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Centenaire de l'Alliance Nationale des Mutualités chrétiennes (16 novembre 2006)



 

La mutualité :
une histoire
plus que centenaire...

Le centenaire de l’Alliance nationale des Mutualités chrétiennes (ANMC), qui sera célébré en décembre prochain, est l’occasion rêvée de revenir sur le passé. Renée Dresse, historienne au Centre d’animation et de recherche en histoire ouvrière et populaire (Carhop) a retracé pour “En marche” l’histoire de la mutualité qui englobe bien entendu aussi l’histoire de l’Alliance Nationale des Mutualités Chrétiennes ! Un long cheminement vers la solidarité...

 

“La charité officielle est plutôt un mal qu’un bien pour la société. Elle n’arrive qu’à un but : développer et entretenir le paupérisme, tandis que les sociétés de secours mutuels, indépendamment des secours qu’elles accordent, secours toujours justifiés, poursuivent un but plus élevé : elles donnent à leurs membres des idées d’ordre et d’économie et leur inspirent des sentiments de dignité.” Ainsi s’exprimaient “Les disciples de Saint-Eloi” de la Société de secours mutuels de Marchienne-au-Pont devant la Commission du travail en 1886 !

 


Des premières caisses de secours à l’Alliance nationale

Dès le 19e siècle se développent les caisses de secours ou caisses d’assurance ou encore mutualités. Peu à peu, l’Etat encouragera l’affiliation libre à des caisses mutualistes en leur accordant des subventions. Les mutualités s’organiseront, en fédérations régionales d’abord en une union nationale ensuite...

 

Au 19e siècle, la Belgique subit d’importantes mutations économiques et sociales. Dans certaines régions comme le Hainaut, Liège, Gand, le paysage rural cède peu à peu la place à des zones industrielles offrant à une population ouvrière la perspective d’un avenir meilleur. Mais la réalité est toute autre !

En dépit d’un nombre élevé d’heures de travail (en moyenne 12 heures par jour et pendant six, voire sept jours), le salaire de l’ouvrier adulte, très bas, ne répond pas aux besoins élémentaires de la famille. Même le travail des femmes et des enfants n’apporte que peu d’amélioration dans le quotidien de l’ouvrier !

L’insalubrité et l’absence de sécurité dans les milieux industriels auxquels s’ajoutent une mauvaise alimentation et un manque d’hygiène des habitations ouvrières, influencent la santé des travailleurs. Les aléas de la vie que ce soit la maladie, l’accident de travail, le décès ou la vieillesse occasionnent une perte de revenus qui ne peut être compensée, en partie, que par le recours ponctuel à une œuvre de bienfaisance ou grâce une affiliation à une caisse d’assurance ou mutualité.

 

Premières mutualités, premières solidarités

La mutualité, association dite de prévoyance, apporte une première solution aux difficultés quotidiennes de l’ouvrier. Son rôle est d’atténuer les conséquences souvent dramatiques de la maladie, l’accident, la vieillesse, la mort. Elle incite l’ouvrier, grâce au versement d’une cotisation, à s’assurer contre ces risques, à devenir prévoyant. La mutualité ou caisse de secours fait appel à l’esprit d’épargne des travailleurs ce qui, pour la majorité, est loin d’être évident mais aussi à un principe qui sera à la base du mouvement ouvrier et de la sécurité sociale d’aujourd’hui, la solidarité.

La mutualité, association dite de prévoyance, apporte une première solution aux difficultés quotidiennes de l’ouvrier.

Les premières mutualités sont d’origine privée. Les plus anciennes regroupent des travailleurs exerçant la même profession. Elles sont parfois les héritières directes des corporations existant sous l’Ancien Régime (avant 1789) : c’est le cas à Tournai avec la Société des pilotes fondée en 1575, à Namur avec la société Saint-Joseph créée en 1717, à Malines avec la mutualité “Les Quatre Couronnes” (maçons) dont l’existence remonte à 1730…

D’autres sont issues d’associations de bienfaisance ou philanthropiques ou sont mêmes dues à l’initiative patronale.

