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Accidents médicaux

Pour obtenir réparation, cherchez l’erreur

Même si les chiffres montrent que les accidents médicaux restent relativement peu nombreux (il y aurait chaque année 4.000 accidents thérapeutiques, y compris ceux non fautifs, sur 80 millions de prestations médicales), il s’agit d’un sujet dont on parle beaucoup dans les médias... Un problème stigmatisé par les difficultés des patients à être entendus.

Alors que dans le passé, on n’osait pas mettre en cause la pertinence de tel ou tel acte médical posé par un médecin, on aurait peut-être tendance aujourd’hui à jeter un œil suspicieux sur l’ensemble de la profession. Pourtant la médecine n’a jamais été aussi pointue. On soigne de plus en plus et de mieux en mieux. Mais des accidents thérapeutiques surviennent et surviendront sans doute toujours, malgré toutes les précautions. Au grand public, il faudrait sans doute rappeler que les médecins n’ont jamais qu’une obligation de moyens, ce que ces patriciens font généralement… lorsqu’un problème survient. Sans doute serait-il sage qu’une information plus complète et plus réaliste se fasse de manière préalable sur les limites de la médecine et sur le fait qu’elle ne maîtrise malheureusement pas l’ensemble des réactions de l’organisme humain face à l’intervention médicale. Cela dit, si une série d’accidents surviennent sans que l’on puisse mettre en cause la responsabilité du médecin, il en est d’autres où le patricien a commis une faute et dans ces cas précis, il est normal d’envisager une réparation dont la mise en œuvre ne va malheureusement pas de soi.

Obtenir gain de cause dans ce genre de procédures relève du parcours du combattant et l’aide des Mutuelles peut dans ce contexte se révéler fort précieuse. Il faut en effet prouver la faute dans le chef du médecin (soit un acte que n’aurait pas commis un médecin prudent et avisé, dans les mêmes circonstances), le dommage, ainsi que le lien de causalité entre ces deux éléments. Pour ce faire, les patients se trouvent généralement confrontés au silence des médecins mis en cause et ne parviennent pas à accéder au dossier médical qui les concerne. Dans leur action en justice, ils devront se faire assister d’un avocat, demander des expertises. Les coûts sont énormes et les procédures, souvent très longues. Tel est l’état de la situation actuelle en matière d’indemnisation.

Devant de telles difficultés, les patients se mobilisent. Des associations de défense se créent, revendiquant davantage de droits pour les patients et une meilleure indemnisation. Le monde politique a entendu cet appel et l’on réfléchit aujourd’hui à plusieurs pistes. Responsabilité sans faute, indemnisation forfaitaire ou amélioration du système existant, notamment sur le plan des assurances (voir ci-dessous) : plusieurs pistes existent qui sont à explorer.

Il s’agit là de solutions juridiques qui certes ont leur intérêt, mais il faut sans doute aussi le dialogue dans la relation de soins. Cela éviterait bien des incompréhensions et par voie de conséquences, des conflits.

Nathalie Cobbaut

(19 avril 2001)


Assister les victimes : une tâche des mutuelles

Les Mutualités ont pour mission d’assister leurs affiliés lorsque ces derniers émettent une plainte relative à un accident thérapeutique. Éric Houtevels, responsable du Département juridique de l’ANMC, explique comment le traitement de ces plaintes s’effectue concrètement.

Comment les Mutualités chrétiennes sont-elles amenées à intervenir en cas d’accident thérapeutique ?

Éric Houtevels : Nous recevons des plaintes de la part de nos membres parce qu’ils estiment qu’un dommage anormal est advenu à la suite d’une intervention thérapeutique. Le problème réside très rarement dans le fait que la personne n’a pas été guérie, mais bien parce qu’un dommage étranger à la pathologie soignée s’est produit. C’est par exemple un patient qui a été opéré des intestins et dont la vessie a été touchée au cours de l’intervention. Un autre dossier qui me vient en tête : le cas d’une jeune fille opérée pour essayer de redresser la mâchoire et dont les nerfs oculaires ont été touchés durant l’opération, provoquant un strabisme très prononcé.

Généralement les membres, quand ils contactent leur mutualité via le service Défense des membres, sont assez remontés : la plupart du temps, quand ce genre d’incidents se produit, il y a une véritable chape de silence qui s’installe dans la relation thérapeutique et les personnes n’arrivent pas à être informées correctement sur ce qui s’est réellement passé. Les plaintes cachent en réalité très souvent une soif énorme d’informations.

EM : Quel est le traitement réservé à ces dossiers ?

E. H. : La plainte est généralement formulée auprès de nos bureaux régionaux, mais l’analyse des dossiers s’effectue au sein du service juridique national. Les juristes de l’Alliance examinent la plainte, avec le concours des médecins de la direction médicale qui déterminent préalablement si on a affaire à une situation conforme à l’art de guérir ou non. Le médecin-conseil peut éventuellement rencontrer l’affilié afin de s’assurer que la mutualité dispose de l’ensemble des éléments médicaux qui pourraient sous-tendre une action.

