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Thérapies et techniques médicales (6 février 2014)

Les superbugs font de la résistance

Les bactériophages T4 à l’attaque des bactéries E. coli
© IMAGE GLOBE/SCIENCE

Staphylocoque doré, E. coli, Enterococcus faecium… Une récente terminologie regroupe ces termes scientifiques : les superbugs. Un mot qui évoque l'importance des ravages que causent les souches résistantes de ces bactéries. Si leur origine est identifiée, il semble que rien ne les arrête.

Aux États-Unis, par exemple, le Staphylococcus aureus (staphylocoque doré) résistant à la méticilline (MRSA) tue, à lui seul, 18.000 personnes chaque année. C'est plus de victimes que peut occasionner le virus du sida dans ce même pays. En Europe, on estime à 25.000 le nombre de personnes qui trépassent chaque année suite à une infection par ce type de bactéries indomptables.

La situation causée par les souches multirésistantes de ces bactéries est à ce point préoccupante qu’en Grande-Bretagne, Sally Davis, principale conseillère du gouvernement en matière de santé, estimait, en mars 2013, que des opérations bénignes pourraient s’avérer mortelles d'ici 20 ans si les patients ne pouvaient plus combattre ces types d'infections. En conséquence, elle a estimé qu’un tel danger devait être ajouté à la liste des principales menaces contre le pays, au même titre que le terrorisme et le réchauffement climatique.

Trop d'antibiotiques tuent l'antibiotique

La plupart des “mauvaises bactéries” développent des systèmes de défense lorsqu'elles sont stimulées par les attaques des antibiotiques. En réalité, au plus les antibiotiques sont utilisés au plus les bactéries résistantes se propagent. Lors d'un traitement, les antibiotiques sont utiles pour tuer les bactéries qui leur sont sensibles mais, retour de bâton, celles qui résistent ont le champ libre pour se multiplier. Paradoxe : plus on utilise les antibiotiques plus on encourage la prolifération de bactéries résistantes.

Le terrain est de plus en plus favorable aux superbugs. Entre autres parce que les antibiotiques sont partout, jusque dans notre alimentation. Il suffit de se pencher sur son assiette pour en trouver. Sans le savoir, les amateurs de viande et de poisson ingèrent les antibiotiques destinés aux animaux d’élevages. Des médicaments qui sont assimilés à leur régime alimentaire pour rendre plus supportable la proximité à laquelle ils sont soumis, parqués dans des batteries. L’homme, par ses choix alimentaires, développe son “antibiorésistance”.

Paradoxalement, c'est aussi et surtout à l'hôpital, espace de soins, que se développent des bactéries pathogènes particulièrement résistantes. Dans cet environnement, l'utilisation massive d'antibiotiques stimule la faculté d'adaptation des mauvaises bactéries. Les infections nosocomiales, contractées à l'occasion d'une hospitalisation, sont fréquentes. Le Centre fédéral d'expertise des soins de santé (KCE) estime à 2.600 le nombre de patients qui décèdent prématurément chaque année durant leur séjour hospitalier des suites de ce type d'infection. Au vu de ce chiffre, les superbugs deviennent un enjeu réel de santé publique.

Le serpent se mord la queue

Il est devenu prioritaire de lutter contre les bactéries multirésistantes à l'aide de nouveaux antibiotiques. Toutefois, les incitations publiques à une utilisation raisonnée de ces produits découragent les laboratoires pharmaceutiques à investir dans cette voie. De plus, il est convenu que les bactéries trouveront toujours de nouvelles facultés d'adaptation. Des recherches tentent de trouver la parade.

//MATTHIEU CORNÉLIS

La phagothérapie au service des grands brûlés

Combattre une infection en s'aidant de son prédateur naturel. Voilà, en substance, en quoi consiste la phagothérapie. En étudiant ces “bactériophages”, l'Hôpital militaire Reine Astrid (HMRA) cherche à compléter son arsenal pour contrer les infections résistantes aux antibiotiques. Infections qui ne font pas de vieux os, selon les chercheurs de l'institution, qui observent l'efficacité des phages in vitro. Mais il reste du chemin à parcourir…

“Infections nosocomiales”. Le terme fait trembler jusque dans les couloirs de l'Hôpital militaire Reine Astrid. Pourquoi ? Parce que l'institution est confrontée à des infections à germes extrêmement résistants chez les militaires de retour de mission. Également parce que l'institution est spécialisée dans l'aide apportée aux grands brûlés. Ces personnes sont, plus que d'autres, exposées à ces infections car leur peau, fortement abîmée, ne peut plus assumer leur rôle de protection. Des germes peuvent dès lors très facilement pénétrer l'organisme qui, à ce moment, est en dépression sur le plan immunitaire. Ne pouvant pas lutter, un choc septique peut lui être fatal.

Face au fléau des superbugs, les chercheurs de La Défense n'ont pas rendu les armes. Depuis une dizaine d'années, ils étudient cet ennemi et déploient des troupes d'un genre peu commun : les bactériophages (ou phages). En deux mots, il s'agit des virus naturels des bactéries. Ils se trouvent partout où l'on trouve des bactéries : dans la mer, les rivières, le sol, la nourriture, les plantes, les animaux, l'homme… Ils font réellement partie de l'écosystème. “Nous vivons dans une mer de phages”, disent les scientifiques.