Après 1830, les caisses de secours, en majorité catholiques, tendent à se développer. Certaines optent progressivement pour une base interprofessionnelle. Elles portent quasi toutes le nom d’un saint protecteur, célébré chaque année par une fête solennelle, avec une procession, une messe et un banquet. Leur but est d’assurer au membre, moyennant le versement d’une cotisation mensuelle, une indemnité en cas de maladie et une participation aux frais funéraires, voire d’un revenu en cas de vieillesse. Les statuts varient d’une société à l’autre. Si certaines remplissent leur rôle, d’autres par contre ont une existence chaotique. L’absence de tenue sérieuse de leurs comptes, la disproportion entre le faible taux de cotisation versé et la forte indemnité perçue les contraignent, à moyen terme, à la disparition.

 

L’Etat intervient enfin

Face à la misère grandissante de la population ouvrière, l’Etat ne réagit pas ou peu du moins dans un premier temps !

Le peu d’intérêt de l’ouvrier pour les caisses de secours, l’existence souvent précaire des mutuelles, l’enquête de 1843 sur la condition des classes ouvrières et le travail des enfants et l’action de personnalités bourgeoises, poussent le gouvernement à sortir de la réserve qu’il s’était imposée jusqu’alors. Deux lois destinées à encourager la prévoyance sont votées.

La loi du 8 mai 1850 crée la Caisse de retraite garantie par l’État. Elle se complète en 1865 d’une caisse d’épargne. La loi du 3 avril 1851 accorde aux sociétés de secours mutuels, sous certaines conditions, la reconnaissance légale. Mais le succès n’est pas au rendez-vous !

Après de longs débats sur le caractère ou non obligatoire des assurances sociales, les pouvoirs publics encouragent l’affiliation libre à des caisses mutualistes en leur accordant des subventions.

Pourquoi l’ouvrier dont le salaire est faible, épargnerait pour une rente dont il n’est pas sûr de profiter ? Qui plus est, si la loi de 1851 offre quelques avantages, notamment fiscaux, elle ne remporte pas l’adhésion de la plupart des mutualités de Belgique. Les conditions d’octroi de la reconnaissance sont draconiennes (surveillance et contrôle des finances par le bourgmestre qui peut dissoudre la société, intervention des pouvoirs communaux et provinciaux dans la procédure de reconnaissance...). En 1885, 204 mutualités regroupant 34.741 membres sont reconnues contre 445 sociétés comptant au total 64.000 membres.

En 1886, les tensions sociales ayant pour point d’orgue la grève durement réprimée du bassin de Charleroi (14 morts), incitent le gouvernement catholique à organiser une commission d’enquête chargée de rencontrer les acteurs de la vie sociale et économique, y compris les ouvriers, ce qui est une première ! Son objectif est de comprendre la situation des travailleurs et de proposer des solutions en vue de l’amélioration de leurs conditions de vie et de travail. Les témoignages divergent. Certains dénoncent les conditions de travail et de vie des ouvriers et l’inertie d’un Etat face à un patronat exploiteur de la classe ouvrière ; d’autre rendent l’ouvrier responsable de sa déchéance !

Beaucoup d’intervenants, ouvriers ou non, revendiquent une meilleure reconnaissance des sociétés de secours mutuels. Certains vont jusqu’à souhaiter une meilleure répartition des subsides octroyés aux associations de bienfaisance par les pouvoirs publics.

 

Des dispositions législatives favorables

Les conclusions de l’enquête de 1886, l’essor du mouvement socialiste, les congrès des œuvres sociales organisés par les milieux catholiques, la publication de l’encyclique Rerum Novarum qui reconnaît l’existence de la question sociale et l’action de la Ligue démocratique belge fondée en 1891, déterminent – non sans mal – l’action sociale chrétienne. Les organisations sociales chrétiennes, la mutualité en premier lieu, se développent. La dynamique mutualiste va être renforcée grâce au vote de trois lois.

La Loi fondamentale du 23 juin 1894 est une refonte de la loi de 1851. La reconnaissance légale sera dorénavant accordée à toute société organisée pour aider temporairement les membres victimes de maladie, d’invalidité, de naissance, de décès et de vieillesse. C’en est fini de la surveillance oppressante des pouvoirs publics communaux sur la mutuelle. La reconnaissance est liée au dépôt des statuts, conformes à la loi, et à la remise des comptes annuels.

Il faut attendre 1898 pour que la première fédération chrétienne, celle de Dinant, soit légalement agréée.

Après de longs débats sur le caractère ou non obligatoire des assurances sociales, les pouvoirs publics adoptent le principe de la liberté subsidiée. Ils encouragent l’affiliation libre à des caisses mutualistes en leur accordant des subventions. La loi du 19 mars 1898 avalise cette option et la conditionne à la reconnaissance légale. Avec cette nouvelle disposition, l’Etat poursuit sur un plan plus large les initiatives prises par de nombreuses autorités politiques locales et provinciales.

