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Maladies (6 mai 2010)

 

La dyspraxie,

pas une simple maladresse…

Ils laissent tout tomber, manquent de se couper un doigt dès qu’ils prennent un objet tranchant ou cassent des verres… Les maladroits, il faut bien l’avouer, prêtent souvent à sourire… Mais quand la maladresse devient un vrai calvaire, on lui donne un autre nom : la dyspraxie.

Qui d’entre nous n’a jamais gaffé, par pure maladresse ? Certains plus que d’autres, mais leur vie n’en est pas pour autant pourrie, même s’ils ont la fâcheuse tendance à se prendre systématiquement les pieds dans les tapis, à casser tout ce qu’ils touchent ou à marcher systématiquement sur les pieds des autres ! Pour la majorité d’entre nous, la maladresse est souvent provoquée ou accentuée par un état de fatigue ou de surmenage. Pour d’autres, plus rares, elle est due à une mauvaise acquisition des “bons gestes”, auquel cas, il est possible d’y remédier : “Souvenez-vous de la première fois où vous avez dû manger avec des baguettes chinoises : votre maladresse aurait fait s’esclaffer des Asiatiques ! Avec un peu d’entraînement et de bons conseils, vous pouvez arriver petit à petit à vous débrouiller”, explique Caroline Lejeune, chercheuse au département des sciences cognitives à l’Université de Liège.

 

Des années de galère

A côté de cet aspect anecdotique, il y a la dyspraxie qui, pour sa part, nuit réellement à la vie quotidienne ou aux apprentissages. Ce trouble neurologique présent dès la naissance, se caractérise par une maladresse importante et un manque de dextérité pour laquelle l’entraînement reste inefficace. Ce trouble spécifique du geste, bien qu’évident, n’est pourtant pas toujours diagnostiqué rapidement…

“Renaud a 14 ans aujourd’hui et nous n’avons pu mettre un nom sur ses difficultés que très récemment. Avant, nous n’avions que les réprimandes des professeurs, des moniteurs, des remarques des autres parents ou des proches… et beaucoup de questions auxquelles nous ne trouvions pas de réponse…”, raconte Solange. Les problèmes sont apparus au grand jour à l'école maternelle : “Il ne savait pas tenir un crayon, faire un puzzle ou empiler des blocs, ni attacher ses boutons. Tout ce que l’institutrice m’a dit, c’est que mon fils n’était pas ‘normal’, qu’il pouvait mais ne voulait pas faire les choses. Il a été étiqueté comme enfant têtu et trop gâté. Reclus dans un coin de la classe, il a appris à lire seul et était déjà capable de lire lors de son entrée en primaire.” Mais là, les choses se sont corsées : Renaud n’arrivait pas à écrire et présentait des difficultés en maths; il devait beaucoup travailler avec ses parents pour ne pas prendre trop de retard. Il était à chaque fois sauvé par ses capacités de lecture, de compréhension et son excellente mémoire. “Ce n’est qu’en 3ème année que nous avons rencontré une institutrice plus compréhensive : elle voyait que Renaud avait une intelligence normale et nous avons beaucoup dialogué. Ensemble, nous avons constaté des points communs entre ses difficultés à l’école et celles rencontrées à la maison. L’année suivante, nous avons consulté un centre spécialisé où la dyspraxie a été évoquée, mais pas diagnostiquée clairement et Renaud a alors été considéré comme handicapé moteur.” Ce diagnostic a permis à Renaud d’obtenir certaines dispenses en 1ère secondaire, notamment pour les cours de dessin, les exercices pratiques de technologie ou encore le cours de musique (et de flûte…). Grâce à cela, il a pu obtenir des résultats corrects et passer en deuxième, mais les dérogations sont tombées et les efforts qu’il devait déployer dans ces matières pour arriver à des résultats médiocres le décourageaient. “Il se sentait nul, se dévalorisait… Heureusement, il y a deux ans, un neurologue lui a expliqué ce qu’il avait, et il comprend maintenant qu’il n’est pas stupide, ni paresseux. Néanmoins, à l’école, les difficultés croissent : utiliser les outils de géométrie, tracer une ligne à la latte… est impossible pour lui. Comment poursuivra-t-il sa scolarité et que fera-t-il plus tard ?”, s’inquiète cette maman…

 

Un diagnostic difficile

Le plus souvent, les parents sont alertés par les enseignants. Les lacunes sont confirmées par les tests de fin de 3ème maternelle qui évaluent les aptitudes censées être acquises, comme écrire facilement son prénom ou reproduire un dessin… Alors seulement, les parents peuvent faire le rapprochement avec des maladresses de l’enfant à la maison et consulter des spécialistes. Encore faut-il en trouver un qui connaît bien la dyspraxie… La détection, notamment par la médecine scolaire, est insuffisante. “Il est vrai que le diagnostic est difficile; il n’existe pas de tests spécifiques, mais une batterie de tests neuropsychologiques et ergothérapeutiques, explique la chercheuse. Ainsi, après les tests de QI pour éliminer les cas de retard mental, on voit si l’enfant n’a des faiblesses que sur le plan moteur et visuel, ou s’il en a aussi sur le plan verbal. Ensuite, on lui fait passer des tests de dessin, d’écriture. On lui demande de reproduire des modèles en trois dimensions et des figures géométrique, de repérer l’orientation d’une flèche disposée sur une feuille ou de suivre une ligne de lecture… Enfin, nous procédons à des épreuves d’attention et de mémoire afin de déterminer s’il y a des difficultés autres que gestuelles et visuo-spatiales.”

