International
(1er octobre 2009)
Un “autre monde”
avec les
mutuelles de santé
La
santé n’est pas seulement l’affaire des soignants ni des pharmaciens. La
santé dépend en premier lieu des conditions de vie. Voilà pourquoi les
mutuelles de santé ne revendiquent pas seulement l’accès pour tous à des
soins de qualité. La promotion de la santé, c’est bien plus encore!
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Un
partenariat naissant
entre la
Mutualité St-Michel et
les
mutuelles de santé du Nord Kivu
en RD
Congo. |
@ Greet
De Ceukelaire |
C’est,
entre autres, ce qui ressort de la rencontre internationale organisée
par la Mutualité chrétienne avec ses partenaires africains et ceux des
pays de l’Est (1). «Le mutualisme, explique
Philippe De Leener, Président de l’ong Inter-Mondes et professeur à
l’UCL (2), n’est pas seulement une technique de
management, mais aussi, véritablement, un programme politique au sens où
il fournit des principes qui structurent le ‘vivre ensemble’ (…)
Lorsqu’on défend l’option mutualiste, on défend aussi une certaine
conception de l’économie, fondée sur la solidarité, la coopération et la
redistribution transformatrice, une économie qui rejette le profit comme
horizon et qui place l’intérêt général et le bien-être généralisé au
premier rang…»
Historiquement, en
Europe, le mutualisme est né avec le mouvement ouvrier, comme «une
alternative à la brutalité du capitalisme industriel», contre la
concentration des richesses. On a pu croire un temps que l’économie
mondiale, grâce aux logiques marchandes soutenues par le libéralisme
économique, nous conduirait vers un progrès sans fin. Mais, comme le
constate Jean Hermesse, Secrétaire général de la Mutualité chrétienne,
«le rêve est devenu un cauchemar». La croissance a surtout enrichi les
riches. Elle a peu bénéficié aux plus pauvres. Aujourd’hui, 2% de l’humanité
détient la moitié du patrimoine des ménages. La moitié de la population
mondiale en détient 1%. Le patrimoine des 225 personnes les plus riches de
la planète dépasse le revenu cumulé d’un groupe représentant 47 % de la
population mondiale, soit 2,5 milliards de personnes. La croissance, telle
qu’on la vit, aggrave les inégalités partout. La croissance économique n’a
pas favorisé de manière égale le développement humain. Elle épuise la
planète et provoque une crise écologique.
Un devoir de prise d’initiatives
Voilà pourquoi le
travail des mutualités, du Nord au Sud, n’a de sens que s’il participe à la
refondation de nos sociétés. Les mutualités ont à «transformer la société
en même temps que de régler les problèmes de vie quotidienne», affirme
Philippe De Leener. Au-delà de la dénonciation, «il faut, ajoute Jean
Hermesse, une adhésion personnelle pour s’engager dans un autre modèle de
société. Il s’agit d’inventer un autre ‘vivre ensemble’ en investissant dans
les réseaux de solidarité. Il faut affirmer des choix politiques
alternatifs».
Sachant que les soins de
santé n’interviennent que pour quelque 20% dans l’amélioration de la santé
publique, il est impératif d’agir sur les conditions de vie, de mesurer
l’impact sur la santé de toute décision politique, économique,
industrielle... Les soins de santé doivent être financés par la solidarité
la plus large possible. La santé publique doit être soutenue par la
recherche scientifique et la réponse aux besoins des malades plus que par
une industrie pharmaceutique qui travaille en fonction de rendements
financiers: «Les mouvements sociaux, dans la situation actuelle, ont un
devoir de mobilisation et de prise d’initiatives.» Les mutualités sont
concernées parce qu’il est évident que «se battre pour la santé de tous
implique nécessairement de s’engager dans un autre modèle de société».
Des mutuelles de santé,
du Nord au Sud
C’est dans ce contexte
international difficile que les mutualités ont à affronter des situations
bien différentes. Mais ce sera toujours en poursuivant les mêmes objectifs
de solidarité, en étant des entreprises sociales soucieuses du bien commun,
participatives et proches des gens.
La région des Grands lacs
(le Burundi, le
Rwanda et la République démocratique du Congo) a connu des conflits armés
récurrents. Cela n’a pas favorisé le développement régional. Aujourd’hui, la
paix s’installe. La volonté affirmée des dirigeants est d’améliorer l’état
de santé de leurs populations. Ils souscrivent aux actes internationaux en
matière de santé. Mais ces trois pays n’échappent pas aux problèmes majeurs
qui influencent négativement la prévoyance sociale en Afrique: «Le
pouvoir d’achat de la population est très faible et ces pays, après une
longue période de guerre, sont toujours en phase de transition, partagés
entre les perspectives de développement et les questions d’urgence»,
explique Anatole Mangala, directeur adjoint au Programme national des
mutuelles de santé de la RDC. A part le Burundi qui vient de bénéficier
d’un allègement de sa dette extérieure, le fonctionnement du système de
santé dans les États des Grands Lacs reste largement tributaire de l’aide
extérieure.
En
Afrique de l’Ouest,
un règlement
supranational sur les mutuelles de santé vient d’être adopté par l’Union
économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA). Des pays comme le Ghana et
le Rwanda ont mis en place un système d’assurance maladie obligatoire.