Pour les pouvoirs publics, l’imprévoyance des ouvriers ne touche pas uniquement les questions relatives à la maladie mais aussi à la vieillesse. Les caisses de retraite restent peu nombreuses malgré un développement sans précédent dans les années 1890 (de 49 en 1891, elles sont passées à 1.887 en 1899). Les dispositions légales de 1850 et la fondation de la caisse générale d’épargne et de retraite n’ont pas eu le succès escompté ! La loi du 10 mai 1900 sert de stimulant à cette association. Tout comme celle de 1898, elle encourage l’affiliation à une caisse de retraite grâce au principe de la liberté subsidiée. Les bénéficiaires de la loi sont à la fois l’ouvrier affilié et la société. Les années suivantes voient une explosion du nombre de caisses de pension grâce aux campagnes de propagande organisées surtout par les milieux catholiques (5.727 sociétés assurent le service contre 3.604 en 1900). Entre 1900 et 1910, le nombre d’affiliés passe d’environ 300.000 à 1.150.000.

 

Les sociétés de secours s’organisent en fédérations

Sur le plan local, les sociétés mutualistes sont autonomes. Elles organisent leurs services comme elles l’entendent notamment le service de l’indemnité journalière qui permet l’octroi d’une compensation financière d’au moins un franc par jour pour l’affilié malade ou invalide pendant six mois au plus. Cependant, il y a des questions non résolues. Que faire quand un membre passe d’une société à une autre ? Que faire pour l’affilié dont la maladie excède les six mois ? La gestion du service médico-pharmaceutique (remboursement des frais de médecins et de pharmacie) est trop lourde pour une seule société.

Progressivement, la fédéralisation apparaît comme une option réaliste. Seule une fédération réunissant plusieurs sociétés peut organiser les services de mutation, de réassurance et médico-pharmaceutique.

L’Alliance nationale des Mutualités chrétiennes est reconnue par l’arrêté royal du 28 mai 1906. Elle regroupe alors 57 fédérations et compte 368.001 membres.

L’Alliance des présidents des sociétés de secours mutuels de Namur-ville, fondée en 1876, est la première association mutualiste fédéralisée en Belgique. Ses débuts sont modestes car son objectif consiste en l’organisation de rencontres afin de “s’entretenir librement et familièrement de leurs intérêts communs”.

Il faut attendre les années 1890 pour voir le développement des premières fédérations essentiellement en Wallonie, à Charleroi (1891), à Mons (1892), à Liège - Huy - Waremme - Verviers (1894), à Dinant (1897), à Namur-ville (1898)…

Peu à peu, des fédérations, y compris dans le secteur des caisses de pensions, sont organisées un peu partout dans le pays. Elles bénéficient de l’agréation prévue dans la loi de 1894, à condition que les sociétés qui la composent soient toutes reconnues. C’est pourquoi il faut attendre 1898 pour que la première fédération chrétienne, celle de Dinant, soit légalement agréée.

En plus de l’organisation du service de mutation ou de réassurance, les fédérations intensifient leur contrôle sur les sociétés locales. Grâce à des dispositions législatives (octroi de frais de fonctionnement), elles se voient dotées d’un rôle administratif important. Tout en s’efforçant d’uniformiser les comptes des sociétés affiliées, elles les informent des démarches à suivre pour une éventuelle reconnaissance et/ou une affiliation, pour l’obtention de certaines subventions.

 

Une structure nationale s’impose

Dans le même temps, se pose la question d’une structure nationale. La Ligue démocratique belge, organe de coordination des associations sociales chrétiennes, envisage dès 1892 la création d’un mouvement national. En 1900, le congrès de la Ligue acte la fondation d’une union nationale. Mais ce n’est qu’en 1906 que la décision devient effective. L’Alliance nationale des Mutualités chrétiennes est reconnue par l’arrêté royal du 28 mai 1906. A sa création, elle regroupe 57 fédérations et compte 368.001 membres dont 277.105 sont affiliés à des caisses de pension. Elle se compose d’une assemblée générale, d’un conseil d’administration regroupant 25 membres venant de toutes les provinces, et d’un bureau qui exécute les décisions prises par les instances précitées.

