre fédérale de la Santé Publique, a procédé à une
analyse des besoins et de l’offre en matière de soins et d’hébergement
des patients Huntington et des patients atteints de la sclérose en
plaques. Selon la Fondation, il ne s’agit assurément pas d’une situation
optimale, les patients étant souvent âgés de moins de 60 ans et exigeant
un niveau de soins très élevé et des aides spécifiques. Par ailleurs, un
certain nombre de patients Huntington sont accueillis dans des maisons
d’hébergement pour personnes présentant un handicap moteur et, dans une
moindre mesure, dans des infrastructures psychiatriques.
Des centres de référence reconnus
L’amélioration de la
couverture des coûts pour les malades chroniques fait partie des
priorités de la ministre de la Santé publique, Laurette Onkelinx. Dans
ce cadre, et sur base des résultats de l’étude de la Fondation médicale
Reine Elisabeth, un budget de plusieurs millions d’euros a été dégagé
pour une prise en charge globale des patients atteints de la maladie de
Huntington, de la sclérose en plaques ou de la sclérose latérale
amyotrophique. Après avoir lancé un appel à candidature auprès des
hôpitaux, l’INAMI a dès lors conclu neuf conventions de programme de
prise en charge pour ces patients: trois pour les patients Huntington et
six pour les patients atteints de la sclérose en plaques
(4). Ces conventions, qui viennent d’entrer en
application, peuvent être considérées comme historiques. En effet, pour
la première fois, l’assurance obligatoire soins de santé prévoit un
financement en réseau pour mieux répondre aux besoins du patient et
promouvoir une étroite collaboration entre l’hôpital, la structure
résidentielle et la famille du patient.
Un budget de plusieurs millions d’euros a été dégagé pour une prise
en charge globale des patients atteints de la maladie de Huntington
ou de la sclérose en plaques. |
Pour la maladie de
Huntington, l’hôpital psychiatrique du Beau Vallon, à St Servais (près
de Namur), ISoSL sur le site du Péri à Liège et Sint Kamillus à Bierbeek
en Flandre sont les trois hôpitaux de référence avec lesquels l’INAMI a
passé une convention (5).
«Il s’agit d’une
belle reconnaissance de notre expertise de 15 années dans la prise en
charge de cette maladie», souligne Le Dr De Gregorio, psychiatre à
l’hôpital psychiatrique du Beau Vallon. «Cinq lits de l’unité de
soins de neuropsychiatrie sont dévolus aux patients Huntington. Grâce à
la convention, un encadrement supplémentaire de trois équivalents temps
plein est octroyé et concernera tous les métiers de la santé: infirmier,
psychologue, kinésithérapeute, éducateur, ergothérapeute… Ces
professionnels interviendront aussi dans les trois MRS qui font partie
du projet et pourront accueillir chacune 5 patients Huntington. Il
s’agit de Saint Thomas à Lustin, des Chanterelles à Gembloux et de
Sûr-abri à Maffle». La convention prévoit encore d’autres prises en
charge financières: la fonction de liaison médicale entre l’hôpital et
les structures résidentielles, les soins et repas supplémentaires donnés
aux patients, la formation du personnel, le matériel adapté, les frais
de déplacement… Une réduction de 10 euros sera aussi octroyée sur la
facture du patient hébergé en MRS.
«La convention est un grand pas en avant, s’exclame Vinciane Gorissen.
Ces dix dernières années, la Ligue Huntington a réalisé un très long
travail de sensibilisation dont elle récolte aujourd’hui les fruits. Les
familles seront soulagées d’une partie des frais qu’elles supportent
aujourd’hui mais surtout, elles seront rassurées de savoir que leur
proche pourra être pris en charge par des personnes compétentes dans des
établissements adaptés ».
Joëlle Delvaux
(1) La prévalence de la maladie est de 1 à 3
personnes sur 10.000.
(2) Ils peuvent également apparaître plus tôt (on
parle alors de la forme juvénile de la maladie, plus fulgurante) ou plus
tard.
(3) Ligue Huntington Francophone Belge - Tél :
04/225.87.33. www.huntington.be
(4) En Wallonie, les deux hôpitaux signataires de la
convention pour la sclérose en plaques sont le centre neurologique et de
réadaptation de Fraiture et le CHU de Charleroi. Il n’y en a pas à
Bruxelles.
(5) Hôpital psychiatrique du Beau Vallon, rue de
Bricgniot 205 à 5002 Saint-Servais. 081/72.11.11. - ISoSL (site le Peri),
Montagne Sainte-Walburge, 4bis à 4000 Liège. 04/225.87.11.
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