Trop souvent, cette consultation arrive bien tard : par méconnaissance, les parents peuvent longtemps errer d’une consultation à l’autre, d’autant plus si l’enfant présente d’autres troubles comme ceux de l’attention, du langage ou de la lecture. Et il n’existe aucun centre de référence spécialisé…

 

A tâtons

Faute de connaissances précises, la prise en charge est aussi faite de tâtonnements… “Au départ, on pensait que les choses rentraient dans l’ordre à l’adolescence. Mais il semble que ce ne soit pas le cas, malgré le peu d’études menées sur le long terme. Il semble qu’une moitié des enfants seulement verrait ses troubles s’atténuer.”

Et malgré ce constat, il n’existe aucune ligne directrice claire pour apprendre autrement à l’enfant. “Si chez les ‘non-dyspraxiques’, l’apprentissage se fait par l’entraînement, l’enfant dyspraxique a beau répéter encore et encore les mouvements, s’entraîner, rien n’y fait : c’est comme si c’était toujours la première fois. Malgré la concentration importante que cela requiert, le geste ne s’automatise pas…, constate Caroline Lejeune. La psychomotricité peut aider sur le plan gestuel, de même que l’ergothérapie spécialisée. Par exemple, des rééducations du graphisme sont parfois proposées, surtout si l’enfant est jeune. Les techniques les plus courantes utilisent la verbalisation (“pour former un ‘l’, je monte, puis j’effectue une courbe vers la gauche pour redescendre”). Lorsque le trouble du graphisme est trop important, on peut mettre en place l’écriture via l’ordinateur mais tout cela se fait au cas par cas ; et il faut que ce soit accepté par l’école ! Pour pallier les difficultés en lecture et en arithmétique (chez des enfants qui ont des troubles visuo-spatiaux), on peut donner des conseils comme placer une latte sous la ligne à lire pour éviter les sauts de ligne ou poser les opérations mathématiques dans des colonnes. Driller les enfants à l’écriture ? Je ne suis pas certaine que cela les aide. Leur faire copier x fois des mots ou des phrases avec beaucoup de difficultés peut au contraire les démotiver. Il me semble plus adéquat d'utiliser le support verbal par exemple.” La réussite de ces techniques variera selon les cas…

On comprend que pour ces enfants, suivre l’enseignement ordinaire est un réel défi. Mais ils y ont néanmoins leur place. Encore faut-il que leur trouble soit mieux connu et fasse l'objet d'une attention accrue en milieu scolaire.

// Carine Maillard

 

Des enfants intelligents !

On estime que la dyspraxie touche 3 à 6% d’enfants en âge scolaire, avec un ratio de trois à six garçons pour une fille. Mais il ne s’agit que d’estimations, car ce trouble est encore peu connu. “On sait que dans certains cas, la dyspraxie est le résultat de lésions au cerveau suite à une prématurité à un trouble neurologique. Mais la dyspraxie se retrouve aussi chez des enfants sans antécédents ni problèmes neurologiques identifiés; la cause exacte reste à l’heure actuelle toujours inconnue…”, précise Caroline Lejeune, chercheuse à l’ULg.

Cette dyspraxie, les parents ne la voient pas tout de suite : “Ils constatent d’abord que tout ce que l’enfant touche tombe, se casse, se froisse, se salit, se déchire; il échoue dans les activités de découpage, de collage, de coloriage et d’écriture. A la maison, les difficultés apparaissent au cours de l’habillage, des repas, de la toilette. Elles peuvent ainsi créer une dépendance à l’adulte et constituer une gêne sociale non négligeable.” L’enfant n’est alors considéré que comme “malhabile”.

Mais les difficultés vont s’accumuler et devenir plus inquiétantes en maternelle, où le dessin et le bricolage occupent une grande place. L’enfant dyspraxique semble alors éprouver des difficultés à gérer la force musculaire nécessaire, et donc échoue à ces tâches censées acquises. Des difficultés d’ordre visuo-spatial peuvent également s’ajouter : l’enfant éprouve des difficultés à situer les objets dans l’espace ou à les positionner les uns par rapport aux autres, etc. On comprend dès lors que la maladresse n’est pas “banale”, mais n’affecte pas l’intelligence ! “Ces enfants dyspraxiques qui ne présentent aucun autre trouble neuro-moteur, ont une intelligence tout à fait normale ; ils parlent comme – voire mieux – que les autres. C’est donc dans les gestes et les activités manuelles que les problèmes se posent. Les signes d’appel sont le plus souvent la maladresse, le retard graphique et la dysgraphie (difficulté à écrire). C’est pour cela qu’il faut rester attentif à des lacunes dans le maniement des crayons ou des jouets à empiler par exemple.”

Mais attention : ce n’est pas parce qu’un jeune enfant ne dessine pas bien qu’il faut soupçonner d’emblée une dyspraxie ! Par contre, si le trouble persiste et semble freiner l’enfant dans ses apprentissages et son autonomie, la consultation est conseillée.

 


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