Le premier président de l’Alliance est Edouard de Pierpont, également président de la fédération de Dinant et le premier secrétaire-trésorier, Bernard Truyts, vicaire à Machelen, remplacé dès 1910, par Arthur Eeckhout, vicaire à Gand comme secrétaire et Jules Possoz, président de la fédération Saint-Michel de Bruxelles comme trésorier.

En dépit de l’autonomie assurée aux sociétés locales et aux fédérations, l’Alliance entend organiser plusieurs services comme un secrétariat permanent installé dès 1906 et destiné à aider les fédérations dans leurs démarches, un service de mutation, un service de médecine spéciale… Elle veut œuvrer dans le domaine de la prévention des maladies contagieuses comme la tuberculose ou encore assurer l’arbitrage en cas de problème entre fédérations… Elle tente d’introduire une certaine uniformisation administrative au sein des diverses structures mutualistes. Ce n’est pas chose aisée tant la crainte de la perte d’autonomie est importante sur le plan local et régional. Mais la création d’un bulletin dès 1906 tant pour la partie francophone que flamande et l’instauration des congrès lui permettent de se faire accepter par bon nombre de mutualistes.

L’action ne s’arrête cependant pas là. Avant 1914, elle s’engage dans un combat qui va durer jusqu’en 1944 : l’avènement de l’assurance obligatoire toujours basée sur le principe de la liberté subsidiée. Une campagne de propagande débouche sur le dépôt d’un projet de loi en mai 1914. La guerre va interrompre brutalement ces démarches.

 


 

Après la Première guerre mondiale, l’Alliance se renforce

La Première guerre mondiale réduit considérablement l’action mutualiste. Les sociétés sont confrontées à un manque de ressources financières. Dans certains cas, elles limitent leur intervention au seul service médico-pharmaceutique dont le fonds provient du Comité national de secours et d’alimentation. Dans d’autres, elles cessent toute activité. A la libération, la relance du mouvement est une priorité...

Le travail est énorme. En 1918, l’Alliance dénombre environ 1.000 sociétés pour un total de plus ou moins 100.000 membres. Elle doit faire face à l’essor du mouvement mutualiste socialiste et à l’entrée au gouvernement de ministres socialistes qui optent pour une politique mutualiste jugée “étatisante” et rejetant le principe de la liberté subsidiée.

En 1920, l’Alliance adopte un plan d’action visant à réorganiser l’action mutualiste locale et régionale.

De nombreux changements se dessinent pour l’Alliance nationale et son succès auprès de la population dépend de sa capacité d’adaptation et de réaction. Conscients des enjeux, les dirigeants de l’Alliance s’organisent... En 1920, ils adoptent un plan d’action visant à réorganiser l’action mutualiste locale et régionale. C’est sous cette impulsion que les sociétés reprennent leur activité. Sur le plan fédéral, les modifications sont importantes. Le secrétaire fédéral n’est plus un bénévole. Il devient un permanent rémunéré. Les fédérations de retraite et les fédérations de secours et d’invalidité fusionnent. L’ascendant de l’union nationale sur les fédérations et par conséquent sur les sociétés, s’accroît grâce à des nouvelles dispositions légales. A partir de 1920, les structures nationales sont les seules aptes à informer les fédérations des modifications légales. Ces mêmes fédérations sont contraintes dès 1923 de déposer leurs comptes à leur union nationale.

 

Un secteur en pleine expansion : les soins de santé

A partir de 1918, divers facteurs modifient le champ d’action de la mutualité dans le secteur des soins de santé. Le gouvernement s’engage dans une politique de santé publique et lance une série de réformes visant essentiellement la prévention des maladies.

La Mutualité chrétienne anticipe l’action gouvernementale. La lutte contre les maladies infectieuses est un des objectifs poursuivis par l’Alliance dès 1906 mais elle n’avait pu s’y atteler de façon définitive. La guerre change les données. En 1918, l’Alliance investit dans l’achat d’un bâtiment à Mont-sur-Meuse et le transforme en un sanatorium pour tuberculeux. L’œuvre du Mont-Thabor créée la même année et encouragée par l’Alliance permet aux

enfants mutuellistes chrétiens d’échapper à la maladie se déclarant dans leurs foyers. Cette mission de prévention est aux mains du service d’infirmières visiteuses dont la formation est réglementée par la loi de 1920. Ce service est mis en place par la fédération mais, afin de répondre aux normes légales d’octroi des subsides, c’est l’Alliance qui en a la gestion financière. Les premières infirmières arrivent sur le terrain dès 1925. Elles seront 147 à la veille de la seconde guerre. Leur rôle vise à éduquer les mères de famille aux questions d’hygiène, à leur donner des conseils, à dépister la maladie, à aider les familles à l’affronter, à rendre visite aux malades…

De nouveaux services dépendant de l’Alliance nationale des Mutualités chrétiennes sont créés sur le plan fédéral : la caisse de décès (complément à l’indemnité pour frais funéraires), la caisse maternelle (indemnités d’accouchement et de repos d’accouchement, consultations prénatales).

