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 Budget 2003 des soins de santé

La face cachée des chiffres (17 octobre 2002)

Le gouvernement fédéral vient de boucler le budget de l’État pour 2003. Sur fond de croissance économique terne, il dégage 1,5 milliards d’euros d’économies indolores pour financer de nombreuses promesses au parfum électoraliste. Plusieurs bonnes nouvelles tout de même pour les indépendants, les pensionnés, les enfants gravement malades et … les contribuables.

Avant le début du conclave budgétaire, les propos des futurs négociateurs n’étaient guère rassurants. Il n’y avait pas de marge budgétaire, le scénario le plus pessimiste prévoyait un déficit de la sécurité sociale de l’ordre de 700 millions d’euros, des aigris estimaient la croissance économique à 1,6 %, et chaque parti de la majorité jurait qu’il ne renoncerait pas à ses priorités. Des priorités pourtant antagonistes car, comment concilier hausse des dépenses avec réduction des recettes dans un contexte de croissance réduite.

 

Heureusement, le week-end a apporté de bonnes nouvelles. On ne parle plus du déficit de la sécu, la croissance économique atteindra 2,1 % et on peut créer des marges en réalisant des économies là où cela ne fait pas mal. En outre, et cela est particulièrement important pour les soins de santé, le dépassement budgétaire attendu en 2002 dans l’assurance maladie n’est plus d’actualité, on s’attend à des dépenses exactement égales au budget. L’Inami avait donc tort de nous inquiéter en annonçant un déficit de 180 millions d’euros. Dans la foulée, le gouvernement a réduit les estimations des dépenses de santé pour l’année prochaine en les ramenant à 15,4 milliards d’euros plutôt que 15,6 milliards d’euros (1). On ne peut évidemment que se réjouir de ces corrections techniques. Elles apportent en effet un ballon d’oxygène non négligeable qui permettra d’éviter des mesures d’économie.

 

Pour évaluer l’impact de cette correction il faut bien comprendre la signification des estimations réalisées par l’Inami. Cet institut réalise régulièrement des calculs techniques qui représentent l’évolution des dépenses à législation constante, ce qui signifie en absence de tout changement des remboursements. Aucune nouvelle prestation, aucun nouveau médicament ne sont remboursés et rien ne se voit “ déremboursé ”. Ces calculs s’élevaient donc à 15,6 milliards d’euros (voir petit 1 dans le tableau 1) (627,3 milliards BEF) mais les membres du gouvernement ont jugé qu’ils étaient surévalués et les ont corrigés à un niveau pratiquement égal au budget qu’ils décidaient d’octroyer à l’assurance maladie (voir petit 2 dans le tableau 1).

 

Tableau 1 : Les différentes propositions budgétaires pour 2003

 

Milliards BEF Milliards EUR

Budget 2003 – Propositions des mutualités

627,0

15,5
Budget 2003 – Propositions des prestataires

647,3

 16,0
Budget 2003 – Proposition des partenaires sociaux

605,8

 15,0
Calculs techniques 2003 (1)

627,3

15,6
Calculs techniques 2003 corrigés par le gouvernement

620,6

15,4
Budget 2003 décidé par le gouvernement (2)

618,9

15,3

 

 

Un budget réellement équilibré ?

Un budget proche des dépenses auxquelles on doit s’attendre assure d’atteindre l’équilibre mais ne permet pas d’innover dans le remboursement des soins. Et pourtant la presse a relayé un certain nombre d’initiatives intéressantes pour le patient. Un petit détour arithmétique s’impose donc pour saisir comment l’étau budgétaire s’est desserré (Voir tableau 2)

Le gouvernement estime le montant des dépenses pour 2003 à 620,6 milliards BEF et prévoit des nouvelles initiatives pour un montant de 2,5 milliards BEF. Sans mesures d’économie, les dépenses devraient donc s’élever à 623,1 milliards BEF en 2003. Cependant, le gouvernement a trouvé des économies pour un montant de 4,3 milliards BEF, ce qui devrait ramener les dépenses à un niveau compatible avec le budget fixé. On dégagerait même une petite marge de 4 millions d’euros.

 

Tableau 2 : Équilibre budgétaire – nouvelles dépenses et économies

 

Milliards BEF Milliards EUR

Calculs techniques 2003 (a)

620,6

15,384

Nouvelles initiatives (b)

     2,5

  0,063

Mesures d’économies (c)

     4,3

 0,108

Dépenses attendues en 2003 (a) + (b) - (c)

 618,8

15,339

Budget fixé pour 2003

618,9

15,343

Marge disponible

0,1

 0,004

 

 

Des mesures positives mais insuffisantes

Parmi les nouvelles initiatives, on retrouve des avancées pour une meilleure accessibilité des soins. La facture sera allégée pour les parents d’enfants gravement malades (2), pour les personnes qui doivent acquérir des chaises roulantes (3) et pour les patients qui sont soignés à l’aide de matériel médical particulier. On se souvient que le Ministre voulait déterminer une liste exhaustive de matériel médical qui aurait pu être facturé au patient hospitalisé. Les éléments de cette liste sont à présent repris dans la nomenclature et seront remboursés par l’assurance maladie à concurrence de … 10 %. Voilà certainement le bémol le plus important à apporter à cette mesure présentée comme une victoire de la solidarité sur l’inégalité d’accès au progrès technologique. Le patient devra donc supporter 90 % du prix de produits très coûteux. Globalement, la charge du patient dépassera les 50 millions d’euros. Bien sûr, pour les plus défavorisés, ces montants seront pris en compte dans le Maximum à Facturer (MAF). Mais ils n’en bénéficieront que s’ils sont suffisamment malades pour atteindre le plafond au-delà duquel une partie de la charge financière du patient est remboursée (4). Cette proposition est un premier pas certes, mais très insuffisant comparé aux revendications des mutualités chrétiennes.

