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Les services d’urgences au jour le jour

(15 janvier 2004)

 

Dans la plupart des hôpitaux en Belgique, les services d’urgences sont engorgés. Derrière ce problème structurel, une réalité humaine difficile à gérer pour les patients comme pour le personnel soignant. Dr Haddad, Médecin responsable des urgences et Vincent Loncke, Infirmier chef des urgences de la Clinique Notre-Dame de Tournai nous font partager les problèmes rencontrés au quotidien.
Lire également ci-dessous :
Le forfait d’urgence, une fausse solutionVous avez dit urgent ? ou les fausses urgences...

Selon vous, pourquoi les urgences sont-elles engorgées?

Docteur Haddad :
Pour les gens, il est plus facile d’avoir un accès rapide à un médecin, un spécialiste, un examen ou une radiographie en allant aux urgences. S’ils veulent prendre rendez-vous chez certains spécialistes, ils doivent parfois attendre des délais très longs. Aux urgences, nous essayons de trouver une solution à leur problème.
Vincent Loncke :
La population veut être soignée de plus en plus vite et passe moins par le médecin généraliste. Mais les gens ne semblent pas se rendre compte qu’aux urgences, ils vont devoir attendre parfois plusieurs heures avant d’être pris en charge.

Quel problème cela pose-t-il ?
V. L. : Les cas graves sont de toute façon prioritaires. Les patients sont parfois énervés d’avoir attendu longtemps, par exemple, pour une simple radio. Ils oublient qu’à côté de l’acte technique, il y a l’avis et la consultation du médecin et parfois beaucoup de papiers à remplir.
Dr. H. : On a appris à gérer pas mal de situations dans notre formation. Nous soignons nous-mêmes tous les cas possibles. C’est à nous de juger du degré d’urgence et de décider si le patient doit voir un spécialiste le jour même ou plus tard.
Il est parfois difficile pour le public d’avoir accès à un généraliste le soir ou le week-end…
V.L. :
C’est parfois vrai pendant les congés mais je ne pense pas que l’engorgement soit grandement lié à la disponibilité des généralistes. Je pense que ceux-ci essayent de s’organiser pour assurer des gardes. Quels sont les différents types d’urgence?
Dr. H. : Cela va du plus grave - réanimation, polytraumatisé - au plus léger. Dans notre hôpital la majorité des cas que nous recevons ici peuvent êtres soignés par un généraliste. Le reste, ce sont des petites traumatologies, de la pédiatrie…

Les urgences pédiatriques vous occupent-elles beaucoup ?

Dr. H. :
Oui. Chez nous, presqu’un quart des urgences sont pédiatriques. La majorité des cas pourraient être traités par un généraliste. Parfois, pour un peu de température, les parents s’alarment. Ils ont pris l’habitude de venir ici parce qu’ils savent y trouver un pédiatre.
V. L. :
Nous connaissons des pics de fréquentation le week-end peut-être parce que les parents n’arrivent pas à joindre le pédiatre, qu’ils ne sont pas passés par le généraliste et que c’est le moment où ils sont le plus libres pour consulter. Ils veulent que leur problème soit réglé pour le lundi.
Et les urgences psychiatriques…
V.L. :
Nous voyons des problèmes liés à l’alcool, à la dépression, aux maladies psychiatriques. Ces gens ne choisissent pas toujours de venir d’eux-mêmes. C’est souvent sur insistance d’un proche ou du médecin traitant. Là, nous faisons appel au psychiatre de garde qui décide de l’hospitalisation. Nous voyons de plus en plus de patients avec des problèmes psycho-sociaux : des gens sans repère, sans domicile, victimes de violence conjugale, sans liens familiaux … Tout cela engendre des détresses. Nous ne pouvons pas parler de pathologies psychiatriques proprement dites mais on sent un flottement social. Ces personnes ont besoin de repères, d’être aidées via des assistantes sociales ou des psychologues.
Comment définir ce qu’est une urgence ou ce qui ne l’est pas ?
V.L. :
C’est difficile à dire. Pour les gens, c’est toujours urgent : ils ont mal, ils veulent être soulagés et rassurés. Évaluer la gravité n’est pas toujours à leur portée mais souvent à celle de leur médecin traitant. Comment peut-on désengorger les urgences ?
Dr. H. : C’est une question des changement de fonctionnement dans l’offre de soins et de mentalité dans la population. Je ne sais pas si c’est possible.Connaissez-vous des problèmes de violence ou d’agressivité ?
V. L . : Ce phénomène est, en grande partie, en lien avec l’usage d’alcool ou de drogue. Ce qui est fréquent dans notre région le week-end, vu la proximité des discothèques. Ce sont surtout ces pathologies là qui engendrent l’agressivité. Il y a aussi l’agressivité liée au temps d’attente. Certains ne le supportent pas. Il faut essayer de les rassurer sur leur séjour, de les informer sur les raisons et le temps d’attente et de leur expliquer la réalité des urgences.
Votre métier demande beaucoup de qualités à la fois techniques et humaines. Quelles sont les plus grandes difficultés que vous rencontrez ?
Dr. H. : C’est le manque de lits. Nous essayons de soigner les gens et de les diriger dans le service adéquat mais quand ce service est également complet, nous avons du mal à ‘caser’ nos malades. Nous avons 4 lits d’hospitalisation provisoires et la plupart des gens attendent dans les couloirs qu’une place se libère aux étages ou dans un autre hôpital. C’est très difficile à gérer . Nous avons aussi beaucoup de travail administratif à assurer. Nous avons rarement le temps d’être à l’écoute des gens et ça, c’est frustrant.
V.L. :
Nous devons faire face à une surcharge de travail difficile à gérer. Un autre problème est aussi le manque de personnel dû au sous-financement et à l’absence de reconnaissance des services d’urgences.
Quels sont vos ‘trucs’ pour diminuer le stress?
Dr. H. :
En 15 ans de métier, j’ai appris à gérer le stress avec le temps et l’expérience. Les personnes qui n’arrivent plus à le gérer disjonctent et ne restent pas dans le service.
V.L. : Il faut essayer de garder son calme, être patient, relativiser les difficultés.

