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Santé : Ethique (1er avril 2010)

 

Plus de sécurité… ou plus d’angoisses?

Aujourd’hui, la maternité peut être choisie. Les progrès de la génétique et de l’obstétrique permettent aussi d’espérer avoir un enfant en bonne santé, grâce au suivi prénatal.

La plupart du temps, la grossesse est une période heureuse de la vie. Le suivi de la grossesse apporte aux futurs parents beaucoup de sécurité. La généralisation du diagnostic prénatal permet de surveiller la courbe de croissance, la position du bébé avant l’accouchement, le placenta… En cas de problème, si le bébé a atteint un stade de développement suffisant, on peut intervenir in utero ou provoquer une naissance avant terme afin d’éviter qu’un mal empire dans le ventre de la mère, comme l'explique un échographe français (1).

 

© Jürgen Doom

 

 

 

 

L’échographie est devenue
un acte routinier pour
surveiller la grossesse.

 

 

Quoi de plus normal que de prévenir les risques de la naissance ? On ne voit pas aujourd’hui les femmes renoncer au suivi prénatal, même si aucune étape, de l’analyse génétique à l’échographie, n’est obligatoire ! Celui-ci est devenu routinier. Incontestablement, la surveillance de la grossesse permet de sauver des vies. Il arrive que des antécédents familiaux, des pathologies obstétriques imposent une plus grande vigilance, soit avant, soit en cours de grossesse.

 

Réfléchir aux orientations

du diagnostic prénatal

Progressivement, les examens ont permis de s’assurer, durant la grossesse, de la présence ou de l’absence d’affections sévères, de maladies génétiques familiales… L’échographie, les analyses génétiques associées aux techniques de prélèvements fœtaux, le diagnostic préimplantatoire (qui permet la sélection d’un embryon sain pour le replacer dans le corps de la mère après une fécondation in vitro), ont contribué à modifier la philosophie de la démarche prénatale. Parce qu’elles nous permettent de “désirer” un enfant en bonne santé, ces nouvelles techniques mettent à l’épreuve la conception que chacun se fait du respect de la vie et de la capacité de notre société à accepter les personnes fragiles, malades, handicapées. L’efficacité des nouvelles techniques n’efface pas les questions éthiques.

C’est un fait, constate le professeur Jean-François Mattei (2), les critères de gravité qui justifient légalement une interruption médicale de grossesse sont bien souvent, dans la pratique, élargis; de plus en plus de parents en viennent à refuser une naissance au moindre doute sur la « normalité » de l’enfant à naître, ou parce qu’il y a « un risque statistique » que le médecin a l’obligation morale d’annoncer aux parents. On sait à quelles difficultés se sont heurtés les professionnels qui n’avaient pas vu venir un problème ou qui l’avaient sous-estimé. On sait aussi, pour les parents, l'angoisse dans laquelle se déroulent les semaines dans l'attente de résultats d'analyse, les choix cornéliens qui se posent si ceux-ci s'avèrent problématiques. Car où mettre la limite entre un handicap acceptable et celui qui ne le serait pas ?

Ce constat, affirment des praticiens(1), nous invite “à une réflexion sur les objectifs du dépistage prénatal, dont plusieurs ne perçoivent plus clairement les orientations, et dont certains se demandent même si ses finalités thérapeutiques incontestables sont à même de contrebalancer les angoisses induites par la multiplication des examens prénatals chez les futures mères.”

Malgré la sécurité incontestable apportée par les outils du diagnostic prénatal, beaucoup voient celui-ci avant tout comme “l’instrument de l’interruption médicale de grossesse” ou comme le “pouvoir de sélectionner les naissances.” 

Les généticiens estiment qu’on leur fait là un procès d’intention alors que pour eux, le diagnostic prénatal est, comme pour l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), un moyen d’améliorer l’état de la santé ou, en cas de problème, une aide à la prise de décision, qui ne peut être contraignante pour les parents: poursuivre la grossesse, se préparer à un accouchement difficile et à des soins néonataux ou mettre fin à la grossesse en toute légalité dans de bonnes conditions sanitaires et psychologiques.

Nous voilà donc devant des questions difficiles que résumait ainsi, il y a quelques années déjà, le professeur Léon Cassiers (3) : “Devons-nous encourager les jeunes à établir leur cartographie génétique et celle de leur partenaire avant qu'ils ne procréent ? L'État peut-il encourager, voire imposer un tel dépistage sans risque d'eugénisme ? Faut-il étendre aux couples à risques, cependant normalement féconds, la fécondation in vitro qui permet de sélectionner les embryons non atteints ? Faut-il multiplier les diagnostics anténataux et pour quelles maladies lorsqu'on sait que la présence de celles-ci se solde presque toujours par un avortement face à notre impuissance thérapeutique ? Quels sont les handicaps acceptables et ceux qui ne le sont pas ? Quel est le devenir d'une société qui élimine dès avant la naissance tout risque de handicap, et plus encore quel serait le sort des handicapés accidentels dans une telle société ? Cette sorte d'eugénisme privé, sur base de normalité médicale objective, risque-t-elle de saper la solidarité sociale envers les faibles et les malades?”

// Christian Van Rompaey

 

(1) Danielle Moyse. “Le diagnostic prénatal, quelle sécurité ?” Revue Projet n°293-2006.