Certains services échappent à l’union nationale. Si en 1920, une disposition légale élargit le champ d’action du service médico-pharmaceutique à la famille et non plus au seul titulaire, sa gestion est confiée aux sociétés locales. La conclusion de conventions avec les médecins et les pharmaciens et surtout des spécialistes relève des fédérations lesquelles s’engagent progressivement dans la création de polycliniques.

 

L’assurance obligatoire en débat

L’élargissement des activités mutualistes est lié à l’octroi de subsides publics. On l’a vu plus haut, certains services ne peuvent être envisagés que grâce à ces interventions financières. Au fil des années, ces dernières ne font que s’accentuer. Dans de nombreux cas, les pouvoirs publics conditionnent ces subventions au caractère obligatoire des services.

Mais pour l’Alliance, ces incursions du gouvernement dans la gestion des services ont un effet pervers. Elle craint la centralisation que cela suppose et y voit les signes de la constitution future d’une mutuelle unique pour tous et donc de l’étatisation du système. Le débat sur le caractère obligatoire des assurances sociales est relancé.

Or, bien avant 1914, l’Alliance est partisane d’assurances certes obligatoires financées par trois sources (travailleurs, patrons, Etat), mais tout en maintenant le principe de la liberté pour l’affilié dans le choix de sa mutualité et pour la société qui demeure responsable de sa gestion. Les réformes imposées par les divers gouvernements sont autant de signaux d’alarme pour la Mutualité chrétienne. En 1924 et 1927, l’assurance pension est rendue obligatoire pour les ouvriers et les employés. En juin 1936, afin d’assurer un meilleur équilibre financier au sein des mutualités, des arrêtés ministériels imposent aux sociétés un minimum de 200 membres effectifs et octroient des subsides plus importants aux services organisés au niveau fédéral et national.

En 1936, le gouvernement décide d’examiner l’opportunité d’un système général de sécurité sociale. Pour l’Alliance, c’en est trop ! Elle rejette le caractère obligatoire des assurances. Elle justifie sa position par la pénétration grandissante de l’assurance libre au sein de la population, par la nécessité de maintenir le pluralisme dans le mouvement mutualiste. Et puis la prévoyance est une question personnelle qui relève de la volonté de l’individu !

Le débat sur un système obligatoire d’assurances est à nouveau interrompu par la guerre. Cette période sera mise à profit pour préparer l’avenir, c’est-à-dire la création de la sécurité sociale obligatoire !


 

L’après guerre 40-45 : une sécurité sociale obligatoire

A l’inverse des événements de 1914-1918, la Mutualité chrétienne s’efforce de reprendre ses activités dès la fin de l’exode en juillet 1940. Très rapidement, l’Alliance nationale des Mutualités chrétiennes établit un plan d’action qui vise à assurer le maintien des divers services. Le 28 décembre 1944, la loi portant sur la sécurité sociale obligatoire est votée.

 

Les conséquences de la guerre sont visibles : en 1940, le sanatorium de Mont-sur-Meuse est en grande partie détruit. L’Alliance s’oppose à l’occupant allemand lorsque celui-ci lance un projet d’une mutualité unique.

Durant cette période, des représentants du patronat et des syndicats élaborent le projet d’accord de solidarité sociale dont l’application a pour but d’assurer, lors de la libération, la paix sociale en vue de la reconstruction du pays. La question du caractère obligatoire des assurances sociales y est âprement débattue. Seuls deux secteurs restent libres en 1940 : l’assurance maladie-invalidité et l’assurance chômage. Au sein de l’ANMC non présente lors des discussions, les avis restent partagés et malgré leur crainte de voir le secteur des soins de santé étatisé, la plupart des fédérations ne s’y oppose pas.

