100 ans, cela se fête !
(7 décembre 2006)
“La
Mutualité chrétienne, une organisation sociale forte”
Le dimanche 3
décembre dernier, se tenait à Tour et Taxis (Bruxelles) la séance académique à
l’occasion des 100 ans de la Mutualité chrétienne. Un anniversaire qui
coïncide avec le départ à la prépension d’Edouard Descampe, Secrétaire
général de l’ANMC. Un hommage tout particulier lui a été rendu devant une
assemblée d’un millier de personnes.
► Jean-Luc Dehaene:
“La mutualité doit promouvoir
son rôle d’assureur social dans l’espace européen”
La
séance académique a été introduite par Jean-Luc Dehaene, ministre d’Etat et
député européen. Dans son discours, celui-ci a insisté sur l’importance du
rôle des mutualités dans le champ des soins de santé. Un rôle d’assureur
social bien entendu mais aussi un acteur de premier plan dans le service aux
personnes et aux malades en particulier, et dans la promotion de la santé.
Jean-Luc Dehaene a souligné combien l’engagement de milliers de bénévoles
contre l’individualisme constitue la force et la spécificité de la Mutualité
chrétienne. Mais il a reconnu aussi que la concurrence croissante entre
mutualités est interpellante car elle se place de plus en plus sur le
terrain du marketing.
La concurrence croissante entre
mutualités est interpellante car elle se place de plus en plus sur le
terrain du marketing. |
Le député européen a également
invité les mutualités à regarder vers l’avenir. Un avenir qui se construira
inévitablement dans un espace européen basé sur la libre circulation des
personnes et des services. “Dans cet espace, on ne transposera pas notre
système de santé comme tel. Nous devons absolument défendre le double rôle
d’assureur social et de mouvement social que jouent les mutualités dans la
sécurité sociale. Mais l’on devra tenir compte de la liberté de circulation
des personnes dans l’application des législations. Et si l’on peut se
réjouir que les soins de santé aient été sortis de la directive Bolkenstein
sur les services, il est illusoire de croire que l’on échappera à une
directive spécifique sur les soins de santé. Je plaide à ce propose pour que
les mutualités adoptent une attitude créative et proactive plutôt que
défensive”, a conclu Jean-Luc Dehaene.
►
Rudy Demotte:
“L’avenir de la sécurité sociale
est entre nos mains”
Rudy
Demotte, Ministre fédéral des Affaires sociales et de la Santé, a tout
d’abord adressé un vibrant hommage à Edouard Descampe, reconnaissant en lui
“un homme de valeur au service des intérêts de la collectivité toute entière
dans le domaine de la santé”. La plus belle preuve de cette reconnaissance
est certainement la proposition que le ministre lui a faite de rester au
cœur de l’action et de succéder à Michel Jadot au poste de Président du
Conseil général de l’Assurance Obligatoire soins de santé.
Avec beaucoup de conviction et de
détermination, le ministre a ensuite expliqué ses choix idéologiques et sa
politique de gestion de la sécurité sociale, prouvant ainsi à ceux qui
veulent détricoter notre système de protection sociale que celui-ci n’est
pas impayable, contrairement à ce qu’ils prétendent.
Par une politique volontariste et
rigoureuse, nous pouvons maîtriser l’évolution du budget sans privatiser une partie de la
couverture de nos soins de santé. |
“L’équilibre budgétaire de la
sécurité sociale est assuré au moins jusqu’en 2010. L’avenir de la sécurité
sociale est entre nos mains mais il n’est pourtant pas radieux pour autant.
Tout d’abord, notre sécurité sociale ne rencontre actuellement pas tous les
besoins sociaux de la population: perte d’autonomie, accessibilité de
certains soins de santé, liaison plus étroite des allocations sociales au
bien-être, pensions trop basses… pour ne citer que quelques exemples.
Ensuite, le coût du vieillissement de la population est régulièrement revu à
la hausse. Et les finances publiques nécessiteront encore de sérieux efforts
budgétaires pour réduire notre niveau d’endettement jusqu’à 60% du PIB.
Par ailleurs, toute velléité
de communautarisation de tout ou partie de notre sécurité sociale n’est pas
écartée, loin de là. Il faut aussi souligner que la politique de l’Union
Européenne, essentiellement tournée vers la stabilité de sa monnaie et sa
santé économique, conduit à la fragilisation des systèmes de protection
sociale des Etats Membres (...)”.
Et de poursuivre:
“Pour ce qui
concerne spécifiquement les soins de santé, nous avons montré que, par une
politique volontariste et rigoureuse, nous pouvons maîtriser l’évolution du
budget sans privatiser une partie de la couverture de nos soins de santé,
n’en déplaise à certains... Je formule donc le souhait de la poursuite d’une
telle politique sous la prochaine législature fédérale, toujours avec le
soutien actif des mutualités…”.