(2) Jean-François Mattéi. “Les droits de la vie”. Odile Jacob, 1996. 

(3) Léon Cassiers. Etienne Vermeersch. “Hérédité. Tests génétiques et société”. Collection De Boeck Université 2001.

 

Pour en savoir plus…

► Un débat sur les enjeux du diagnostic prénatal

Le samedi 8 mai, de 9h30 à 13h, le diagnostic prénatal fera l'objet d'un débat organisé par Altéo. Christian Van Rompaey, ancien rédacteur en chef d'En Marche et Président de la Commission éthique d'Altéo proposera une réflexion éthique sur ces pratiques devenues routinières. Ce débat aura lieu à la Mutualité chrétienne du Hainaut oriental - rue du Douaire 40 - Anderlues – Prix : 3 EUR.

Réservation : 071/54.84.33 • martine.durieux@mc.be

 

► Deux brochures d'Infor Santé

Infor Santé a publié deux brochures intéressantes. La première intitulée “Informer mon médecin de mon projet de grossesse” sensibilise les futurs parents à l'importance de prévoir une consultation préventive avec leur médecin pour faire le point sur divers aspects de la vie (tabagisme, maladies antérieures, médicaments, activité professionnelle, antécédents familiaux, …) et prendre connaissance de l'éventail des recommandations destinées à la future femme enceinte.

La seconde est entièrement consacrée au dépistage prénatal. Elle explique en quoi il consiste exactement, quelles maladies incurables peuvent être décelées et quelles sont les limites des tests. Un calendrier du suivi prénatal est également présenté.

Ces deux brochures sont disponibles en appelant gratuitement le 0800 10 9 8 7. Elles peuvent être obtenues par mail à infor.sante@mc.be ou téléchargées sur le site www.mc.be (rubrique publications).

 

Du point de vue
des personnes handicapées

Alors qu’on parle tant d’égalité et de solidarité, beaucoup de personnes handicapées ont le sentiment d’être parfois considérées comme des “erreurs médicales”. C’est le constat des auteures d’une enquête sur le dépistage prénatal, vu du point de vue des personnes handicapées. (1)

Dans le débat sur le diagnostic prénatal, les personnes handicapées sentent monter beaucoup de violence à leur égard. Comment pourrait-il en être autrement quand on voit que l’on peut, comme à Reims (France), indemniser des frères et sœurs pour avoir eu un petit frère trisomique… Toute imperfection physique et mentale deviendrait-elle de moins en moins supportable ? Des personnes handicapées finiraient par croire qu’elles seraient “indignes de vivre”, assimilant ainsi le point de vue de la plupart des valides. S’il est préférable de ne pas naître plutôt que de naître handicapé, alors, disait Michel Petrucciani, grand pianiste de jazz, décider “de supprimer son enfant atteint de la même maladie que lui, c’était se tuer lui-même.”

En 1994 déjà, les associations de personnes handicapées de divers pays, rassemblées à Bruxelles déclaraient : “C’est à nous, personnes handicapées atteintes de ces affections que certains suggèrent d’éradiquer génétiquement, qu’il appartient de diriger le débat.” Aujourd’hui, il faut bien reconnaître qu’on demande très peu leur avis.

Il apparaît que peu de personnes handicapées sont prêtes à accepter toute forme de sélection prénatale…  tout en refusant cependant de “juger” les familles qui ne sont pas prêtes à accepter la naissance d’un enfant handicapé. Le reproche le plus souvent entendu, selon les auteures de l’enquête déjà citée (1), ne semble pas être “tant la réprobation ou l’approbation des techniques de sélection prénatal (…) mais plutôt le sentiment que l’avis et la volonté des principaux intéressés ne sont jamais pris en compte dans les débats relatifs à la question de savoir si vivre avec un handicap fait perdre son sens à la vie.”

Les personnes handicapées reconnaissent les difficultés de ce choix, tant les pressions sociales sont fortes et diverses, même si chacun a en principe le libre choix. Elles connaissent bien toutes les difficultés du handicap:  précarité financière, état de dépendance, manque de respect, difficultés d’insertion dans le travail, inaccessibilités… Mais elles ne peuvent se résigner à penser que la sélection prénatale “apparait comme la seule voie possible” alors qu’on n’a pas encore tout essayé du côté de la solidarité nationale.

// CVR

 

(1) “Le dépistage prénatal des anomalies soumises à l’appréciation des personnes handicapées”. Nicole Diederich, Danielle Moyse. La lettre de l’enfance et de l’adolescence 2008/3, n°73.

 

Une commission éthique
Une commission éthique a été mise sur pied, l’an dernier, au sein d’Alteo, mouvement social des personnes malades, valides et handicapées, avec pour objectif d’éclairer les prises de positions du mouvement sur les grandes questions éthiques qui se posent dans le monde de la santé ainsi que sur les pratiques du mouvement dans ses activités. Elle travaille, entre autres, sur le diagnostic prénatal, la vie sexuelle, relationnelle et affective des personnes handicapées, le bonheur et le handicap, la relation éthique et foi chrétienne.

La commission éthique est un lieu de réflexion alimenté par la rencontre avec celles et ceux qui souhaitent partager leur expérience de vie.

>> Contact : Christian Van Rompaey, Président de la Commission éthique:

     cvr@tvcablenet.be ou secrétariat Alteo : 02/246.42.21 paloma.urbina@mc.be

 


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