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Méconnue et mal traitée, la drépanocytose ( 5 août 2004)

 

Qui connaît la drépanocytose ? Cette maladie génétique est méconnue, même parmi le personnel médical. Elle est pourtant devenue la principale maladie génétique à Bruxelles. Répandue parmi les migrants africains, elle peut en réalité concerner tout le monde.

 

La drépanocytose est, à Bruxelles, la première maladie génétique. Un nouveau-né sur 2000 est atteint d’un syndrome drépanocytaire, contre 1 sur 3000 pour la mucoviscidose par exemple. A l’Hôpital de la Citadelle de Liège, des examens effectués sur 3000 nouveaux-nés en un an et demi montrent que 1,3 pour 1000 présentaient une drépanocytose majeure, et 35 pour mille en étaient porteurs.

C’est beaucoup, et pourtant, cette maladie, venue d’Afrique, reste méconnue de nombre d’acteurs de santé.

“La drépanocytose, explique le Professeur Robert Girot, de l’Hôpital Tenon, à Paris, est une maladie génétique de l’hémoglobine caractérisée par la survenue de crises aiguës ou chroniques”. Elle s’attaque aux globules rouges et provoque des occlusions des vaisseaux sanguins. Elle se manifeste, extérieurement, par des crises à périodicité irrégulière mais extrêmement douloureuses. “Les manifestations varient fortement d’un individu à l’autre”, explique le Dr Didier N’Gay, qui anime à Bruxelles l’asbl Action Drépanocytose. “Certains font des crises une fois par mois, d’autres n’en font pas pendant cinq ans. Les enfants fort malades montrent parfois des signes annonciateurs, telles la difficulté à respirer et une douleur dans la poitrine”. Certains contextes favorisent l’apparition de crises ; c’est le cas d’une canicule comme celle de 2003. Les drépanocytaires doivent boire beaucoup d’eau.

Maladie génétique, la drépanocytose dépend de la combinaison de gènes transmis par les parents à l’enfant. Comme tous les gènes, celui qui porte la maladie est composé de deux allèles. Si un parent n’est pas porteur, ceux-ci sont sains (A+A). Si un parent est “porteur sain”, un allèle est sain (A), l’autre infecté (S) ; la personne ne développe pas la maladie. L’enfant à naître reçoit donc une “offre” de quatre allèles, deux par parent, et en “ prend ” involontairement deux, une à chaque parent. Diverses combinaisons sont alors possibles, dues au hasard : A+A, A+S, S+S. Si les deux parents sont “porteurs sains”, l’enfant peut être sain (25% de chances), “porteur sain” (50% de chances) ou malade (25% de risques). Un père et une mère “porteurs sains” qui ne présentent aucun symptôme peuvent donc donner naissance à un enfant malade.

 

Coûteux traitement…

On ne connaît actuellement qu’un seul traitement permettant de guérir la maladie, et il est compliqué et coûteux : la greffe de moelle. Comme l’explique le Dr A. Klein, de l’ULB, cette procédure est jusqu’à présent réservée aux patients présentant une morbidité sévère ou à risque de mortalité précoce. Ces bénéficiaires sont élus selon des critères assez stricts. Les sources doivent être des donneurs familiaux HLA identiques. Les risques consécutifs à la greffe elle-même sont importants. Selon le Dr Françoise Vertongen, du CHU Saint-Pierre, “il faut explorer d’autres pistes, moins onéreuses et d’usage plus large telle l’hydroxyurée, une nouvelle molécule qui donne de très bons résultats.” A l’HUDE (Bruxelles), “le nombre d’hospitalisations des enfants a diminué de moitié depuis que ce traitement existe”, affirme le Dr Sester. Inconvénient : les médicaments à base d’hydroxyurée peuvent fortement grever un budget familial.

La drépanocytose a en effet aussi une connotation sociale. Une greffe de moelle peut en effet coûter, tout compris, une centaine de milliers d’euros ; la sécurité sociale intervient, mais le coût à charge du patient reste élevé. Maladie d’origine africaine, la maladie touche actuellement en priorité des populations migrantes, dont le niveau moyen de revenu est plus faible que la moyenne belge.

“Le handicap résultant de la drépanocytose est reconnu, mais comme une maladie chronique, explique Françoise Vertongen. Mais la procédure est lourde, alors que les malades sont souvent isolés culturellement et socialement, parce que ce sont en majorité des migrants. ”

“Attention, toutefois, à ne pas tomber dans le piège de la stigmatisation d‘une communauté”, précise Didier N’Gay : “La drépanocytose concerne les Africains à 90%, mais il y a donc 10% de malades non Africains. De toute façon, du point de vue de la génétique, cela ne signifie pas grand chose. Avec le nombre de gens qui ont des ancêtres noirs, le gêne peut se retrouver partout, surtout si on prend en compte les couples mixtes actuels. En 2003, un petit Italien a manifesté un syndrome drépanocytaire à Bruxelles”.

En réalité, le facteur géographique joue plus que l’élément ethnique : la drépanocytose est apparue là où la malaria frappe, de l’Inde au Brésil. On la trouve aussi aux États-Unis et dans les Antilles, où les descendants d’Africains sont nombreux.