L’avis du médecin est examiné par un juriste qui analysera si tous les éléments constitutifs d’une faute engageant la responsabilité du médecin sont réunis. Pour les cas qui prêtent à discussion, une réunion est organisée tous les mois où l’on essaye de trouver un consensus au sein de l’équipe. Ensuite, le service juridique remet son avis au membre.

Quelles chances de succès ?

EM : Après examen, les plaintes s’avèrent-elles fondées ou sont-elles fréquemment dénuées de base légale ?

E. H. : On peut dire que dans 45 % des dossiers analysés, un recours est entamé, ce qui ne veut pas dire que le patient obtiendra forcément gain de cause. Si le membre est d’accord, on lui offre l’assistance juridique. On prend en charge si nécessaire les frais de procédure, d’avocat et d’expertise. L’avocat désigné par la mutuelle va à la fois défendre les intérêts du patient qui s’estime lésé, mais aussi les intérêts de l’assurance maladie en ce qu’il va récupérer les sommes déjà engagées par la mutuelle auprès du tiers responsable. Le médecin-conseil qui a suivi le dossier assistera aux expertises.

Pour les autres dossiers (soit les 55 % restants), un avis négatif est rendu au membre via le bureau régional qui est chargé d’expliquer la décision de refus de soutenir la plainte. Le médecin-conseil peut être amené à venir expliquer au membre les raisons de cette décision. Souvent, à cette occasion, l’affilié va recevoir des explications qu’il n’a pas reçues de l’équipe soignante. Il arrive que le membre désapprouve la décision du service juridique : libre à lui d’entamer une procédure, mais sans prise en charge des frais par la mutuelle.

EM : Obtient-on facilement gain de cause ou faut-il batailler pour obtenir réparation ?

E. H. : On essaye, autant que faire se peut, de privilégier les solutions amiables : c’est beaucoup plus rapide et mieux accepté par les médecins, effrayés par le caractère infamant d’une procédure judiciaire. Si la transaction est refusée ou si on n’arrive pas à s’entendre, le procès est alors inévitable : la plupart du temps au civil; dans de très rares cas, au pénal.

L’avocat doit bâtir son dossier sur base des éléments propres à la responsabilité civile : le dommage, la faute, le lien de causalité. La question porte parfois sur l’auteur du dommage que l’on n’arrive pas à identifier. Un exemple : un morceau de gant chirurgical a été oublié dans l’abdomen d’un patient. Or celui-ci a subi plusieurs opérations de manière rapprochée dans plusieurs hôpitaux différents, qui utilisent le même matériel. Il arrive aussi que pour certaines séquelles présentes suite à une intervention, on constate que des soins de mauvaise qualité ont été prodigués. Mais il n’est pas sûr que s’ils avaient été de bonne qualité, les séquelles n’auraient pas été également présentes. Dès lors, le juge doit apprécier la perte de chances résultant des soins défectueux.

En ce qui concerne l’évolution de la jurisprudence, certaines choses ont bougé, mais plutôt timidement : on parle maintenant d’une obligation de sécurité, par exemple en cas de brûlure au cours d’une opération. Par rapport au devoir d’information dans le chef du médecin quant aux risques encourus par le patient lors d’un acte médical, certains juges estiment que c’est au médecin de prouver qu’il a donné l’information sur les risques. Mais c’est une position encore très controversée.

Des réformes plus ou moins profondes

EM : Que pensent les Mutualités chrétiennes à l’égard des propositions de réforme portant sur l’indemnisation des accidents thérapeutiques ?

E. H. : Aujourd’hui, le principe de la responsabilité telle qu’elle ressort du Code civil ne semble plus adapté aux problèmes d’accidents thérapeutiques. Les patients ne comprennent pas la distinction faite entre les accidents évitables et inévitables, avec une indemnisation intégrale dans le premier cas et la seule couverture de la sécurité sociale pour la seconde hypothèse. La question est donc de savoir si la porte d’entrée pour obtenir réparation qu’est la faute est encore adaptée à la médecine moderne.

Certains imaginent que l’on passe à un système de responsabilité civile objective avec une réparation intégrale du dommage anormal, mais il faut être prudent en termes de coûts. Il faudrait en tout cas que les différents intervenants dans le processus des soins de santé soient mis à contribution, c’est-à-dire les médecins, les hôpitaux, mais aussi les fabricants de matériel médical, les firmes pharmaceutiques. D’autres ont proposé un système d’indemnisation forfaitaire, à l’instar de ce qui existe en matière d’accidents du travail avec des plafonds, la non-prise en compte du dommage moral et selon un financement mixte prestataires de soins - pouvoirs publics. C’est, me semble-t-il, une moins bonne solution.

Enfin, une position intermédiaire, mais peut-être davantage réaliste serait d’améliorer le système actuel : en rendant obligatoire et uniforme, l’assurance en responsabilité civile médicale (ce qui n’est pas le cas actuellement) et en désignant l’hôpital responsable de tous les intervenants en son sein. Enfin, il pourrait être intéressant de développer, comme l’ont fait les ostéopathes, une police d’assurance collective qui couvre la R.C. classique, mais qui intervienne aussi en complément de la sécurité sociale en cas d’accident sans faute prouvée. Ce système permettrait de voir si l’on peut évoluer à terme vers une responsabilité sans faute.

Propos recueillis par N. Cobbaut

(19 avril 2001)