Qu’est-ce qui vous a amené à faire ce métier ?
Dr. H. : Au départ, je suis gastro-entérologue mais j’ai suivi par la suite une formation d’urgentiste. A l’hôpital, je travaille aux urgences et en privé, j’exerce mon métier de gastro-entérologue. J’ai choisi les urgences parce que les cas sont variés et j’aime cette multitude.
Conseilleriez-vous ce métier à d’autres ?
Dr. H. : Oui, c’est un métier intéressant et enrichissant. Il faut donner beaucoup de soi et de son temps. Les relations y sont très importantes que ce soit avec les patients ou avec le personnel soignant.
Quels sont vos plus beaux moments?

V. L. :
C’est quand on arrive à sauver une vie. C’est la plus belle des choses mais c’est assez rare parce que les cas d’arrêt cardiaque ou de grand traumatisme ne sont fréquents chez nous. Le reste des satisfactions est d’avoir répondu aux souhaits des gens dans la mesure de nos moyens.
Dr. H. : J’aime beaucoup soigner les enfants. Lorsqu’on peut soulager un enfant qui s’est luxé le coude, quelle joie de le voir à nouveau bouger son bras. Comment décririez-vous l’ambiance de travail ?
V. L. : Une ambiance assez tendue où il faut prendre beaucoup d’initiatives. Le travail est assez décousu de par la notion d’urgence. Nous ne savons pas prévoir si ça va être une journée difficile ou non, ce qui rend ardue la gestion du personnel. Aujourd’hui, par exemple, le service est bondé. Il y a peu d’urgences pédiatriques mais un manque cruel de lits. Nous nous retrouvons avec 10 patients en attente d’être hospitalisés. Et nous avons dû transférer 2 patients vers d’autres institutions. C’est une journée difficile.

Ça ne se passe donc pas comme dans la série télé ‘Urgences’ ?

Dr. H. :
Effectivement, cette série ne reflète pas la réalité. Tout y est exagéré. Il n’y a pas autant de spécialistes ni de médecins sous la main.
V. L. :
Dans la série, ils ne montrent que ce qui est dramatique mais dans nos services, il y a aussi beaucoup de ‘bobologie’ comme on l’appelle.

Après les urgences, gardez-vous un contact avec vos patients ?

Dr. H. :
Nous demandons parfois des nouvelles de certaines personnes mais nous n’avons pas le temps d’aller les voir. Il arrive que les malades repassent par les urgences pour remercier le personnel soignant qui s’est occupé d’eux. Cela nous fait plaisir !

Propos recueillis
par Sylvie Bourguignon

 

Le forfait d’urgence, une fausse solution

 

Depuis près d’un an, les services d’urgences des hôpitaux ont la possibilité de réclamer aux personnes qui s’y présentent une contribution de 12,50 euros dans certaines conditions. Explications et premier bilan.

