Hôpitaux
(19 juin 2008)
Qualité
des soins
et sécurité des patients
Depuis
plusieurs années, la Mutualité chrétienne s’investit dans des projets qui
visent à promouvoir la qualité des soins et la sécurité des patients à
l’hôpital. Des initiatives de qualité sont prises afin d’améliorer la
sécurité des transfusions et la consommation des médicaments, de prévenir
les chutes ou garantir le consentement éclairé des patients.
Il
y a déjà presque dix ans que l’Institute of Medicine des Etats-Unis,
un des plus grands centres de recherche au monde, publiait un rapport
surprenant sur le nombre important de malades victimes de complications de
soins et d’erreurs médicales, dont la gravité pouvait aller jusqu’au décès,
à la suite d’une hospitalisation. Des études menées dans plusieurs pays
occidentaux, y compris en Belgique, confirmaient les ordres de grandeur
américains.
Ces dernières décennies,
les hôpitaux sont effectivement devenus des entreprises de très grande
taille et de très haute complexité. Plusieurs centaines, voire des milliers
de personnes y travaillent avec des équipements souvent complexes et des
produits parfois dangereux. Un seul malade voit plusieurs dizaines de ces
agents au cours d’un seul séjour. Pour coordonner tout cela, il faut
impérativement mettre en place des systèmes de protection et de prévention
des erreurs.
Récemment, la Mutualité
chrétienne était invitée à présenter les résultats de deux “Initiatives de
qualité” lors de la réunion annuelle de l’Association des médecins-chefs
francophones à Durbuy et à la conférence que le Service public fédéral de la
Santé publique organisait à l’intention de tous les hôpitaux du pays.
“L’erreur est humaine”
Oui, mais…
Un infirmier se trompe
de comprimé pendant l’administration des médicaments dans une chambre à
quatre lits. La réaction immédiate est de penser que cela est inacceptable
et que l’infirmier doit être sanctionné sévèrement. “C’est son métier de
veiller à ce que ceci n’arrive pas!”. Sans doute, mais le patient
lui-même dira peut-être: “L’erreur est humaine”. Et il sera souvent
le premier à excuser l’agent de santé, avant même ses collègues de travail.
Mais supposons que l’agent soit puni par une mise à pied de quinze jours et
un blâme dans son dossier. Que va-t-il se passer?
Peut-être l’erreur
provenait-elle d’une erreur d’étiquetage quelque part entre la pharmacie,
l’armoire de garde ou l’unité de soins. Si c’est le cas, tôt ou tard,
l’erreur peut resurgir. Et le collègue qui remplace l’infirmier distrait ne
va peut-être pas la remarquer. Lui-même, à son retour, n’osera peut-être
plus distribuer des médicaments de peur, cette fois, de perdre son emploi.
Il doit donc y avoir
d’autres solutions. Quand une erreur est détectée, nous dit le rapport
américain, il faut d’abord en rechercher les causes. Il
faut interroger les différentes personnes qui ont manipulé ce fameux
comprimé, partout dans l’hôpital, afin d’identifier la source de l’erreur et
mettre en place, avec l’aide du personnel, des mesures préventives et
correctrices : mettre des codes barres sur les flacons, sur les dossiers des
patients, sur les bracelets des patients, penser à un bip-bip de
confirmation afin d’être sûr que le bon médicament arrive chez le bon
patient.
Depuis l’année dernière,
le Service public fédéral de la Santé publique s’est intéressé activement à
cette problématique. En échange d’un support financier, il invitait les
hôpitaux à mettre en place un système de notification des erreurs et des
incidents, à monter des projets de qualité des soins, à analyser les
résultats de leurs soins, à réaliser des enquêtes auprès de leur personnel
sur les situations d’insécurité.
Grâce à son expérience
des Initiatives de qualité réalisée dans le cadre de Solimut, la Mutualité
chrétienne s’est engagée à soutenir les hôpitaux qui le désiraient à
réaliser une partie importante de ces contrats. Une dizaine d’hôpitaux se
sont inscrits dans cette collaboration. Et le Service public fédéral de la
santé, satisfait de voir son action renforcée, acceptait de subventionner
deux projets.
Faire circuler l’information
Le premier projet
consistait à développer dans chaque hôpital le plan d’amélioration de la
qualité des soins et de gestion de la sécurité des patients. Direction,
corps médical, soignants et administratifs ont analysé et recensé tout ce
qui se faisait déjà dans l’hôpital et défini des priorités pour les
prochaines années. Ils ont réfléchi aux moyens de faire circuler facilement
et correctement toutes les informations dans tout l’hôpital.
