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Bientôt un cadre légal

pour la procréation médicalement assistée ? (6 juillet 2006)

 

Faut-il rappeler les pratiques sulfureuses du docteur Antinori en Italie, implantant des embryons chez des femmes sexagénaires, ou le commerce d'ovules qui se pratique, notamment, en Roumanie ou aux États-Unis? Si, en Belgique, nous n'avons guère connu de dérapages de ce type, il n'en reste pas moins que le développement de la procréation médicalement assistée demande un encadrement législatif spécifique.

 

Depuis plus de 25 ans, les procréations médicalement assistées (PMA) ont permis à des milliers de couples en difficulté de rencontrer leur désir d'enfant. Quelque 12.000 cycles de PMA (insémination artificielle, fécondation in vitro, injection de sperme dans l'ovule) sont effectués chaque année dans notre pays. Plus de 2.000 enfants naissent annuellement selon cette méthode en Belgique. Et pourtant, jusqu'à présent, il n'y a pas de législation spécifique précisant dans quels cas et à quelles conditions on peut faire appel à la PMA.

Jusqu'ici, la pratique de la PMA devait simplement être conforme aux règles du droit commun : celle de l'exercice légal de la médecine et de la filiation. La réglementation actuelle ne porte que sur les normes de qualité, les conditions médicales et les modalités de remboursement par l'INAMI. Actuellement, il n’existe donc aucune uniformité des pratiques et des procédures applicables à ces techniques compliquées et éprouvantes. Chaque centre fonctionne comme il l’entend (1).

 

Après deux ans de discussions et auditions menées au sein du groupe de travail de bioéthique et de la Commission des Affaires sociales de la Haute assemblée, les sénateurs ont adopté, le 15 juin 2006, une proposition de loi qui doit maintenant être transmise à la Chambre des Représentants. Cette proposition de loi apporte davantage de sécurité juridique aux centres de fécondation ainsi qu’aux personnes qui recourent à leurs services, tout en sauvegardant la liberté nécessaire.

 

Passons en revue les principaux points de cette proposition de loi "relative à la procréation médicalement assistée et à la destination des embryons surnuméraires et des gamètes". (2)

 

 

• Qui peut demander une PMA ?

La proposition de loi stipule que les demandes peuvent émaner de toute personne ayant pris la décision de devenir parents par le biais d'une procréation médicalement assistée. Outre les couples hétérosexuels connaissant des problèmes de fécondité, les femmes isolées et lesbiennes peuvent donc également faire appel à la PMA. Une position que n'a pas suivi la sénatrice Clotilde Nyssens (CDH) estimant préférable que la PMA s'inscrive dans le cadre d'une relation hétérosexuelle stable.

 

• Y a-t-il une limite d'âge?

Le prélèvement des gamètes (les cellules reproductrices) est ouvert aux femmes majeures, âgées de 45 ans maximum, ce qui est également l'âge limite auquel une femme peut demander l'implantation d'embryons ou l'insémination de gamètes.

L'ensemble des sénateurs s'est accordé sur le fait que les femmes qui ont l'âge d'être grands-mères ne pourraient plus prétendre à la PMA. Par ailleurs, l'implantation ne pourra être effectuée au-delà de 47 ans.

Enfin, il n'est autorisé de prélever des gamètes chez les mineurs que pour des raisons médicales. On pourrait, par exemple, prélever des ovocytes chez une mineure atteinte d'un cancer avant une chimiothérapie afin de les conserver.

 

• Établir une Convention

Avant d'accéder à une demande de PMA, le centre de fertilité doit s'assurer que les causes de la stérilité, de l'infertilité ou de l'hypofertilité de la femme ou de couple ont bien été établies et traitées. La PMA étant une intervention assez lourde, le centre doit fournir aux intéressés une information loyale à ce propos et un accompagnement psychologique. Avant toute démarche médicale, les auteurs du projet parental et le centre de fécondation établiront une convention. Celle-ci détermine la technique qui sera utilisée et précisera le sort des embryons ou gamètes surnuméraires congelés (soit conservés pour un nouveau projet parental, soit offerts gratuitement à d'autres candidats parents ou à la science, soit détruits.) Cette convention doit prévoir les situations pouvant poser problèmes entre les parties : que deviennent les embryons surnuméraires en cas de décès, de désaccord ou de séparation...

 

• Clause de conscience pour les centres de fécondation

Les activités de fécondation in vitro ne peuvent être réalisées que dans des centres agréés. Ces centres doivent faire preuve "de la plus grande transparence quant à leurs options en ce qui concerne l'accessibilité au traitement; ils ont la liberté d'invoquer une clause de conscience à l'égard des demandes qui leur sont adressées. Les centres de fécondation doivent avertir le ou les demandeurs de leur refus de donner suite à leur demande, et ce dans le mois qui suit la décision du médecin consulté."

Ce refus, formulé par écrit, doit indiquer soit les raisons médicales, soit l'invocation de la clause de conscience, soit, si le ou les demandeurs l'ont souhaité, les coordonnées d'un autre centre de fécondation auquel ils peuvent s'adresser.

 

• Risque d'eugénisme ?

La proposition de loi interdit clairement toute démarche à caractère commercial ou eugénique (c'est-à-dire visant à améliorer les caractères héréditaires de l'espèce humaine, hormis l'élimination de maladies.)

Les donneurs ne pourront pas non plus être sélectionnés en fonction de leur beauté ou de leur intelligence, par exemple. Il ne sera possible de choisir un garçon ou une fille que pour des raisons médicales (par exemple, pour éviter une maladie liée au sexe).

