Ethique
(5 mai 2011)
Diagnostic et traitement au bout d’un clic?
Beaucoup de gens vont chercher des informations de santé sur le Net. Pour
tenter de calmer une angoisse à l’apparition d’un symptôme inquiétant. Pour
trouver réponse à une question plus intime qu’ils auraient honte d’évoquer
devant leur médecin traitant. Pour comprendre les dires du spécialiste
consulté, voire pour chercher un autre avis. Mieux vaut cependant conserver
un œil critique.
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© BSIP-Reporters |
► Une étudiante appelle à
l’aide. Sur le forum d’un site “santé”, elle écrit “J’aurais besoin
d’avis pour me rassurer ou du moins me répondre svp!” Lors d’un
détartrage dans une école de dentisterie, l’apprenti dentiste lui a
sectionné le “frein de la lèvre inférieure”. Elle souffre, et en
appelle aux internautes pour savoir que faire. Parce que,
regrette-t-elle, elle n’y connaît rien.
► Un cinquantenaire vient de recevoir
les résultats de son taux de PSA (antigène prostatique spécifique). Sur la
base de ces analyses, son médecin généraliste lui conseille de prendre
rendez-vous avec un urologue. Il s’agit d’analyser plus en détail sa
situation et de mener les vérifications d’usage par rapport à un éventuel
cancer de la prostate. Inquiet, il se lance dans une recherche tout azimut
sur le Net. Pour en savoir plus sur ce qu’il risque…
► Une jeune maman tente de trouver une
solution aux “pipis au lit” répétés de son petit garçon. 906.000 résultats
s’affichent sur son écran.
Près
de 80% des Belges utilisent un ordinateur tous les jours.
Et une bonne partie
d’entre eux possèdent une connexion Internet à large bande. Pour une part
croissante de gens, un vaste champ d’information se tient ainsi à portée de
clics. Et le domaine de la santé y est largement représenté.
Des
milliers d’adresses
Le premier réflexe:
taper un ou plusieurs mots-clés sur un moteur de recherche. Dérouleront
alors en vrac une large gamme de sites. Articles scientifiques, blogs,
forums, témoignages, images, publicités s’y mêlent, sans hiérarchie de
pertinence. La fiabilité de l’information n’entre pas en ligne de compte
dans l’ordre d’apparition. Seule prévaudra la fréquence d’utilisation du
mot-clé sur le site, le référencement de ce dernier (combinaison du travail
d’un webmaster et de critères tels le nombre de pages, le nombre de
visites…). “L’internaute est confronté à un mélange d’informations
sérieuses, farfelues, alarmistes, encore trop souvent orchestré par des
publicitaires ou des marques peu identifiables ou même dissimulées derrière
des intitulés de sites peu explicites”, constate le Crioc(1).
D’après Ségolène Aymé,
directrice d’un portail français d’informations sur les maladies rares(2),
15% seulement des sites santé offrent un contenu exact, 60% se situerait en
dessous d’une qualité moyenne. De plus, si le média prodigue efficacité –
éclairant le patient, le rendant plus autonome –, il comporte aussi des
effets pervers. L’information n’y est pas nécessairement appropriée. En
termes de langage, par exemple. Ecrire pour un médecin spécialiste ou pour
un malade ne requiert pas les mêmes tournures de phrases. Or, sur la toile,
les différents échelons se côtoient voire se mélangent sans distinction
apparente. De même, la délivrance de l’information au patient gagne à
respecter une certaine temporalité. Le corps médical, lui, le sait: le
patient n’a pas les mêmes besoins d’informations quand il vient juste
d’apprendre un diagnostic ou après cinq ans de vie avec la maladie. Il y a
un temps pour entendre chaque chose. Internet cependant livre tout en une
fois.
Le web efface aussi les
frontières qui pourtant existent bel et bien. Car, la santé ne se conçoit
pas nécessairement de la même manière en Occident que sous d’autres
latitudes. Culture et santé forment un savant mélange. Plus encore en termes
géographiques. Certains soins coûteux sont inimaginables dans des pays moins
nantis. L’inégalité d’accès aux soins apparaît alors dans toute son
énormité. En somme, l’information sur le Net est livrée en vrac, sans
frontières, sans nécessairement de précautions particulières. Au surfeur
alors de les prendre, d’endosser des lunettes critiques?
Internautes,
à vos esprits critiques!
Rares sont les surfeurs
aguerris qui s’inquiètent de l’origine de l’information, qui scrutent
l’identité des auteurs derrière les textes, les commentaires et autres
points de vue ainsi publiés. C’est que l’exercice n’est pas simple, et
“derrière certaines façades sérieuses se cachent parfois des groupes
d’intérêts dont le seul objectif est finalement d’attirer l’attention et de
vendre leurs services et produits”(3). La première règle de
conduite consiste à chercher le propriétaire du site, comme le rappelle un
article de la revue Equilibre: “ne pas tout avaler”(3). En
outre, parmi les réflexes, celui de rechercher la date de parution de
l’information, celui de se méfier de ce qui semble trop beau pour être vrai,
celui de croiser les sources. Et puis, celui de considérer ces lectures
comme un point d’appui pour une consultation, comme un outil supplémentaire,
une source certes riche d’apprentissage mais à manier avec prudence.
Car, d’après certains
observateurs de l’information médicale électronique, un des dangers qui
guette le patient internaute, c’est l’autodiagnostic, l’automédication ou la
perte de confiance envers le corps médical(4). Une nouvelle
pathologie aurait même fait son apparition : la cybercondrie. Elle consiste
à tomber malade des informations médicales recueillies sur la Toile.
