Conseils pratiques
(21 octobre 2004)
Victimes
d’accident avec tiers responsable
Attention aux
transactions
proposées par les compagnies d’assurance
Les victimes d'accident
sont souvent indemnisées par les compagnies d'assurances des responsables,
y compris pour les dommages qui pourraient encore survenir par la suite
(1).
Désireuses d'indemniser
une fois pour toutes les victimes et de clôturer au plus vite le dossier,
les compagnies les invitent à signer des “transactions”.
Jean-Claude
X a été victime d’un grave accident de la route. Un jugement a déclaré Mr
Z entièrement responsable de l’accident. L’expert a prévu des réserves
pour la possible évolution défavorable du genou de la victime. Ces
réserves ont été rachetées dans le cadre d’un contrat de transaction avec
la compagnie d’assurance de Mr Z pour un montant de 2.500 euros. Or, des
années plus tard, Jean-Claude X a dû subir plusieurs opérations suite à ce
problème. Le montant octroyé pour le rachat de la réserve se révèle
insuffisant pour couvrir tous ces frais. En effet, la mutuelle ne peut
légalement plus intervenir, car M. X a signé un contrat de transaction
dans lequel il déclare avoir été indemnisé pour la totalité de son
dommage, y compris le dommage futur. L’entièreté des frais sont donc à
charge de Jean-Claude X…
Eugénie A s’est fait
renverser sur le trottoir par un chien. Elle a subi diverses blessures au
coude. Mr. Z, propriétaire du chien, est responsable et a fait intervenir
son assurance familiale. L’expert a prévu que des frais futurs devront
être indemnisés et la compagnie d’assurance a alors demandé à Eugénie A de
démontrer les frais en relation avec sa blessure, afin de pouvoir faire
une projection de ces frais dans le futur. La vieille dame, pensant que la
mutuelle allait continuer à intervenir dans ses soins de santé, ne s’est
basée que sur sa quote-part personnelle. Dès lors, l’indemnisation a été
calculée sur une base erronée. La transaction signée par Eugénie A
mentionne que la victime est indemnisée pour la totalité de son dommage.
Légalement donc, la mutuelle ne peut plus intervenir.
Lorsque les frais lui ont
été présentés, Mme A s’est rendu compte devoir également supporter la part
qu’elle pensait couverte par la mutuelle. L’indemnisation a donc aussi été
insuffisante dans ce cas. Il a fallu dès lors prouver que les montants
présentés par la vieille dame visaient en fait exclusivement sa quote-part
personnelle.
Des situations comme
celles-ci sont malheureusement assez fréquentes. Combien de victimes
d’accident ne doivent-elles pas faire face à des conséquences financières
désastreuses par manque d’information lorsqu’elles signent des contrats de
transactions
avec des compagnies
d’assurance ? Bien entendu, il n’est pas facile de déterminer à l’avance
avec certitude la manière précise dont un état de santé va évoluer. Le
dédommagement ne correspond pas toujours à la façon dont les séquelles de
l’accident vont évoluer dans la
réalité, et risque donc d’avoir un caractère forfaitaire.
Quelles sont les
conséquences de la signature de tels contrats de transaction ?
L’intervention provisionnelle de la mutuelle
La loi, qui prévoit
l’intervention des prestations de mutuelle, a mis en place un système
d’intervention provisionnelle (2). Cela veut dire que les personnes
affiliées à une mutualité peuvent bénéficier des interventions en
indemnités et en soins de santé tant qu’elles n’ont pas été indemnisées
dans le cadre de l’accident dont elles ont été victimes, par le tiers
responsable ou son assureur en responsabilité civile (RC).