►
Edouard
Descampe:
“Notre système de santé est l’un
des meilleurs et des moins coûteux au monde”
C’est
un honneur pour moi de recevoir l’hommage lié à mon départ en même temps que
la fête du centenaire de l’Alliance Nationale des Mutualités Chrétiennes”,
a dit d’emblée Edouard Descampe, Secrétaire général de l’ANMC, reconnaissant
avoir eu la chance de participer activement au dernier tiers de ces cent
années, pour une grande part avec Jean Hallet dont il a eu le plaisir d’être
l’adjoint pendant très longtemps et “qui lui a tout appris”, puis comme
Secrétaire général pendant 13 ans. “La Mutualité chrétienne est à la fois
une administration forte de la qualité de ceux qui y travaillent,
performante - nous remboursons plus de 25 millions d’euros par jour - et un
mouvement social important, capable de mobiliser bénévolement des milliers
de personnes pour organiser la solidarité et aussi pour la vivre dans des
actions concrètes”.
Edouard Descampe a insisté sur le
caractère non marchand de la Mutualité et sur le fait qu’il est impossible
d’organiser valablement un système de couverture santé en le faisant reposer
sur les principes des assurances commerciales. “Leur logique est différente
de celle des assurances sociales: les primes sont proportionnelles non aux
revenus mais aux risques. Et les risques de santé sont largement
prévisibles: l’âge, les antécédents, le code génétique permettent
aujourd’hui de prévoir, de sélectionner les bons risques et de rejeter les
mauvais ou de les faire payer plus. Dans le secteur de la santé, les
compagnies d’assurances privées commerciales appliquent les recettes
habituelles de privatisation des profits et de socialisation des pertes:
segmentation des marchés, sélection des bons risques et rejet vers les
systèmes publics des assurés en moins bonne santé”.
Seul un
système généralisé et solidaire peut assurer une couverture valable en
matière de santé sans dualiser la médecine. |
“Seul un système généralisé et
solidaire peut assurer une couverture valable en matière de santé sans
dualiser la médecine, sans précipiter les malades dans la misère mais aussi
sans que les coûts de la santé ne deviennent excessifs”, clamait avec force
Edouard Descampe. “Contrairement à ce que l’idéologie dominante laisse
croire, nos systèmes sont bien moins coûteux pour tous. Aux Etats-Unis où
aucune régulation d’ensemble n’existe, la part du PIB consacré aux dépenses
de santé s’élève à 15% alors qu’elle est proche de 10% en Belgique où l’on
n’est pas moins bien soigné (...). Tout le monde s’accorde à dire d’ailleurs
que notre système de santé belge est l’ un des meilleurs du monde en alliant
qualité, accessibilité et coût raisonnable. Je ne pense pas que ce soit
présomptueux de ma part de dire que la Mutualité chrétienne qui affilie 44%
de la population belge et est depuis cent ans aux premières loges de ce
système, a joué un rôle dans ce succès”. Et Edouard Descampe de préciser que
la Mutualité chrétienne a organisé en Belgique la solidarité en trois étages
qui se complètent et se renforcent: le socle le plus important est celui de
la solidarité dans le cadre de l’assurance obligatoire à laquelle les
mutualités ont été associées après la seconde Guerre Mondiale. Vient ensuite
la solidarité dans le cadre des services complémentaires qui vient préparer
ou compléter l’assurance obligatoire. En troisième lieu vient l’engagement
personnel bénévole qui a donné naissance à la Mutualité chrétienne et se
poursuit en son sein. “Je salue d’ailleurs l’implication personnelle
désintéressée de dizaines d’administrateurs bénévoles et des centaines de
membres de nos assemblées générales. Ils sont présents à nos côtés pour
débattre des orientations à prendre, enrichir notre expérience sociale et
contrôler la justesse de nos décisions”, a dit Edouard Descampe avant de
conclure: “Les défis du futur restent nombreux: la création d’une Europe
sociale digne de ce nom, des financements collectifs solides et sûrs, une
concertation qui respecte les libertés des uns et des autres mais qui peut
aussi surmonter les corporatismes très présents parmi les acteurs de la
santé.”
► Marc
Justaert:
“Pour une solidarité la plus
large possible”
Dans
son discours, Marc Justaert, Président de l’ANMC, a tout d’abord défendu
notre modèle de concertation sociale. “La concertation sociale entre les
organisations d’employeurs et les organisations syndicales est à la base de
nos actuelles conditions de travail. Ce modèle est devenu le fondement de
toute notre sécurité sociale et doit être maintenu comme tel. Ce même modèle
de concertation, instauré entre prestataires de soins et mutualités, a
également beaucoup influencé le développement de notre sécurité sociale.