 

Depuis le 1er mars 2003, les services d’urgences des hôpitaux ont la possibilité de demander un ticket modérateur supplémentaire de 12,5 euros aux patients qui s’y présentent (1). Chaque hôpital est libre d’appliquer ou non cette disposition mais l’Arrêté royal précise qu’aucune contribution financière ne peut être réclamée lorsque le patient est admis aux urgences par l’intermédiaire d’un service d’aide médicale urgente, par le biais des services de police ou lorsqu’il a été envoyé par un médecin. Il en va de même lorsque le patient est admis à l’hôpital pour au moins une nuitée, en hospitalisation de jour ou en observation pendant 12 heures au moins.Le ministre des Affaires sociales, (à l’époque Franck Vandenbroucke), justifiait la mesure en ces termes : “Les services de garde ne sont pas un night shop et le médecin généraliste est la première personne à qui il convient de s’adresser en cas de problèmes de santé. Cette mesure devrait permettre aux services d’urgences de se concentrer sur leur véritable mission, à savoir traiter les problèmes urgents auxquels le médecin généraliste ne peut apporter de solution” (2).

 

Une mesure efficace?

Au départ de cette mesure, un constat: les services d’urgences des hôpitaux sont engorgés. En cause: le nombre croissant de patients qui s’adresseraient “de manière injustifiée” aux urgences (voir article ci-contre: “Vous avez dit urgent”?).
Cet engorgement avait déjà incité certains hôpitaux à réclamer un ticket modérateur supplémentaire de 25 euros. Le ministre était en désaccord avec le montant proposé et la façon “aveugle” de le percevoir. D’où la décision d’autoriser les hôpitaux à percevoir 12,50 euros dans des conditions strictes.
“Laisser les établissements hospitaliers décider d’appliquer ou non cette mesure constitue un piège pour eux”, fait remarquer Thérèse Trotti, Secrétaire de la FNAMS qui regroupe 11 hôpitaux associatifs privés. “La concurrence est parfois telle sur le terrain qu’il n’est pas possible de décider la perception de cette quote-part supplémentaire. En fait, le gouvernement transfère le problème du sous-financement des services d’urgences sur les gestionnaires en leur refilant la responsabilité de faire payer davantage les patients. Il faut apporter un financement spécifique aux services d’urgences. Et il faut aussi mener une réflexion en amont pour revaloriser la médecine de première ligne si l’on veut désengorger ces services”. A l’annonce de la mesure, de nombreux hôpitaux avaient d’emblée annoncé leur refus catégorique de percevoir un tel forfait, de crainte notamment que cette pratique n’entraîne une discrimination entre les patients capables de payer cette somme et ceux qui ne le sont pas. D’autres hôpitaux étaient hésitants et y ont renoncé pour éviter la gestion de problèmes pratiques: difficulté de faire le tri entre les urgences justifiées ou non sur base de critères somme toute assez flous, risque accru de contentieux après facturation… Quant aux hôpitaux qui facturent ce forfait, ils disent le faire moins dans un but de dissuasion des “fausses urgences” (ils doutent d’un effet significatif à ce propos) que pour compenser le sous-financement du secteur des urgences (les services de garde ne sont pas financés par l’INAMI) et les mesures d’économies qui lui ont été imposées.
“Concrètement, près d’un hôpital sur deux (49 % soit 57 sur 116) applique ce forfait d’urgence”, constate David Liénard, du département “Recherche et Développement” de l’Alliance nationale des Mutualités chrétiennes. “Mais les différences régionales sont importantes: 80 % des hôpitaux l’appliquent en Flandre contre 15 % à Bruxelles et seulement 8 % en Wallonie!”…
Quant à savoir si ce “forfait d’urgence” a un impact sur la fréquentation des services d’urgences, aucune donnée scientifique ne permet jusqu’ici de tirer des conclusions précises. D’après les informations fournies par plusieurs gestionnaires d’hôpitaux, il semble que l’effet d’annonce de la mesure dans les médias ait entraîné de manière globale un léger tassement du recours aux urgences, et ce, indépendamment de son application sur le terrain…

JD

 

(1) Arrêté royal du 19 février 2003 relatif à la contribution forfaitaire qui peut être réclamée aux patients se présentant dans une unité de soins d’urgence d’un hôpital. Publication au MB du 28 février. Cette contribution forfaitaire ne remplace pas les quote-parts réclamées pour les honoraires des médecins et les actes techniques éventuels.

