Santé
(5 janvier 2012)
Des soutiens aux traitements du
cancer
En matière de cancérologie, les progrès vont
bon train : les diagnostics se font plus précoces, les traitements
s’affinent. Souvent vers davantage de “high tech”. Mais il est aussi
d’autres évolutions souhaitables : s’avancer sur des voies
interdisciplinaires. Pour éviter au patient de se trouver comme fractionné
au gré des spécialités du corps médical, en fonction des organes atteints,
des thérapies envisagées… Pour prendre en compte les médecines
complémentaires, largement sollicitées par les patients.
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Marc Detiffe |
La Fondation contre le cancer
organisait, à la mi-décembre, une journée d’information grand public sur le
thème des médecines non conventionnelles comme l’homéopathie, la
phytothérapie, la relaxation, l’acupuncture... Son objectif: ni encourager,
ni déconseiller systématiquement le recours à ces types de soins, mais
“donner à chacun des outils de décryptage, des clés de compréhension”. Car
c’est un fait: les patients atteints par le cancer sont très nombreux à
recourir aux médecines non conventionnelles en complément des traitements de
chimiothérapie, de radiothérapie, d’hormonothérapie, de chirurgie… Jusqu’à
huit patients sur dix, relate le socio-anthropologue Olivier Schmitz. De
quoi bousculer les cloisonnements traditionnels entre les traitements dite “evidenced
based”(1) et les médecines dites non conventionnelles.
Une complémentarité, pas d’exclusivité
Mais attention, on parle bien de complémentarité. Le docteur Didier Vander
Steichel de la Fondation insiste: “Nous avons décidé de ne pas utiliser le
terme trompeur de médecines alternatives. Nous estimons que certaines
médecines non conventionnelles peuvent s’envisager en complément des
traitements classiques, mais certainement jamais à la place des ces
derniers. D’où le terme de médecines complémentaires”. C’est
d’ailleurs dans ce sens que la grande majorité des patients les utilise,
d’après les observations du professeur d’oncologie français, Simon Scraub:
comme un plus, “en parallèle”, “sans préjuger de leur action”, comme “un
traitement qui leur fait du bien”, “pour lutter contre les symptômes,
remonter l’état général ou aider à supporter l’opération, rétablir
l’énergie”… Ce que d’autres observations confirment: ce sont surtout la
diminution des effets secondaires des traitements anticancéreux et la
réduction de la fatigue qui sont visées. Le spécialiste, en outre président
de “Cancérologues sans frontières”, précise aussi qu’en ayant recours aux
médecines non conventionnelles, le patient cherche à être plus actif contre
le cancer, qu’il apprécie chez son prescripteur l’écoute, le soutien, le
fait qu’il prenne son temps. Ainsi, voit-on se dessiner “en creux, des
besoins qui ne semblent pas toujours trouver de réponses du côté
conventionnel de la prise en charge de cette maladie qui touche à de
nombreuses dimensions de la vie”, explique Olivier Schmitz.
Méconnaissance et tabous
Là ne se trouve pas la seule raison de voir les cancérologues s’intéresser
de plus près aux médecines non conventionnelles, trop mal connues de la
communauté médicale. Il en va aussi de l’efficacité des traitements. Les
risques d’interférence sont réels. Le docteur Fanny Bauvet cite l’exemple du
millepertuis, plante utilisée comme antidépresseur et anxiolytique, en vente
libre et enregistrée comme denrée alimentaire en Belgique. “Son usage
chronique peut causer une diminution d’activité de nombreux anticancéreux
dont l’irinotecan, le docetaxel et l’imatinib.” Malheureusement
la plupart des patients n’informent pas leur cancérologue de ces traitements
qu’ils suivent par ailleurs. “Il existe un réel manque de communication
entre médecins et patients dans ce domaine, observe le docteur Fanny Bauvet.
En effet, la majorité des patients en cours de chimiothérapie ne signalent
pas spontanément l’usage de médecines complémentaires et alternatives (parce
qu’elles sont considérées comme inoffensives ou par crainte d’un avis
négatif du médecin) et les oncologues ne les questionnent pas lors de
l’anamnèse habituelle des co-médications ou n’ont pas les connaissances
nécessaires pour donner un avis sur le sujet”. Le
décloisonnement entre les différentes pratiques et
praticiens est largement plébiscité. Le
dialogue entre eux, mais également avec le patient.
//Catherine Daloze
(1)
Démarches médicales evidenced based: méthodes de soins ayant fait la preuve
scientifique de leur efficacité notamment par des essais randomisés en
double aveugle (ni la personne prenant le traitement, ni la personne
l'administrant ne savent si le traitement administré comprend le principe
actif ou un placebo)
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