Ethique
(21 avril 2011)
Peut-on être handicapé et heureux?
Quand
les valides parlent des personnes handicapées, il est le plus souvent
question de problèmes, de souffrances, de prise en charge, et finalement de
rejet ou… de compassion au point de se poser la question: cette vie,
“vaut-elle la peine d’être vécue?” Oui, bien sûr, répondent la majorité des
personnes handicapées.
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Altéo |
La vie d’une personne handicapée, même si ce handicap est sévère,
ne s’arrête pas au handicap.
Mais les valides
sont aveugles(!) comme le résume si bien Charles Gardou, professeur
à Lyon(1). “Le handicap, écrit-il, est une
situation de privation de liberté, variable selon le degré de
gravité de la déficience…” mais aussi une situation liée “aux
entraves d’un environnement colonisé par les “bien portants”. Il ne
touche donc pas uniquement le corps ou l’esprit : il affecte la
liberté de la personne. Etre handicapé, c’est encourir la menace
d’être déterminé par sa seule blessure et soumis, par celle-ci et
par le comportement des autres, à des formes de captivité et
d’asservissement”.
La “privation de
liberté” dont parle Charles Gardou tient d’abord à “un manque de
reconnaissance”. Le discours dominant est de dire que les personnes
handicapées font partie de notre société… tout en les tenant à distance.
Paradoxalement “tout en étant dans la société, on a du mal à trouver
notre place” explique une personne handicapée.
Dans une
société de la perfection
Bien sûr, quand le corps
vous trahit et ne répond pas à votre envie de se mettre en marche, de
prendre un objet ou de s’exprimer, il y a bien des raisons de perdre
confiance en soi. Surtout dans la société actuelle où la réussite
individuelle comme l’idéal de perfection physique sont les conditions d’une
bonne intégration sociale. L’image contemporaine du corps parfait
s'accommode mal du handicap. Il est donc important de se déculpabiliser par
rapport à ses propres défaillances, d’autant plus que ce sont bien souvent
“les autres”, les valides, qui contribuent à accroître ce sentiment d’une
vie difficile. “Quand je suis seule dans mon appartement, quand je ne
suis pas mis en compétition avec des valides, je me sens très bien”,
affirme une invalide.
Douloureuse relégation
C’est un fait, la
majorité des personnes handicapées ressentent douloureusement les
stratégies d’évitement, l’indifférence, la réprobation, le placement dans
des lieux dits “spécialisés”. Et les développements récents dans le cadre du
diagnostic prénatal ne laissent pas présager des évolutions meilleures.
Certes les progrès dans le diagnostic prénatal permettent de dépister la
plupart des anomalies du fœtus et d’espérer le développement de nouvelles
thérapeutiques. Mais elles éveillent aussi de nouvelles craintes du fait de
permettre une sélection des fœtus en fonction de leur “normalité”. Le fait
que la majorité des fœtus portant un handicap, parfois simplement probable
ou sans grande gravité, soient de plus en plus souvent éliminé, ne
contribue-t-il pas à développer une image négative du handicap et de la
personne handicapée? Et dans quelques années, qu’en sera-t-il des personnes,
de plus en plus nombreuses, handicapées à la suite d’un accident?
Transformer ce qui peut l’être
Handicapés et valides,
réunis dans le mouvement Altéo, sont bien placés pour rendre compte des
difficultés que rencontrent les personnes handicapées dans leur vie
quotidienne et comprendre l’angoisse qui surgit au moment où les parents
apprennent que leur enfant est porteur d’un handicap. Ils savent
d’expérience la réalité d’un handicap moteur, visuel, auditif, psychique… et
ses répercussions dans leur vie quotidienne. Ils savent aussi que, dans la
diversité des situations à affronter, chacun d’eux peut trouver à sa manière
les moyens de se libérer. Non pas seulement en “acceptant son handicap”,
mais en trouvant l’équilibre entre “l’acceptation de l’inéluctable, et
notre capacité à transformer ce qui peut l’être”.
De nombreux témoignages
le confirment: la personne handicapée est heureuse si on lui donne les
moyens de s’épanouir dans la société et non simplement dans des espaces
réservés. Depuis trop longtemps les personnes handicapées ont dû s’adapter à
la société. Aujourd’hui, c’est à la société de s’adapter pour leur permettre
de mener une vie de citoyen. La personne handicapée demande à être davantage
reconnue qu’aimée ou assistée.
// Christian Van Rompaey,
Président de la commission éthique d’Altéo
(1) “Le handicap par ceux qui le vivent” - Sous la direction
de Charles Gardou -Ed. Eres, 2009.
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