(2) Extrait du communiqué de presse du ministre Vandenbroucke - 16 octobre 2002.


 

Vous avez dit urgent?

 

“Les services d’urgences sont envahis de fausses urgences”. Derrière ce lieu commun se jouent en réalité de nombreuses situations tout en nuances. Réflexions croisées.Les services d’urgences hospitaliers enregistrent depuis 20 ans une augmentation continue de leur activité. En Belgique, une étude du Collège des médecins spécialistes en soins d’urgence fait état d’une augmentation de 36 % sur la période 1996-2000 pour un total d’environ deux millions de passages en 2000. Mais cette augmentation s’est faite dans un contexte de fermeture d’hôpitaux, d’une diminution de lits aigus, d’une baisse de la durée moyenne de séjour à l’hôpital, d’un renforcement de l’hospitalisation de jour, d’une diminution des consultations et visites des médecins généralistes durant le nuit et le week-end (4 % de l’activité de médecine générale) et de l’apparition d’une spécialité en médecine d’urgence. Un contexte qui explique donc “le succès” des services d’urgence tout en relativisant l’ampleur de la croissance des passages aux urgences. “Les services d’urgences voient de plus en plus de patients pour des motifs médicaux dont la proportion augmente au détriment des patients consultant pour des motifs chirurgicaux et traumatologiques”, explique Jean-Bernard Gillet du service des urgences aux Cliniques universitaires de Mont-Godinne (1). “Ces motifs médicaux sont souvent le fait de symptômes dont l’origine est mal perçue par le patient ou de pathologies intriquées, complexes, à forte composante psychosociale dont la prise en charge par une seule spécialité semble inadéquate. D’autre part, les usagers fréquents des services d’urgence représentent une part importante et croissante des passages. Ils sont caractérisés par une fragilité socioéconomique importante et un plus grand nombre de co-morbidités incluant les problèmes d’alcoolisme”. Et de poursuivre: “On remarque aussi que les patients admis dans les services d’urgences sont de plus en plus âgés et de plus en plus démunis. Enfin, de nombreuses études, particulièrement en milieu urbain, montrent le rôle croissant que prennent les services d’urgences dans l’accès aux soins de première ligne. Entre 5 et 30 % des patients se présentant spontanément en salle d’urgence relèvent de la médecine générale, selon un examen a posteriori”. Pour J.B. Gillet, il faut relativiser ces derniers chiffres car il n’y a de petite urgence qu’a posteriori. “En définitive, l’activité de médecine générale dans les services d’urgence représente une part négligeable de l’activité de médecine générale mais une part significative (15 %) de l’activité de garde”, précise-t-il. (2).Les médecins urgentistes confirment être pris au piège d’une charge croissante de travail en dehors des heures ouvrables pour une activité médicale parfois très éloignée des pathologies de l’urgence auxquelles ils croyaient s’être destinés. Il est vrai que les urgences vitales ne représentent en effet qu’une très faible proportion de l’activité du service d’urgences.Dans les faits, plus d’une urgence sur trois concerne un enfant (ou un adolescent) et le taux d’accroissement annuel de ces urgences pédiatriques est trois fois supérieur à celui des urgences adultes. Il y a donc là un problème spécifique que le groupement belge des pédiatres francophones (GBPF) regrette d’ailleurs ne jamais voir évoqué en particulier par les responsables politiques. “Les services d’urgences jouent le rôle de centre de consultations pour de plus en plus d’enfants et le pédiatre hospitalier devient alors leur médecin traitant. Il n’est cependant plus possible de laisser se poursuivre cet accroissement, dit-il. Le GBPF reconnaît toutefois que la position que les pédiatres peuvent revendiquer dans l’organisation future des soins de santé dépend en grande partie de l’investissement qu’ils sont disposés à fournir à la fois dans les services d’urgences et dans la médecine de première ligne avec leurs confrères généralistes… Un large débat dans lequel nous n’entrerons pas ici.

Le patient coupable?

