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Ethique (6 juin 2013)

Faut-il élargir la loi sur l’euthanasie ?

© Philippe Turpin/Belpress

Dix ans après avoir été adoptée, la loi sur l’euthanasie revient en commission du Sénat avec cette question : “Faut-il étendre la loi aux enfants mineurs et aux personnes démentes ?” La question n’est pas neuve. Mais on disait, alors, que “les esprits n’étaient pas mûrs”.

Il ne s’agit pas de reprendre à zéro le débat qui avait fait se rencontrer médecins, juristes éthiciens, universitaires, personnes de la société civile, pendant deux ans, avant de laisser la place aux responsables politiques pour légiférer. Aujourd’hui, plus de dix propositions de loi ont été déposées en faveur d’un élargissement de la loi. Les unes concernent les situations de démence ou de diminution grave des fonctions cérébrales. Les autres proposent d’étendre la loi actuelle aux mineurs.

Changement de registre

Le professeur Léon Cassiers, président du Comité consultatif de bioéthique en 1998, mettait déjà en garde : “En voulant étendre la loi, on change totalement de registre…” Ce n’est plus le patient qui demande à mourir. Ce sont des tiers (famille, amis, proches…) qui seront amenés à juger si la vie du malade, au vu de ses souffrances, vaut encore la peine d’être prolongée. N’est-ce pas alors aller à contre-sens de la loi actuelle qui exige, entre autres, que la demande d’euthanasie soit une demande “volontaire, réfléchie et répétée sans pression extérieure”?

Les actuelles propositions des parlementaires tentent de répondre à de vraies situations, rares et difficiles sans doute, mais qui interpellent. Au vu de toutes les dérives possibles, les questions et les réticences sont nombreuses. Il est important de savoir de qui et de quoi on parle. A partir de quel moment dira-t-on qu’une personne est démente ? Comment apprécier la capacité de discernement d’un mineur? Qui va décider pour des enfants en néonatalogie ou en bas âge? Jusqu’où ira-t-on si on étend la loi à des situations singulières? Est-il indispensable de légiférer? N’existe-t-il pas, avant d’envisager l’euthanasie, des voies alternatives pour soulager un patient en fin de vie, comme le soulignait le comité éthique du Réseau Santé Louvain dans un document de réflexions élaboré en 2010(1) ?

La délicate situation des mineurs

Au vu de la loi actuelle qui limite l'ouverture du droit aux personnes juridiquement capables, les mineurs (sauf les mineurs émancipés), ne peuvent pas introduire une demande d’euthanasie. Or, il arrive que, face à des douleurs inapaisables, des soignants administrent des substances létales qui accélèrent le décès. Cette pratique avérée depuis 2001, même si elle ne concerne que de rares cas, est confirmée aujourd’hui par diverses enquêtes. Le médecin ou l’équipe médicale seraient-ils seuls juges de la situation en acceptant de poser un acte dont le seul motif de défense devant la justice serait l’état de nécessité? Non répondent des parlementaires qui proposent dès lors de fixer un cadre légal afin d’autoriser la pratique d’euthanasie sur des mineurs. Pour pouvoir exprimer cette demande, le mineur devrait être capable de discernement, c’est-à-dire pouvoir juger raisonnablement de ses intérêts.

Cette notion est déjà présente dans la loi relative aux droits des patients, rappellent plusieurs propositions de loi : “Suivant son âge et sa maturité, le patient est associé à l'exercice de ses droits…”. Ce qui signifie qu’il doit être tenu compte de l'avis des mineurs en matière de décisions médicales. Dès 2003, l’Ordre des médecins soulignait que “du point de vue déontologique, l'âge mental d'un patient est plus à prendre en considération que son âge civil”. La capacité de discernement du mineur devrait être attestée par un pédopsychiatre ou une expertise similaire pertinente. La demande d’euthanasie serait confirmée par ses représentants légaux.

Les questions sont nombreuses. Ne faudrait-il pas favoriser en premier lieu le dialogue parents-enfants-soignants? Quelle place laisser aux parents? Ont-ils un droit de recours? Comment s’assurer de la qualité de l’expertise? Faut-il étendre la loi sur l’euthanasie ou peut-on s’en tenir à la loi sur les droits des patients? Est-ce la loi qui doit trancher?

N’y a-t-il pas un risque, en acceptant l’élargissement de la loi, d’ouvrir une extension sans fin à de nombreuses situations? Est-il possible de légiférer, c’est-à-dire de donner un avis définitif, dans des situations limites et singulières?

Ainsi, il serait difficile de justifier la limitation de recourir à l’euthanasie aux mineurs capables de discernement et de la refuser aux mineurs non émancipés qui, en phase terminale, souffriraient atrocement. La proposition de créer un cadre légal en dehors de la loi sur l’euthanasie – le patient ne pouvant prononcer une demande éclairée comme la loi l’exigerait – est-elle une solution ou un tour de passe-passe écornant la loi actuelle sur l’euthanasie?

Anticiper la dégénérescence mentale

Dans l'état actuel des choses, la loi n'est pas applicable non plus aux personnes majeures mais incapables d'exprimer leur volonté. C’est pour elles qu’a été prévue la déclaration anticipée de volonté. Celle-ci permet à quiconque, au moment où il est capable d'exprimer sa volonté, de demander un recours à l’euthanasie pour le jour où il est atteint d’une affection grave et incurable, et ne peut plus exprimer sa volonté.