Qui peut prendre quelle
décision? Qui peut ou doit donner des ordres à qui? Qui doit rapporter à qui
et à propos de quoi? Il faut comprendre en effet qu’il n’est pas toujours
facile pour une infirmière de signaler à un médecin chef de service que tous
les contrôles d’identité d’un patient n’ont pas encore été réalisés avant
une intervention. Pour garantir la sécurité absolue des patients, “Il va
falloir changer quelques mentalités”, comme l’explique Anthony Staines,
cet ancien directeur d’hôpitaux suisses qui, en 2007, terminait une étude
des meilleurs hôpitaux de la planète en matière de qualité et de sécurité
afin d’y apprendre ce qui marchait le mieux (voir ci-dessous).
Eviter la répétition
des erreurs
Le deuxième projet, plus
proche du terrain, vise à éviter la répétition d’erreurs, comme celle de la
distribution de médicament. Pour éviter une deuxième erreur, il faut d’abord
être au courant de cette erreur. La plupart du temps, en cas d’erreur, le
personnel s’empresse certes de la corriger et d’en prévenir les conséquences
néfastes. C’est essentiel. Mais cela ne suffit pas. L’erreur peut encore se
reproduire et il faudra donc à nouveau intervenir pour corriger ses
conséquences. Comment donc pourchasser toutes les erreurs évitables sinon en
mettant au point un système de notification des événements indésirables?
Des groupes de travail
élaborent des programmes afin de gérer tout cela. Ils réfléchissent aux
moyens de rassurer le personnel, aux façons d’éviter les blâmes et les
sanctions contreproductifs, aux formations à donner et au soutien à prévoir
pour les agents déstabilisés par leur propre sentiment de culpabilité.
Le Service public
fédéral suit de près l’avancement des travaux, ainsi que d’autres
partenaires, comme le Réseau Santé Louvain (RSL) ou le Réseau Itinéraires
Cliniques (RIC), qui regroupent chacun 20 à 25 hôpitaux. Plusieurs hôpitaux
des Initiatives de qualité de Solimut font aussi partie de ces réseaux,
démontrant ainsi une attention soutenue à la dynamique de la qualité des
soins.
Dr.
Xavier de Béthune
Coordinateur des Initiatives
de qualité, Solimut
Trois questions à Anthony Staines |
“Il faut permettre au système de soins de s'améliorer
en permanence”
En Marche : Comment expliquer que, selon de nombreuses enquêtes
menées dans divers pays, on doit constater que tant de malades
hospitalisés souffrent de complications et sont souvent victimes
d’erreurs graves ?
Anthony
Staines : Pour comprendre ce phénomène, il faut d’abord prendre
conscience de la complexité des systèmes que sont les hôpitaux.
Lorsqu’un patient est hospitalisé, plusieurs professions différentes
vont intervenir. Les soins fonctionnant 24h/24, il faut plusieurs
individus pour assurer les soins de chaque discipline. Cela
représente un grand nombre de disciplines, de professionnels et donc
de transmissions. Ajoutez à cela des technologies de pointe, des
pratiques en forte évolution et vous avez une image de cette
complexité.
Un projet comme
celui-ci vise à clarifier les rôles de chacun, à mettre en place une
organisation et une rigueur qui s’inspire des systèmes les plus
fiables que l’on peut trouver. Il convient également de développer
une ambiance de travail dans laquelle chacun admet les risques
d’erreur et annonce les problèmes pour que l’organisation puisse
apprendre en les corrigeant. Notre rôle est de soutenir les
responsables de projet qui œuvrent dans les hôpitaux.
E M : La qualité des soins est un objectif assigné des hôpitaux. Vos
recherches ont-elles permis de pointer des initiatives de qualité
plus performantes que d’autres ?
A S : Mes
recherches ont porté sur les programmes d’amélioration de la qualité
les plus performants. Elles ont montré que de tels programmes
peuvent amener de meilleurs résultats en termes de santé du patient.
Cela demande toutefois de la part de l’hôpital beaucoup de
cohérence, de persévérance et de remise en question. Cela prend du
temps, car il faut développer des capacités et une organisation pour
l’amélioration.
En s’immergeant
dans des programmes qualité de haut niveau, on découvre aussi que la
façon de mettre en œuvre les initiatives de qualité est encore plus
importante que les méthodes d’amélioration retenues. En d’autres
termes, bénéficier d’un fort soutien de la direction et du corps
médical donne plus de chances de succès que le choix entre un outil
d’amélioration ou un autre.
E M : Que faire pour que tant d’erreurs ne se reproduisent pas ?
A S : Une
révolution culturelle! Une erreur n’est pas seulement un problème. Elle
est également une occasion d’apprendre, de modifier le
système pour la prévenir et ainsi de s’assurer qu’elle ne se
produira plus jamais. Il faut
viser l’apprentissage organisationnel à partir des erreurs. Cette
culture encouragera chacun à annoncer les erreurs et permettra au
système de s’engager dans l’amélioration permanente. |
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