On tente souvent de culpabiliser le patient lorsqu’il consulte à l’urgence pour un motif qu’on juge inapproprié”
, explique Pierre Bauche, Secrétaire scientifique du GBPF dans l’introduction d’un document consacré à la gestion des urgences pédiatriques en Belgique (3). “Pourtant, la plupart des patients qui se rendent aux urgences estiment que leur condition nécessite des soins urgents ou n’ont tout simplement aucun autre accès aux soins médicaux. Bien sûr, dans une bonne proportion des cas, il ne s’agit pas d’une condition réellement urgente. Mais peut-on reprocher au patient de ne pas disposer de connaissances suffisantes pour procéder à cette distinction de manière éclairée, alors que même les professionnels de l’urgence ne s’entendent pas sur la notion de visite appropriée? Le client de l’urgence n’a pas à assumer le fardeau de la preuve de la nécessité de sa visite. C’est l’équipe de l’urgence qui doit procéder à une évaluation de la condition et le cas échéant, assumer la responsabilité de diriger ce patient vers des ressources plus appropriées à sa condition”. On reproche aussi à une partie de la population de se rendre aux services d’urgences par facilité, ceux-ci étant accessibles de manière directe et permanente. Mais la majorité des personnes qui se rendent aux urgences ne cherchent pas là une médecine de confort. Ils ne s’y rendent pas par plaisir. L’attente y est généralement longue, le climat peu agréable, voire angoissant. Cela étant, il est évident que l’accessibilité permanente des services d’urgences participe à leur succès dans une société de plus en plus pressée par le temps, impatiente, exigeante. L’image médicale positive véhiculée par ces services renforce encore ce succès. En (sur)valorisant le milieu hospitalier, des séries télévisées comme “Urgences” jouent certainement un rôle dans le recours accru aux services d’urgences.

Deux pôles

Pour Sylvie Carbonelle, socio-anthropologue et professeur à l’ULB, les controverses autour du tri des patients entre “vraies” et fausses” urgences sont révélatrices d’un paradoxe inhérent aux vocations qui leur sont socialement reconnues (4). Celles-ci oscillent en effet entre deux pôles relativement contradictoires. D’un côté, le service d’urgence doit être médicalement et techniquement performant pour pouvoir sauver des vies humaines. De l’autre, il doit accueillir toute personne qui y adresse sa souffrance (qu’elle soit corporelle ou mentale, aiguë ou diffuse, qu’elle date hier, d’avant-hier ou d’aujourd’hui). Cette ambivalence des urgences se rapporte à l’histoire même des hôpitaux dont la mission première au moyen âge consistait en l’accueil des pauvres. Les hôpitaux de charité, les hôtels-dieu étaient ouverts à un ensemble de demandes hétéroclites émanant de personnes cherchant refuge. Les services d’urgences continuent aujourd’hui d’incarner ces deux logiques, ce qui provoque tensions, tiraillements et conflits entre patients impatients et équipes soignantes mais également au sein des équipes elles-mêmes qui doivent effectuer un premier tri à l’entrée et établir un rang de priorité qui évolue au fur et à mesure de l’arrivée des nouvelles demandes… Pour éviter le risque d’opacité, d’arbitraire et de conflit auxquels les services sont exposés, Sylvie Carbonelle plaide pour un large débat de société sur le sens à donner aux urgences dans l’hôpital et plus largement dans la cité. Car une réflexion sur les services d’urgence ne peut se faire sans intégrer celle sur l’échelonnement des soins et la revalorisation de la médecine générale. Des mesures ont déjà été prises pour prendre en compte la problématique des services de garde par les médecins généralistes: introduction d’un honoraire de disponibilité par 24 heures de garde durant le WE, soutien financier des cercles de médecins généralistes qui doivent organiser les services de garde… Ces mesures ont des accents positifs, encourageants mais insuffisants. Le ministre Rudy Demotte a en tout cas bien l’intention de poursuivre avec les partenaires de la santé la réflexion à la fois sur les urgences et sur la revalorisation de la médecine générale. Wait and see, comme on dit…

Joëlle Delvaux

(1) “Les services d’urgences au carrefour des problèmes éthiques” J.B. Gillet - Dans le n° 31 de la Revue Ethica Clinica consacré au même sujet - septembre 2003 - Rens.: 081/32.76.60.
(2) “Les fausses urgences, un vrai problème? “ JB. Gillet - Dans Hospitals.be, revue de l’association belge des hôpitaux - janvier 2004. Rens.: 02/555.36.34.

(3) “Observations et réflexions sur la gestion des urgences pédiatriques en Belgique - résultats de l’enquête du GBPF”. Voir site http://users.skynet.be/fch/newgbpf/enquetes.htm 

(4) “Une tension entre logique d’accueil et logique de sélection des usagers” S. Carbonelle. Dans “Ethica Clinica” cité ci-dessus (note (1)
.

 

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