Ensemble, mutualités et organisations professionnelles de prestataires de
soins définissent une bonne politique de santé à un prix raisonnable, aussi
bien pour le patient que pour l’ensemble de la société, tout en garantissant
une valorisation juste du travail des prestataires de soins. Ce système de
concertation fonctionne de manière satisfaisante depuis près de 45 ans, et
la Mutualité chrétienne continuera à promouvoir ce modèle”.
Marc Justaert a ensuite passé en
revue les défis pour l’avenir.
“La solidarité la plus large
possible est une valeur que la Mutualité chrétienne a toujours défendue.
Mais beaucoup s’interrogent: une assurance obligatoire maximale est-elle
tenable à long terme? Dans les prochaines années, les recettes des soins de
santé progresseront moins rapidement et les dépenses seront plus élevées
qu’aujourd’hui. Il faudra envisager des mesures d’économie efficaces sans
mettre en danger la qualité et l’accessibilité de notre système. Les efforts
du Ministre actuel, notamment en matière de maîtrise du budget des
médicaments, sont remarquables. Mais plusieurs pistes encore peu explorées
pourraient être les pièces maîtresses d'une bonne politique d'assurance
maladie dans les prochaines années”. Et le Président de l’ANMC de faire
trois suggestions.
La
popularité
d'une mutualité est, hélas, inversement proportionnelle à son application
correcte des règles légales. |
“En premier lieu, il faut
réduire les différences notables dans les pratiques médicales et dans le
traitement de pathologies identiques car elles sont sources de dépenses non
justifiables. Cela concerne par exemple, les examens de routine
préopératoires chez les jeunes patients en bonne santé, la consommations de
médicaments pour des patients du même âge dans des maisons de repos et de
soins… L'application de directives uniformes, de trajets cliniques et un
financement davantage forfaitarisé peuvent générer d'importantes économies
sans nuire à l'accessibilité ou à la qualité des soins”, assure Marc
Justaert.
Le Président de l’ANMC suggère
aussi d’adapter l'offre de lits et de services hospitaliers aux besoins
réels de soins et de veiller davantage à la qualité des soins. “La
croissance du nombre de centres de dialyse rénale, de fécondation in vitro,
de traitement de la douleur ou des pathologies cardiaques est devenue
évidente, naturelle, tout comme l’augmentation du nombre d’instruments de
diagnostic de haute technologie. Adapter l'offre aux besoins réels de soins
implique d'adapter le financement actuel par prestation et la répartition
des tâches par établissement afin de ne pas créer de favoritisme. Cet
exercice d'équilibriste entre une trop forte concentration et une trop large
répartition des soins de troisième ligne est très complexe et ne peut se
baser uniquement sur un nombre d'habitants, des distances ou des facteurs
économiques”.
Marc Justaert a terminé son
discours en plaidant pour une plus grande responsabilité financière des
mutualités. “L'exécution correcte des règles de l'assurance obligatoire
est essentielle pour utiliser de manière optimale les moyens issus de la
solidarité, pour prévenir les abus et les frais injustement élevés, et pour
permettre de traiter chaque assuré de la même manière. Mais aujourd'hui, il
est pourtant contreproductif d'appliquer les règles de l'assurance maladie
de façon conséquente. La popularité d’une mutualité est, hélas, inversement
proportionnelle à son application correcte des règles légales.
Il est symptomatique que les
mutualités se profilent de plus en plus à travers leurs différentes offres
d’avantages complémentaires, alors qu’elles devraient d’abord se profiler à
travers leur métier de base, notamment la gestion et l’exécution de
l’assurance obligatoire et le service à leurs membres. Pour maintenir une
assurance maladie obligatoire basée sur la solidarité la plus large
possible, tous les partenaires devront prendre leurs responsabilités et
aborder ensemble les différentes problématiques. La MC est en tout cas, plus
que jamais, prête à y travailler activement durant ce prochain siècle!”
Des ateliers interactifs sur les soins
de santé
|
Le
samedi 2 décembre dernier, 3.000 personnes ont fêté le centenaire de
la Mutualité chrétienne (reportage en
images). Durant l'après-midi, de nombreux participants se sont
exprimés dans trois ateliers-débats interactifs portant sur la
médicalisation, la marchandisation des soins de santé et le
vieillissement.
De plus en plus de domaines
de la vie sont médicalisés : après la naissance et la mort, le médical
s'est emparé de notre nourriture, de notre sommeil, de notre
sexualité… et bientôt peut-être de chaque aspect de notre existence.