Tout le monde s’accorde à dire que la médecine générale doit être revalorisée. Le syndicat médical qui représente les médecins généralistes revendiquait la consultation à 20 euros et la visite à 30 euros, soit une hausse de respectivement 25 et 50 % des honoraires actuels. Le ministre des Affaires sociales affirme adhérer à la cause des prestataires de première ligne mais le budget qu’il leur accorde est loin de correspondre aux espérances que suscitent ses déclarations médiatiques. En effet, les revenus des généralistes augmenteront tout au plus de 3 %.

 

Qui va payer ?

Pour financer ces quelques améliorations, on aurait pu chercher des recettes nouvelles ou simplement réduire l’ampleur de la réforme fiscale. Le choix s’est plutôt porté sur des mesures d’économie au sein du secteur des soins de santé et en particulier sur celui des médicaments. Ce que l’on donne d’une main, on le reprend de l’autre. La marge bénéficiaire des pharmaciens sera en quelque sorte bloquée au niveau de 2002. Et elle sera même réduite lorsqu’ils vendront des médicaments génériques. Jusqu’à présent, qu’il vende une spécialité originale ou un générique, le pharmacien percevait toujours une marge calculée en pourcentage du prix de la spécialité. Il n’était donc pas pénalisé financièrement en vendant un générique (moins cher pour l’assurance maladie et le patient). Dorénavant, sa marge sera calculée sur le prix du générique ! On est en droit de se demander si c’est bien la meilleure manière de promouvoir la consommation de médicaments génériques.

En outre, le prix du générique devra atteindre un niveau au moins inférieur de 26 % à celui de la spécialité de base. C’est évidemment une bonne nouvelle pour l’assurance maladie et le patient si le médicament prescrit est un générique. S’il ne l’est pas, le patient paiera encore plus cher (5).

Ce n’est pas tout, sous le titre sibyllin “ ajustement du remboursement ”, le ministre annonce que des médicaments contre l’asthme et les douleurs gastriques changeront de catégorie de remboursement et coûteront ainsi jusqu’à 50 % de plus pour le patient.

Et pourtant, l’assurance maladie semblait être sortie “ victorieuse ” des débats budgétaires. On a octroyé une hausse de 6,46 % par rapport au budget 2002, c’est-à-dire plus de 37 milliards de francs belges. C’est beaucoup trop, selon la Fédération des entreprises de Belgique (FEB) dont les représentants oublient qu’un système de protection sociale aux mailles bien serrées contribue à maintenir le bon niveau de productivité des travailleurs et employés. C’est beaucoup trop peu, estiment la plupart des représentants d’organisations de prestataires de soins. Où se trouve donc la vérité ? Elle ne sortira pas nécessairement de la bouche de ceux qui s’expriment le plus et ont voix (médiatique) au chapitre. Elle apparaîtra plus certainement sur le visage de ceux qui, confrontés à la maladie, devront supporter une lourde charge financière en plus de la souffrance physique et psychique qui les accable. Depuis plusieurs années déjà nous formulons les mêmes craintes quant aux effets à moyen terme des mesures d’économie et des sous-financements structurels. La hausse actuelle est substantielle dans l’absolu mais insuffisante pour compenser les failles qui s’élargissent dans le système de remboursement, pour compenser les frustrations que ressentent un nombre croissants de prestataires et pour réduire la facture du patient qui s’alourdit un peu plus à chaque contrôle budgétaire. Perette en trébuchant voyait tous ses rêves blanchir le sol, dans notre cas, il n’est pas nécessaire que nous chutions, le pot n’est pas très rempli quoiqu’en dise l’étiquette.

Christian Léonard

R & D

 

(1) Exprimée en euros cette différence semble insignifiante mais il s’agit tout de même d’une réduction de près de 8 milliards de francs belges.

(2) )Mesure limitée aux enfants de moins de 16 ans.

(3) Entrée en vigueur le 1er octobre 2003.

(4) Le MAF est un système qui étend celui de la Franchise sociale et fiscale et qui établit une sélectivité des remboursements en fonction des revenus.(Voir page 2) -

(5) Dans ce cas, et il s’agit ici du système du prix de référence introduit en juin 2001, le remboursement dont doit bénéficier le patient sera calculé sur le prix du générique. Ce dernier étant encore moins cher, le remboursement sera d’autant réduit, c’est donc le patient qui paiera. (Voir En Marche , 1er août 2002)