Le principe

Concrètement, à Bruxelles, on se limite à des applications topiques (sur la peau, la blessure…). Une fois déposés, les virus naturels vont cibler la bactérie pour y injecter leur matériel génétique. De cette manière, ils prennent le contrôle de la bactérie qui se met à produire des phages à son tour. En se démultipliant, ils finissent par désintégrer leur cible. Une fois leur mission accomplie, les phages disparaissent complètement du corps du patient, n'ayant plus sous la main les bactéries nécessaires à leur reproduction.

Une histoire : 18 mois après un accident de voiture et de nombreuses fractures, un jeune homme ne pouvait se déplacer qu’en chaise roulante à cause d’une infection chronique du bassin. Il présentait des fistules (galeries creusées par l'infection) de la taille d'une pièce d'un euro. Parmi les bactéries responsables de cette infection: du pseudomonas aeruginosae et du staphylocoque doré. “Nous avons pris ce patient en traitement pendant quelques semaines, dit le Docteur Jennes. Les orthopédistes ont enlevé l’os infecté. L’anesthésiste-réanimateur a prescrit des antibiotiques sur base des résultats de sensibilité des bactéries isolées au niveau des fistules et de l’os. Nous avons aussi irrigué, rincé la plaie chirurgicale avec le cocktail de bactériophages de notre laboratoire. Ce cocktail comprenait des bactériophages contre deux bactéries présentes dans la plaie.” Quelques semaines plus tard, le Dr Jennes apprenait la disparition de l'infection et la guérison du patient. L'effet des phages? “Cette thérapie est une arme supplémentaire à l’arsenal thérapeutique des médecins. Il insiste: elle n’est pas la panacée, tout comme les antibiotiques ou la chirurgie seule ne le sont pas”.

Les avantages de la phagothérapie sont nombreux, annonce Jean-Paul Pirnay, directeur du laboratoire des technologies cellulaires et moléculaires de l'HMRA. Alors que les antibiotiques traitent à large spectre une infection, les phages ne ciblent que ‘leur’ bactérie, préservant ainsi les bonnes bactéries de l'organisme. De plus, le développement de nouveaux antibiotiques est chronophage et coûteux tandis que celui de nouvelles préparations de phages est rapide et peu coûteux. Cette méthode thérapeutique serait un outil supplémentaire contre les infections bactériennes, à utiliser en synergie avec d’autres traitements antibactériens comme l'antibiothérapie et les solutions antiseptiques”. “Serait”… dit-il car, à cette heure, la phagothérapie n'est pas encore une technique avérée. Elle n'en est qu'à ses débuts en termes de recherche, sa validation scientifique n'est pas encore acquise et elle est loin d'être aussi efficace que des antibiotiques s'ils sont utilisés rationnellement.

Une pratique limitée

L'équipe de l'Hôpital militaire Reine Astrid ne peut dès lors faire usage de la phagothérapie que dans deux cas de figure. Le premier, c'est dans le cadre des études cliniques comme le programme de recherche "Phagoburn" soutenu par l'Europe, coordonné par le Ministère de la Défense français et porté par 6 centres de brûlés internationaux ainsi que des PME pharmaceutiques. L'objectif de cette étude est d'évaluer la phagothérapie pour traiter les infections cutanées provoquées par deux bactéries spécifiques chez les patients brûlés.

Deuxième opportunité : la déclaration d'Helsinki, document officiel de l'Association médicale mondiale. Les médecins peuvent faire appel à son article 37 qui, en résumé, autorise le soignant à recourir à une intervention non avérée (la phagothérapie) si toutes les interventions médicales ont échoué, si le patient a donné son consentement éclairé et si, selon son appréciation professionnelle, la méthode offre une chance de sauver la vie, rétablir la santé ou alléger les souffrances du patient.

Hors de ces deux cadres, la pratique de la phagothérapie n'est pas autorisée par l'Union européenne. “Des contacts ont été pris avec des responsables européens mais ceux-ci imposent de suivre le parcours pharmaco-économique classique”, indique Gilbert Vereken. Et le docteur en biologie de regretter le coût et le temps nécessaire à ce type de procédures.

Pourtant, un peu plus à l'Est…

À la fin des années 1910, lorsque Félix d'Hérelle découvrit l'action des phages, un Géorgien, George Eliava, importa la phagothérapie en Géorgie et lui consacra un institut à Tbilisi. Les préparations phagiques issus de l'Institut Eliava furent commercialisées en France et aux États-Unis jusqu'à la seconde guerre mondiale. Après le conflit, les scientifiques soviétiques, étant coupés des progrès occidentaux en matière de production d'antibiotiques par le rideau de fer, ont entretenu leurs travaux sur cette méthode thérapeutique. Une méthode d'ailleurs toujours mise à profit dans les hôpitaux des états composant l'ex-URSS.

//MaC

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