D’autres l’ont programmé à court terme (Mali, Burkina Faso et Bénin).
«Dans un environnement économique défavorable, les populations ont été
amenées à s’organiser afin d’assurer elles-mêmes leur prise en charge
sanitaire, explique Lamine Mariko, expert en micro-assurance santé au
Burkina Faso. De nombreuses organisations ont été créées en vue d’assurer
une forme de protection sociale pour les populations non couvertes par les
systèmes formels de sécurité sociale. Ces systèmes apparaissent comme une
alternative crédible aux difficultés et/ou insuffisances relevées dans le
fonctionnement des régimes légaux.» Malgré leurs faiblesses actuelles,
les initiatives mutualistes, les valeurs qu’elles défendent et leurs
principes de fonctionnement apparaissent comme un modèle de bonne gestion et
de démocratie participative à encourager.
Partout où les mutuelles
de santé se développent, elles restent confrontées à des problèmes de
reconnaissance institutionnelle. En Afrique, comme dans les pays de l’Est,
le problème essentiel pour l’avenir est «l’intégration des systèmes
mutualistes dans les stratégies nationales et internationales d’accès aux
soins de santé».
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Philippe
De Leener :
“Lorsqu’on défend l’option mutualiste,
on
défend aussi une économie fondée sur la solidarité,
la
coopération et la redistribution
transformatrice”. |
@ Greet
De Ceukelaire |
Dans les pays de l’Est,
particulièrement en Pologne, l’histoire récente incite à la méfiance à
l’égard des systèmes publics. La Pologne laissera-t-elle l’occasion aux
mutuelles de santé non commerciales de se développer?, s’interroge
Magdalena Machalska, chercheuse au Collège de Bruges. A la suite de la
chute du régime communiste, l’assurance maladie obligatoire et
universelle pour tous a été instaurée à la fin des années
1990.Toutefois, en raison des ressources financières et humaines
insuffisantes, l’accès aux soins de santé est sérieusement restreint
alors que la Constitution polonaise garantit en principe à tout un
chacun l’accès aux soins de santé. Les autorités politiques polonaises
débattent actuellement de la possibilité d’élargir la gestion du système
de santé aux acteurs privés. Tôt ou tard, des changements dans la
gestion et le financement de la protection de la santé devront avoir
lieu. Le processus pourrait même s’accélérer sous l’impulsion de l’Union
européenne. L’enjeu sera d’assurer que ce développement aboutisse à une
société respectueuse des valeurs de solidarité, favorable au secteur non
gouvernemental, dont la logique de l’économie sociale demeure la force
motrice. «Il existe des expériences réussies, notamment celle de
l’Association de l’aide mutuelle ‘Flandria’ qui, semble prête, grâce
entre autres au soutien apporté par la Mutualité chrétienne, à faire
face aux nouvelles circonstances du secteur de la santé», affirme
Magdalena Machalska. Cette coopération internationale, ajoute-t-elle,
est «d’une grande importance pour pouvoir assurer le développement
continu de la solidarité au sein de la société polonaise.»
Marc Justaert, président
de la Mutualité chrétienne devait conclure ces deux journées d’échanges en
se félicitant d’avoir découvert à la fois tant de différences, mais aussi
tant de convergences: «Le sacro-saint libéralisme ne peut tout
réglementer. Le fossé s’agrandit entre les pays. Aujourd’hui, nous avons
l’obligation de développer une vision mondiale de l’action mutualiste, de
susciter la collaboration entre les mutualités et d’assurer à chaque
mutualité une place au sein du système social de chaque pays.»
Christian Van Rompaey
(1) «L’intégration des systèmes mutualistes dans les
stratégies nationales et internationales d’accès aux soins de santé».
Colloque international organisé par la Mutualité chrétienne les 17 et 18
septembre derniers. Infos:
www.cooperationinternationale.mc.be - 02/246.43.31.
(2) Pour plus d’infos:
www.inter-mondes.org -
philippe.deleener@uclouvain.be
Le partenariat en question |
Le
partenariat est devenu un mot magique. C’est comme si le monde du
développement, mais aussi celui de l’entreprise, les sphères
politiques, les organisations internationales, les universités, les
banques… n’étaient désormais peuplés que de partenaires. Il n’y a
plus de clients, mais des partenaires. Plus de puissants ni de
faibles, mais des partenaires. Plus d’employés face à des patrons,
seulement des partenaires. Que signifie donc ce concept de
partenariat qui semble évacuer les différences alors que ses
partisans “angélisent” ces différences?
Une
investigation a été menée au sein du réseau de la Mutualité
chrétienne par Philippe De Leener (1).
Portant la réflexion sur les partenariats internationaux des
mutualités, elle met en lumière des tendances qui n’interpellent pas
seulement la Mutualité, mais aussi tous ceux qui sont engagés dans
les relations Nord-Sud, ou dans bien d’autres domaines où le recours
au concept de partenariat semble être devenu pour ainsi dire
automatique(2). Quelques pistes sont
prudemment esquissées afin de prendre au sérieux le partenariat afin
«d’en faire une ressource à la fois pour agir sur soi et pour
agir sur le monde autour de soi.»
(1) Plus d’infos au service coopération
internationale de la Mutualité chrétienne: 02/237.49.12.
(2) Lire la réflexion sur les partenariats
sur www.inter-mondes.org
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