Le 28 décembre 1944, la loi portant sur la sécurité sociale obligatoire est votée. Basée sur le principe de la solidarité, cette réforme qui entre en vigueur le 1er janvier 1945, ne concerne à cette date que les salariés, ouvriers et employés, du secteur privé. Le financement des divers secteurs (maladie et invalidité, pensions de retraite et de survie, chômage, allocations familiales et vacances annuelles) provient des cotisations des travailleurs, des patrons et de l’Etat. Ces dernières sont versées dans un organisme créé à cet effet : l’Office national de sécurité sociale qui répartit les fonds entre les différents secteurs.

Les tâches de la mutualité dans le domaine des soins de santé (maladie-invalidité) s’en trouvent modifiées. L’union nationale, en l’occurrence l’Alliance nationale des Mutualités chrétiennes, est reconnue comme seul organisme assureur responsable de la gestion de l’assurance obligatoire d’où une perte d’autonomie des fédérations et des sociétés. Par contre, la gestion de l’assurance libre relève directement de la fédération qui organise comme elle le souhaite ses services… à condition qu’elle en ait les ressources financières !

Dès le vote de la loi du 28 décembre 1944, l’ANMC et ses fédérations se lancent dans une campagne de recrutement sans précédent. Réunions, meetings, sont organisés dans quasi toutes les communes de Belgique. Des tracts et des circulaires sont régulièrement envoyés aux délégués des sociétés afin de les informer des nouvelles dispositions légales et leur faire comprendre l’importance de l’enjeu de cette campagne : amener vers l’organisation chrétienne tous les salariés et contrecarrer le socialisme.

Les premiers résultats sont encourageants : après un an de fonctionnement du régime, l’Alliance regroupe 585.989 affiliés titulaires.

 

Extension du champ d’application de la sécurité sociale

Le taux d’affiliation des affiliés obligatoires ne cesse de croître avec l’élargissement du marché du travail et du champ d’action de la sécurité sociale à d’autres catégories de personnes : les indépendants en 1964, les fonctionnaires en 1965, les handicapés en 1967… Les exigences administratives liées à la gestion de l’assurance sociale incitent

le mouvement à se professionnaliser tant sur le plan national que dans les fédérations. L’ANMC voit le nombre de ses employés augmenter de façon considérable : d’environ 10 en 1946, ils sont 270 en 1962. De nouveaux services apparaissent comme le service d’inspection, le service juridique… En 1948, le nouveau service de presse et de propagande lance une nouvelle publication, le journal “En marche” qui paraît pour la première fois le 15 mai 1948. (Lire l’encadré A suivre en page 7).

 

Le 1er janvier 1945, la sécurité sociale obligatoire entre en vigueur pour les salariés, les ouvriers et les employés du secteur privé.

Des réformes contestées

Dès la fin des années 1940, le secteur de l’assurance maladie-invalidité doit faire face à un déficit budgétaire. Pour le combler, le gouvernement prend des mesures d’assainissement qui entraînent une réforme du système. La Mutualité chrétienne s’y oppose avec fermeté car elle perçoit ces dispositions comme des tentatives d’étatisation. La mobilisation du mouvement à l’encontre de certaines initiatives gouvernementales est totale. C’est le cas en 1954 avec la publication d’un arrêté royal dû au ministre socialiste, Léon Troclet, limitant le rôle des unions nationales dans la gestion paritaire du Fonds national de l’assurance maladie-invalidité ayant en charge la répartition des fonds perçus entre les divers organismes payeurs…

La mobilisation est également effective en 1964. La loi du 9 août 1963, dite Loi Leburton, révise l’assurance maladie-invalidité et règle notamment les relations entres les dispensateurs de soins. Les médecins sont dans l’obligation de conclure des conventions avec les mutualités afin de fixer le montant de leurs honoraires. En 1964, les négociations médico-mutualistes échouent. Les médecins se mettent en grève dans tout le pays. L’Alliance est scandalisée et à sa suite, l’ensemble du mouvement ouvrier chrétien. Des initiatives sont prises en vue de pallier aux difficultés engendrées par cet arrêt de travail.

 

Les fédérations et l’assurance libre

Grâce à la loi de 1944, les fédérations mutualistes prennent en charge la gestion de l’assurance complémentaire libre. Les initiatives ne manquent pas. Dans les années 1950, la Mutualité chrétienne entend rendre la médecine accessible à tous. La création de centres de santé, de polycliniques est envisagée un peu partout. Cependant, la situation varie d’une fédération à l’autre. Certaines se lancent dans la fondation de polycliniques, d’autres optent pour des conventions avec les hôpitaux de leur région. Des cabinets dentaires, d’optique, de bandagisterie s’ouvrent indifféremment dans tout le pays à l’initiative des fédérations.