Aujourd’hui, cette déclaration anticipée doit être renouvelée tous les cinq ans. D’aucuns souhaitent une extension illimitée dans le temps de la validité de cette déclaration. Comme un testament, elle serait toujours valable tant qu’on ne le modifie pas. La proposition semble d’une grande simplicité. Elle permet sans doute de garder la maîtrise de son existence pour le jour où l’on n’en sera plus capable. Mais entre le moment où l’on a rédigé cette déclaration et le temps où la maladie apparaît, cet avis peut avoir évolué. Et surtout, la démence, que cette déclaration anticipée est censée nous épargner, ne connaît peut-être pas l’angoisse de la mort que nous cherchons à éviter. Elle n’est peut-être pas une souffrance dans le sens où la loi sur l’euthanasie la définit.

La “déclaration anticipée” reste cependant la meilleure façon de donner des indications à ceux qui nous entourent pour le jour où nous ne pourrons plus exprimer clairement notre volonté. La difficulté réside alors dans la détermination de l'état exact du malade. Les neurosciences peuvent-elles identifier de manière parfaitement claire les différents stades de la dégénérescence? Les politiques restent très prudents et réservés sur cette question. Car il faut que soit garantie la sécurité des personnes les plus vulnérables.

A qui le pouvoir sur la fin de vie ?

Concevoir qu’une personne puisse disposer d’un “pouvoir de fin de vie” sur une autre personne, un enfant comme toute autre personne, suscite un trouble certain.

En fin de vie, ce qui compte, c’est en priorité le devoir d’accompagnement du patient jusqu’à son terme. Le jour même où a été adoptée la loi sur la dépénalisation de l’euthanasie, le Parlement promulguait également la loi sur les soins palliatifs. Cette symbolique est forte. Mais dans les discussions, d’hier et d’aujourd’hui particulièrement, la possibilité de recourir aux soins palliatifs ne semble pas suffisamment entendue.

Par ailleurs, s’il est important que les personnes handicapées ou démentes aient le droit de mourir accompagnées, ne faudrait-il pas aussi s’engager à ce que toutes les personnes dites vulnérables puissent jouir des mêmes droits que tout un chacun dans la vie quotidienne? Tant que le regard de la société sur l’humanité des personnes handicapées, âgées ou démentes ne sera pas plus positif, l’élargissement de l’euthanasie restera pour elles une menace potentielle.

// CHRISTIAN VAN ROMPAEY

(1) Réflexions éthiques de la commission éthique du Réseau Santé (UCL) sur l’extension de la législation relative à l’euthanasie à diverses situations de personnes incapables (2010).

Recourir à la sédation ?

Nous disposons de soins palliatifs performants et, en cas de souffrance intense et rebelle, affirment les évêques de Belgique, nous pouvons encore faire appel, en dernier recours, à la sédation”. De quoi s’agit-il ?

Dérivée de l’anesthésie, la sédation consiste à recourir à des médicaments pour soulager la douleur lorsque tout espoir de guérison ou d’amélioration doit être abandonné. Cela peut aller jusqu’à la perte de conscience ou même au coma artificiel (auquel on a recours dans certaines anesthésies).

Dans le cadre des soins palliatifs, l’objectif est de réduire la souffrance vécue comme insupportable par le malade, quand – et seulement quand – tous les autres moyens, supposés efficaces pour soulager cette souffrance, ont déjà été mis en œuvre mais sans résultat. La sédation n’est qu’un des nombreux moyens disponibles pour soulager les patients en fin de vie : “Nous n’avons pas les moyens d’empêcher le patient de mourir, nous avons les moyens qu’au moment de mourir, il souffre moins. Nous sommes dans un cadre médical(1). S’agissant d’une technique d’anesthésie, il est possible de moduler la profondeur du coma induit selon les médicaments utilisés et/ou les doses employées. En soins palliatifs, la sédation ne vise pas des niveaux de coma aussi profonds que l’anesthésie générale. Elle est toujours réversible. Son recours est exceptionnel dans le cadre des soins palliatifs.

Le respect exigeant de critères de bonne pratique permet, seul, de distinguer la décision de sédation, geste médical visant à soulager, d’une décision d’euthanasie(1). Lorsque, considérant que la mort est devenue inévitable, on pose un geste d’euthanasie, on ne cherche pas – en priorité – à soulager le malade mais à mettre un terme à cette situation. On sort là du cadre médical. “La frontière entre sédation et euthanasie, lit-on dans la revue d'éthique biomédicale Laennec(2), devient effectivement ténue lorsque le médecin abandonne son objectif médical, qui est d’abord de soulager, au motif que l’on se trouve très près de la mort et qu’un petit peu plus ou un petit peu moins de vie… cela ne change pas grand-chose”.

//CVR

(1) La Société française d’Accompagnement et de soins Palliatifs (SFAP) a publié en 2009 des recommandations visant à guider les médecins dans leur pratique.

(2) “La sédation en fin de vie”, Sylvain Pourchet et Dominique Poisson, Centre Laennec – 2010/2.

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