Par ailleurs, les soins
médicaux, avec tout ce qu'ils comportent, représentent un secteur
économique important et deviennent un vrai business. Le secteur peut
d'ailleurs envisager sereinement l'avenir puisque le vieillissement de
la population annonce plutôt une demande croissante en matière de
soins médicaux et autres.
Pour aborder ces thèmes,
les ateliers-débats ont été abordés selon une technique
particulièrement originale. Pas d'expert à la tribune vers lequel se
portent tous les regards. Les experts, c'est le public lui-même qui,
dans un grand exercice d'interactivité, a réagi aux interventions
successives des participants. Réflexions, questions, solutions à
envisager, propositions d'actions pour la mutualité… se sont enchaînés
sans répit tandis qu'un animateur affichait et classait sur un grand
tableau les différentes interventions ! A l'issue de cette tempête
d'idées, sorte de forum internet en temps réel, une synthèse (qui sera
publiée dans la revue M-Informations éditée par le service d'études) a
été proposée aux participants. Certaines de ces propositions pourront
inspirer les prises de position officielles de la Mutualité chrétienne
!
Le
vieillissement
Les questions et réflexions
ont fusé sans interruption dans ce carrefour. On peut les regrouper
autour de trois thèmes.
Le premier évoque tout ce
qui concerne les soins : leur organisation, ce qui relève de
l'assurance obligatoire ou de l'assurance complémentaire, la
transparence des prix, la dépendance à l'hôpital, l'articulation entre
les soins à domicile et les soins institutionnels, la nécessité d'une
bonne information, l'indispensable soutien aux personnes âgées…
Un ensemble de réflexions a
porté en second lieu sur la solitude des personnes âgées et
l'importance des réseaux de bénévoles que la mutualité doit préserver
et encourager. Les personnes âgées ont droit à la parole, à donner
leur avis.
Enfin, l'accessibilité aux
soins a été abordée par les participants: le coût à assumer, une fois
les soins remboursés, peut rester très important pour les patients.
D'autres questions
importantes ont encore été posées à la mutualité: quelle prévention la
Mutualité chrétienne peut-elle organiser auprès des personnes
dépendantes; quels services mettre sur pied pour favoriser la mobilité
des personnes âgées?
Une conclusion, s'il en
faut une, s'est imposée: il est bon de penser à la qualité des soins
et des services, mais il faut surtout investir dans la santé afin de
veiller en priorité à la qualité du vieillissement. Sinon, à quoi
sert-il de vivre plus longtemps?
La
médicalisation
La problématique du
médicament a été au centre de cet atelier interactif. Le rôle du
médecin comme celui et du patient ont été mis en avant pour expliquer
la surconsommation de médicaments en général et la sous-utilisation de
médicaments génériques. La place des thérapies alternatives a été
discutée comme contrepoids au modèle dominant de la médecine
classique.
Les participants ont estimé
que la Mutualité chrétienne a des défis importants à relever dans les
domaines de l’accessibilité des soins, de la promotion des médicaments
génériques, de la législation du médicament (par exemple le droit de
substitution des pharmaciens) et de l’information du public et des
professionnels.
La
marchandisation
Les participants à ce
carrefour ont mis en évidence les nombreux risques de marchandisation
ou dérives marchandes qui menacent déjà notre système de soins de
santé. Plusieurs exemples ont été cités: la récente mise en bourse
d’une société de soins infirmiers de la région de Ghlin, les
assurances hospitalisations privées commerciales et leurs pratiques de
sélectivité des patients et des risques, la pratique des suppléments
d’honoraires à l’hôpital, le coût prohibitif de certains matériels
comme les prothèses, la médicalisation des problèmes psychologiques ou
sociaux débouchant sur une consommation abusive de médicaments,
l’orientation de la recherche médicale vers des médicaments ou
thérapies rentables au détriment de maladies rares ou moins rentables,
la transformation de demandes en besoins pour répondre par des
produits, etc. Le champ des mutualités n’échappe pas non plus à la
dérive marchande sous la pression de la concurrence. D’aucuns ont
dénoncé à ce propos le fait que d’autres mutualités que la MC ne sont
plus dans la solidarité mais dans la sélection des risques et
réfléchissent davantage en termes de produits que de services.
Un autre risque de
marchandisation se trouve du côté des prestataires de soins et des
hôpitaux. Si ces derniers passaient du statut d’asbl à celui de
société anonyme, cela transformerait immédiatement les prestataires de
soins en acteurs à but commercial.
Dans ce contexte, les
participants ont plaidé pour que la défense des intérêts des patients
contre la dérive marchande reste au centre des préoccupations de la
mutualité chrétienne. Ils ont aussi insisté sur le fait que les
mutualités soient partenaires des autorités politiques pour être les
garants de la gestion d’un système de santé solidaire et éthique.
JD et
CVR |
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