L’anxiété chronique de certains face à la maladie a de quoi être alimentée
sur le Net. Des histoires émotionnellement fortes, des récits parfois très
personnels profitent du relatif anonymat du web, et de l’accès aisé à la
publication via un blog, sur un forum… Si les témoignages peuvent renforcer
la solidarité, ils peuvent avoir leurs travers. Attention de ne pas
généraliser, de prendre conscience que chaque cas est spécifique.
// Catherine Daloze
(1) “La santé sur internet: informations ou intoxications?”
– http://www.crioc.be/
(2) www.orpha.net
(3) Dossier paru en septembre 2008.
(4) “L’informatique au cœur des soins”, Revue Ethica Clinica,
n°53, 2009.
www.mongeneraliste.be
Etre le
trait d’union entre les patients et les médecins généralistes, voilà
l’intention du site
www.mongeneraliste.be. Le patient peut s’y documenter sur son affection
et ses symptômes, y lire des conseils qu’il n’aurait pas mémorisés dans le
cabinet de son généraliste, préparer des questions en prévision de la
consultation suivante chez ce dernier...
Parfois
irrités, parfois amusés… les médecins voient de plus en plus souvent arriver
des patients avec des infos péchées sur le Net.
Et de regretter que le fruit de ces navigations soit parfois d’une
fiabilité douteuse, obsolète ou caricatural voire marchande. Le phénomène de
l’information santé sur la Toile semble pourtant incontournable. Il est
aussi positif de voir le patient prendre en main de la sorte sa santé. Mais
comment accompagner le mouvement de manière constructive? Outre le fait
d’envisager la consultation comme un échange négocié avec le patient lui
aussi compétent, la Société scientifique de médecine générale (SSMG) va un
pas plus loin. Elle vient de lancer le site
www.mongeneraliste.be Son
intention? Fournir un outil informatif et éducatif destiné aux patients. Un
site qui “diffuse une information de santé validée, dégagée de toute
influence commerciale, et destinée à enrichir les échanges entre le malade
et son thérapeute, en précédant ou en prolongeant la consultation”.
“Le site travaille
aussi sur ce que l’on peut faire soi-même par rapport à sa santé”,
explique le docteur Patrick Trefois, qui a pris les rênes rédactionnelles du
site. Fournir des pistes concrètes, mettre l’internaute en position d’acteur
le plus souvent possible font partie du projet. Patrick Trefois donne
l’exemple de questionnaires qui, remplis par le patient, peuvent servir de
base à une discussion avec le médecin. Comme cette liste de questions pour
préparer la rencontre avec le médecin dans le cadre du DMG+ (dossier médical
global prévention), ou encore un questionnaire pour “mieux connaître son
sommeil”. L’expérience des médecins, les interpellations qu’ils
rencontrent en consultation nourrissent le site et déterminent les sujets
traités sur www.mongeneraliste.be
Une initiative que la
Mutualité chrétienne soutient vu le sérieux des porteurs du projet et la
haute valeur ajoutée du contenu rédactionnel. Petite précision : le site
ambitionne de décrocher la certification HONcode (lire encadré ci-dessous).
// CD
>> Voir
www.mongeneraliste.be
Bien entendu, faut-il
préciser que vous trouverez des articles santé fiables sur le site d’En
Marche ( www.enmarche.be ) et de la
Mutualité chrétienne ( www.mc.be )?
Une certification, gage de confiance? |
Afin
d’aider le surfeur dans sa lecture critique de l’information santé
sur le Net, une Fondation d’origine suisse a mis sur pied un système
de certification. Sous le sigle HON – pour Health On the Net –, elle
labellise en quelque sorte les sites santé. La démarche est
volontaire et gratuite. Les sites certifiés auront introduit la
demande auprès de l’ONG et ils doivent répondre à un code de
déontologie. Les aspects contrôlés sont : la visibilité et le titre
du rédacteur, la complémentarité avec la relation patient-médecin
(pas le remplacement), la confidentialité des données personnelles
du visiteur, la mention des sources d’informations, la justification
des affirmations sur les bienfaits ou les inconvénients d’un produit
ou d’un traitement, la transparence sur les sources de financement,
la distinction claire entre fenêtres publicitaires et textes
d’information.
Certes “HON
ne peut pas assurer l’exactitude de l’information disponible à un
instant précis”, comme l’explique la Fondation HON elle-même.
Elle ne peut pas non plus assurer que “cette information est
complète”. “Mais l’adhésion d’un site à la charte de HON
démontre la volonté de ce site de contribuer à une information
médicale de qualité à travers la publication d’information
transparente et objective”. Un premier gage de crédibilité. Dans
sa mission de surveillance, la Fondation compte aussi sur les
internautes et leur vigilance afin de signaler des non-conformités.
A partir du sceau HONcode, il est possible de les signaler. |
Toutefois, l’association Health On the Net n’est elle-même pas
contrôlée, remarque le Crioc. “Or, dans un monde où les
industries pharmaceutiques, alimentaires et chimiques investissent
dans un lobbying agressif avec des budgets astronomiques, il n’est
pas impossible que des ‘fuites’ aient lieu de part et d’autre du
certificat. L’ensemble des propos sur les forums ne peut être
contrôlé, et les techniques de masquage publicitaire sont très
développées”. La certification a donc aussi ses limites.
>> Plus d’infos sur www.hon.ch
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