Le service de cures d’air préventives créé en 1949 par l’Alliance est progressivement remplacé par des séjours pour les enfants pendant la période de vacances scolaires. Ici aussi cette organisation varie d’une fédération à l’autre.

L’Alliance nationale, est reconnue comme organisme assureur responsable de la gestion de l’assurance obligatoire. La gestion de l’assurance libre relève directement des fédérations.

Chaque fédération définit donc sa politique en matière d’institutions médico-sociales et de services collectifs aux personnes. Au cours des décennies suivantes, ces services vont répondre à l’évolution de l’assurance obligatoire. Les uns sont créés pour répondre à une demande non encore rencontrée, les autres pour couvrir la diminution du remboursement autorisé (cas du service ambulance). Mais leurs réalisations sont suivies de près par l’Alliance qui intervient sous forme de subventions. Aujourd’hui, ces services sont le service social et les mouvements socio-éducatifs qui adoptent, souvent à l’initiative de l’Alliance dans les années 1970, le statut d’asbl : l’Association chrétienne des invalides et handicapés (ACIH) fondée en 1961 ; l’Aide aux malades (1978) ; Jeunesse & Santé (1971), l’Union Chrétienne des Pensionnés (UCP fondé en 1972).

Les services de soins et aide aux personnes à domicile se développent dès le début des années 1960. En 1964, l’Alliance signe un accord de collaboration avec la Croix jaune et blanche. En 1972, un accord semblable est signé avec les services d’aides familiales gérés par les mutualités féminines et le mouvement Vie féminine. Des accords identiques sont signés sur le plan fédéral, voire provincial. Certaines fédérations vont jusqu’à organiser leur propre centre de soins à domicile comme l’asbl Aides et soins à domiciles à Dinant en 1991.

Par ces actions, le mouvement mutualiste chrétien affirme sa volonté de rester à l’écoute de ses membres. Une législation sociale en évolution constante rend l’organisation de certains services difficile. Malgré ces contraintes législatives parfois combattues avec force, le mouvement entend offrir à ses membres formation et information. L’éducation à la santé fait partie de ses objectifs et l’incite à s’investir dans diverses campagnes d’action (abus des antibiotiques…).

 

Les structures mutualistes se démocratisent

La loi de 1894 garantit l’autonomie des sociétés locales et des fédérations. La loi du 6 août 1990 redéfinit les missions de la mutualité en fonction des dispositions émises par l’Organisation mondiale de la santé. La notion de “santé” est ainsi revue dans le sens d’un “état de bien-être physique, psychique et social”. Seules deux structures sont désormais reconnues : l’union nationale et la fédération car elles sont liées à la gestion de l’assurance obligatoire. C’en est fini des sociétés locales. Les rares qui subsistaient encore, disparaissent ce qui n’empêche pas l’organisation, dans certaines régions, de permanences mutualistes dans le but de ne pas perdre le lien avec le membre.

Le terme “mutualité” est protégé. C’est pourquoi les anciennes associations fédérales renoncent à l’appellation “fédération” pour adopter celui de “mutualité”.

La loi de 1990 introduit une nouvelle donnée pour les membres. Elle favorise la démocratisation des instances régionales. Tous les six ans, l’assemblée générale et le conseil d’administration sont renouvelés par élection. Elles ne peuvent comprendre plus d’un quart de personnes rémunérées par la mutualité. Les premières élections ont lieu en 1992.

 

Et aujourd’hui ?

La création des mutualités au 19e siècle était étroitement liée à la situation sociale difficile rencontrée à l’époque. Elle était aussi génératrice de la solidarité qui unit les travailleurs et les incite à exiger l’amélioration de leur sort. Au fil des décennies et au gré des diverses réformes sociales, la mutualité est devenue un partenaire indispensable dans la gestion de l’assurance maladie-invalidité. A cela s’ajoutent les nombreux services collectifs qu’elle offre à ses membres. Mais aujourd’hui beaucoup déclarent la sécurité sociale en crise. En fait c’est le principe fondamental régissant ce système, qui souffre le plus de ces prises de position : la solidarité !

Renée Dresse, CARHOP

www.carhop.be