 

Dépister…

Tous les autres traitements connus – telle la transfusion sanguine – n’ont pour effet que de limiter la douleur lors des crises ou de prolonger la durée de vie qui peut actuellement atteindre 50 ans. Ils n’en sont pas pour autant négligeables, mais ne sont pas sans effet pervers. Ainsi, l’allongement de la durée de vie des femmes drépanocytaires les conduit à l’âge de procréer, mais leurs grossesses sont à haut risque. D’une part parce que certaines complications inhérentes à toute grossesse auront sur elles des effets aggravés ou prendront des proportions alarmantes (“au moins 50% des femmes drépanocytaires auront une infection sévère au cours de cette période”, estime le Dr Barlow, du CHU Saint-Pierre). D‘autre part, parce que la drépanocytose provoque elle-même des pathologies obstétricales, telles l’insuffisance placentaire, la mort in utero, la prématurité ... Résultat, selon Patricia Barlow : “la mortalité maternelle reste 100 fois plus élevée par rapport aux autres femmes”.

Cet exemple de la grossesse montre que la connaissance de la drépanocytose et de ses conséquences ne peut être limitée à quelques spécialistes : urgentistes, gynécos, orthopédistes, dermatologues, néo-natalistes… sont tous concernés, sans même parler, hors du monde médical, des enseignants, par exemple, qui doivent pouvoir faire face à des crises soudaines de leurs élèves.

“Car, précise le Dr N’Gay, un enfant malade peut avoir une vie normale, aller à l’école, mais celle-ci devrait accepter des périodes d’absence, et il faudrait que le personnel éducatif sache réagir à bon escient”.

La prévention joue aussi un rôle significatif. D’abord sous la forme du dépistage, pré- et néo-natal. Une convention avec l’INAMI permet d’y procéder dans toutes les maternités de Bruxelles, pendant deux ans. A Liège, l’Hôpital de la Citadelle y procède aussi, sur fonds propres de son laboratoire, et des contacts sont en cours avec les hôpitaux du CPAS d’Anvers. Les grandes villes sont les premières concernées, parce que c’est là que sont concentrés les migrants africains, vecteurs principaux (mais pas uniques) de la maladie. Idéalement, un dépistage prénuptial devrait aussi impliquer les futurs parents. S’ils sont porteurs, ils doivent décider en connaissance de cause d’avoir ou pas des enfants. Puisqu’aucune communauté n’est exempte de risques, le dépistage généralisé des nouveaux-nés se justifie autant du point de vue de la santé publique que pour le principe d’éviter la stigmatisation qu’un dépistage sélectif impliquerait.

 

… et informer

L’autre forme de la prévention concerne en effet l’information préalable des populations à risque sur l’existence et les mécanismes de transmission de la drépanocytose. Des pères en font parfois porter la responsabilité aux femmes exclusivement, alors que, nécessairement, il faut que les deux parents soient porteurs pour qu’un enfant soit malade.

Enfin, lorsqu’un enfant est atteint, quelques conseils permettent de limiter l’ampleur des crises : boire beaucoup, éviter les sports violents et tout ce qui ralentit la circulation du sang (croiser les jambes par exemple), se rendre à l’hôpital dès qu’il y a de la fièvre…

Des documents reprenant ces conseils existent. A Bruxelles, en effet, deux associations s’attaquent aux défis posés par cette maladie (1). L’une est le Réseau des hémoglobinopathies, destiné au monde médical. L’autre est une asbl, “Action drépanocytose”, créée par le Dr Makateke, lui-même malade et décédé en 2002, et reprise en charge par le Dr Didier N’Gay. Cette association se consacre à l’accompagnement des malades et des familles et développe principalement des activités d’information. Les unes sont générales et anonymes, destinées au public susceptible d’être concerné par la maladie : dépliants, présence dans les lieux où les Africains de Bruxelles se retrouvent, information sur les radios étudiantes...

D’autres s’adressent directement aux malades : ce sont les réunions mensuelles qui ont lieu à la Maison africaine, à Bruxelles, et où patients et familles se retrouvent et échangent leurs expériences. Pour Didier N’Gay, ces rencontres sont essentielles, parce que les familles s’y rendent compte que d’autres sont aussi concernées. Le fait d’en parler brise leur isolement. Dans l’association, prestataires et usagers de soins se parlent librement, sur pied d’égalité. Ils échangent aussi des idées sur ce qui peut être modifié dans leur environnement et dans leur comportement pour faciliter la vie avec cette maladie.

Ce serait parfait si l’Action Drépanocytose disposait d’un minimum de moyens. Malheureusement, malgré son rôle indéniable en santé publique, elle n’a ni local ni financement. Provisoirement, espérons-le !

 

André Linard, InfoSud

 

 

(1) Réseau des hémoglobinopathies, association de praticiens et spécialistes. Le site est accessible uniquement au monde médical, avec un code d’accès. Action drépanocytose : Contact : Dr N’Gay, 0496/79.97.11 - www.actiondrepano.be.tf 

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