Par contre, le texte ouvre la possibilité d'appariement entre donneurs et receveurs, c'est-à-dire qu'il rend possible la sélection de l'embryon ou des gamètes afin d'éviter une trop grande différence entre l'enfant et ses parents (la couleur de la peau, par exemple). Certains parlementaires estimaient que cela faisait "shopping" tandis que d'autres pensaient qu'il s'agissait là d'un besoin "humain" compréhensible de la part des futurs parents.

 

• Pas de "Bébé médicament !"

Le diagnostic préimplantatoire (DPI) permet d'analyser une ou plusieurs caractéristiques génétiques des embryons lorsque la fécondation a lieu in vitro afin de déterminer quels embryons seront implantés. Cette technique (comme les autres techniques de la PMA) ne pourra être utilisée dans un but eugénique ou de sélection du sexe. Par contre, il sera autorisé exceptionnellement dans l'intérêt thérapeutique d'un enfant déjà né de ces parents. On donne ainsi la possibilité de mettre au monde un frère ou une sœur dont le matériel cellulaire permettra la guérison de l'enfant déjà né.

C'est au centre de fertilité qu'il reviendra d'apprécier si le désir de cet enfant n'est pas uniquement motivé par un intérêt thérapeutique (d'où l'appellation "bébé-médicament") et que cet enfant est aussi désiré pour lui-même en tant qu'enfant par le ou les parents.

 

• Après un décès…

En cas de décès, le partenaire survivant pourra faire implanter un embryon ou donner naissance à un enfant à partir des gamètes congelés sous réserve d'un accord prévu dans la convention établie avec le centre.

La proposition de loi prévoit toutefois une période d'attente de 6 mois à dater du décès afin d'éviter des réactions trop vives à la suite du deuil (et au plus tard dans un délai de deux ans).

CD&V et CDH étaient opposés à la PMA post mortem ainsi que Annemie Van de Castele (VLD), présidente de la commission des Affaires sociales.

 

• Les donneurs peuvent-ils être connus ?

La proposition confirme l'anonymat des donneurs d'embryons ou de gamètes, l'argument étant le risque d'entraîner une pénurie de donneurs, comme l'a montré l'expérience dans les pays scandinaves. Toutefois, le centre de fertilité doit rassembler des informations médicales sur le donneur dans la mesure où celles-ci pourraient s'avérer importantes pour la santé de l'enfant à naître.

Une exception est prévue à la règle :  le donneur peut parfois être connu du receveur,  ce qui suppose qu'il ait un accord passé entre eux.. Il arrive, par exemple, qu'une femme fasse don de gamètes à sa sœur stérile.

 

• Filiation et patrimoine

Cette proposition de loi ne change rien aux règles du Code civil sur la filiation. Dès qu'un embryon a été implanté ou qu'une insémination de gamètes a été réalisée, la receveuse est la mère légitime de l'enfant à naître. Son ou sa partenaire éventuel(le)s est soumis(e) à la réglementation existante sur la filiation. Tout lien de filiation entre l'embryon et ses parents génétiques est donc définitivement rompu.

 

Christian Van Rompaey

 

(1) «Quelle pratique pour les PMA aujourd'hui ?» - Ethica Clinica (n°41) Jean-Michel Debry et Laurent Ravez interrogent des centres de PMA.

(2) Document du sénat 3-1440/10. Textes complets sur www.senate.be. Une synthèse de la proposition est parue dans le périodique du Sénat (n°13 - été 2006).

 

 

Éviter le piège utilitariste

 

Personne ne peut nier que les PMA soient une réponse efficace et heureuse aux couples frappés de stérilité dont la souffrance s'est vue profondément soulagée alors que ces couples en détresse parfois très forte avaient désinvesti leur quotidien.

Cela dit, écrit Laurent Ravez dans la revue Ethica Clinica (1), "il ne serait pas pour autant raisonnable d'offrir à la médecine reproductive un blanc-seing. En effet, il ne faut pas perdre de vue l'extrême dépendance de cette médecine à l'égard du développement technico-scientifique, en particulier des biotechnologies." Celui-ci est en effet principalement guidé par un impératif technique : celui de faire tout ce qui est techniquement possible. On ne peut donc attendre du développement technique une autorégulation sur le plan moral.

Tout en reconnaissant l'efficacité des PMA, il faut dans le même temps éviter le piège utilitariste qui justifierait tous les possibles. Pour Laurent Ravez, il faut entendre la souffrance de la stérilité, respecter la complexité du don de la vie, ne pas envisager la maîtrise technico-scientifique comme une fin en soi, mais comme un outil au service du désir d'enfant.

 

Peu avant le vote de cette proposition de loi, les évêques de Belgique estimaient pour leur part que "dans cette proposition de loi, l’embryon n’est pas considéré comme une fin en soi. Il est traité comme un moyen destiné à combler le désir d’enfant. Qu’importe que cet enfant «fabriqué» par la science soit un  orphelin biologique. Il s’agit avant tout qu’il corresponde au mieux au projet parental à géométrie variable de son ou ses parents légaux.

Quitte à ramer une fois de plus à contre-courant des évolutions sociales, nous n’adhérons pas à pareille logique. Selon nous, c’est la dignité de l’enfant à naître qui doit primer. Le droit de l’enfant est infiniment supérieur – même avant sa naissance – au droit à l’enfant."        

CVR 

(1) «Pour une approche critique plus mesurée des nouvelles technologies procréatives». Laurent Ravez. Ethica Clinica (n°41). Rens : FIH-W : 081/32.76.60.