Une fois que cette
indemnisation a eu lieu, il faut déterminer dans quelle mesure celle-ci
couvre le dommage, sachant que la victime a au moins droit à percevoir ce
qu’elle aurait perçu dans le régime de l’assurance maladie indemnité. Ceci
signifie très concrètement que si l’indemnisation par le responsable de
l’accident est moindre que celle payée par la mutuelle (par exemple dans
le cas d’un partage de responsabilité ou si le tiers n’est pas assuré et
est insolvable, …), la mutuelle continuera à verser la différence entre le
montant reçu et le montant des prestations de mutuelle, afin d’atteindre
le montant auquel il avait droit dans le régime d’assurance maladie
invalidité.
Par exemple, Mme T touche
de la mutuelle une indemnité d’incapacité de travail de 40 euros par jour
suite à un accident de la circulation. Un jugement partage la
responsabilité de l’accident entre Mme T et une autre personne. Mme T a
droit à être indemnisée pour la moitié de son dommage. Or, celui-ci est de
50 euros par jour. 50 euros divisés par 2 égalent 25 euros. Mme T touchera
encore 15 euros de la mutuelle, puisqu’elle a au moins droit aux 40 euros.
C’est ce qu’on appelle “la
règle de la différence”: on continue à payer la différence entre le
montant indemnisé et le montant auquel la victime a droit sans cette
indemnisation.
Attention !
Cette règle vise le cas où le dommage n’a pas été indemnisé ou l’a été en
partie. Dans le cas d’une transaction portant sur la couverture de tout le
dommage, les débours de la mutuelle sont entièrement stoppés, car le
dommage est entièrement
indemnisé. Toute concession
sur les montants en vue d’obtenir une indemnisation plus rapide ou pour
toute autre raison, risque d’avoir des effets néfastes plus tard. D’où
l’importance de calculer au mieux le dommage futur.
Concrètement, que faire?
Faites-vous toujours
conseiller par des professionnels avant de signer un contrat avec une
compagnie d’assurance. Votre avocat personnel est une garantie, mais
également votre mutuelle. Si vous avez un doute, n’hésitez pas à vous
adresser à elle. Il est
bien entendu que la
mutuelle ne pourra procéder à une analyse juridique complète de la
proposition de l’assureur (cette analyse doit être faite par votre
avocat), mais elle pourra vous dire si elle continue à intervenir ou non
pour indemniser cet accident, en fonction des termes du contrat proposé,
afin que vous sachiez, en toute connaissance de cause, s’il semble
opportun de vous lancer dans ce pari ou pas.
Ingrid Février,
Service juridique
(1) Il peut s’agir
d’accidents de la route ou tout autre accident de droit commun où la
responsabilité d’un tiers est engagée.
(2) Article 136§2 de la
loi coordonnée du 14 juillet 1994.
POURQUOI FAIRE SIGNER UN CONTRAT
DE TRANSACTION ?
Les compagnies
d'assurances essaient de ne pas laisser des dossiers ouverts
indéfiniment. Dans le cas où des soins de santé futurs pourraient
encore se produire et que des réserves sont prévues, elles
souhaitent donc les racheter à la victime. Ceci signifie très
concrètement que le montant des réserves est évalué au coût actuel
et qu'il est affecté d'un certain pourcentage de probabilité de
réalisation (sorte de “chance” de voir se réaliser ce risque).
La théorie veut que
chacune des parties soit intéressée par cette pratique.
En effet, des
réserves peuvent couvrir des soins de santé qui, en réalité, ne se
réaliseront jamais. Dans ce cas, le montant du rachat constitue du
pur bénéfice pour la victime. Par contre, si ces soins doivent
effectivement avoir lieu, le fait que le pourcentage de réalisation
du risque grève
le montant versé,
entraîne inévitablement que la couverture prévue est inférieure à ce
qui est effectivement nécessaire. La compagnie d'assurance est alors
gagnante.
De même, la victime
peut thésauriser une certaine somme d'argent avant même que son
dommage se réalise. La compagnie d'assurance, quant à elle, peut
clôturer son dossier d'indemnisation et évite ainsi des frais de
gestion importants.
|
|