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Pour un modèle social européen ( 3 juin 2004)

 

La Mutualité chrétienne a appelé à manifester ce 5 juin 2004 avec les syndicats, les organisations non gouvernementales (ONG) et les associations contre la “libéralisation des services” au sein de l’Union européenne. Des dispositions fondamentales du projet de Directive présenté à la Commission européenne, sur proposition du Commissaire Bolkestein, entameraient sérieusement le droit à la protection sociale et l’accès aux prestations de services essentiels aux citoyens européens, notamment dans le domaine de la santé.

 

Au mois de janvier dernier, la Commission européenne présentait une proposition de directive “visant à réduire la paperasserie qui étouffe la compétitivité”(1) . Celle-ci vise à créer un véritable marché européen dans le secteur des services en demandant aux États membres de supprimer les charges administratives et la paperasserie superflue qui empêchent actuellement les entreprises d’offrir leurs services ou d’ouvrir des établissements dans d’autres États membres de l’Union européenne.

Cette proposition concerne une vaste gamme d’activités économiques puisque les services concernés représentent quelque 50% de l’activité économique de l’Union européenne et environ 70% de l’emploi et du PNB. Le Commissaire européen, Frits Bolkestein, ne craint pas de manquer de modestie quand il déclare : “Cette directive pourrait bien être l’impulsion la plus forte donnée au marché intérieur depuis sa création en 1993”. Il ne craint pas non plus d’afficher une détermination qui n’entend pas souffrir la moindre contradiction : “…il ne sert à rien d’avancer comme un éléphant dans un magasin de porcelaine : nous devons être cohérents, pragmatiques et coopératifs. La directive proposée impliquerait que les États membres passent au crible et modernisent leurs régimes réglementaires de telle sorte qu’un esprit de coopération et de confiance mutuelle se construise. C’est la meilleure manière d’assurer que les prestataires de services ne doivent plus franchir d’obstacles réglementaires superflus. Nous devons donc l’adopter et la mettre en œuvre aussi rapidement que possible.”

 

Quand le social fait “obstacle”…

L’objectif de la directive est d’établir “un cadre juridique général en vue d’éliminer les obstacles à la liberté d’établissement des prestataires de services et à la libre circulation des services au sein des États membres (…). Il s’agit de tous les services fournis aux consommateurs et aux entreprises à l’exception de ceux fournis directement et gratuitement par les pouvoirs publics dans l’accomplissement de leurs obligations sociales, culturelles, éducatives ou légales. Elles ne concernent pas non plus les services déjà couverts par une législation européenne spécifique : services financiers, télécommunications, transports.

La directive concerne un très large éventail d’activités comme la distribution, la construction, les services de loisirs, la publicité, les agences de placement, les services audiovisuels, les services de sécurité, les cabinets d’architecte ainsi que les services de santé et de couverture de soins de santé… Cette liste n’est pas exhaustive.

Il s’agit donc d’éliminer ce que la directive appelle “les obstacles” à l’établissement et à la libre circulation des services, les obstacles étant ce que le Commissaire Bolkestein désigne comme des “restrictions nationales archaïques, pesantes et en contradiction avec la législation européenne” (1).

En fait, ce que le Commissaire appelle des archaïsmes nationaux ce ne sont pas seulement des règles étroitement protectionnistes, ce sont aussi très souvent, comme l’écrit Raoul Jennar, docteur en sciences politiques et chercheur auprès de Oxfam (2) “des dispositions arrêtées par les pouvoirs publics dans l’intérêt d’une meilleure prestation du service concerné du point de vue de la gestion des deniers publics, de l’accès de tous au service, des garanties fournies quant à la qualité du service, du droit au travail, des règles tarifaires, des réglementations visant la publicité. Ces “obstacles” ciblés par la Commission européenne, ce sont les dispositions arrêtées pour éviter que l’immense secteur des services devienne une jungle où se livre une concurrence débridée parce que la recherche de la rentabilité et du profit est la finalité première.”

 

Le tiercé de la directive “Bolkestein”

La directive “Bolkestein” repose sur trois principes.

 

1. La règle du pays d’origine

Au terme de celle-ci le prestataire de services ne serait plus désormais soumis qu’aux dispositions nationales du pays où il est établi et non à la loi du pays où il fournit le service. L’entreprise qui travaillera en Belgique au départ de la Tchéquie (ou de n’importe quel autre pays européen) ne devra pas observer l’ensemble des conventions salariales et réglementations sociales belges (horaires de travail, prépension, sécurité sociale…). Voilà donc la Commission européenne qui s’apprête à dispenser un prestataire de service de respecter la législation des autres pays de l’Union.

 

2.La suppression des autorisations - jugées inutiles - pour l’exercice de certaines activités

Les pouvoirs publics seraient ainsi dépossédés de moyens d’action en vue d’assurer une politique de santé de qualité et accessible. En effet, les autorisations dont il est question sont aussi les règles sociales ! Les normes de personnel, par exemple, que notre législation impose aux hôpitaux et maisons de repos pourraient être interdites. Ces normes, qui concernent la qualification et le nombre d’infirmières et d’aides-soignantes par lit, sont pourtant insuffisantes… La directive est ainsi en contradiction avec le principe dit “de subsidiarité” qui veut que “l’action de la Communauté dans le domaine de la santé publique respecte pleinement la responsabilité des États membres…” (Art. 152-5 du Traité instituant la Communauté européenne).

 

3.La mise en exergue de la confiance mutuelle et de la coopération entre États membres

Ce sont les inspections sociales des pays d’origine qui effectueront les contrôles quant au respect de leur législation dans un autre pays de l’Union. On peut douter du fait que les autorités du pays d’origine puissent effectuer correctement les contrôles nécessaires au-delà de leurs frontières. Le résultat le plus clair est que l’inspection belge sera mise hors course.

 

Veut-on déstabiliser notre systèmes social de santé ?

La Mutualité chrétienne s’oppose à la proposition de directive de la Commission européenne de libéralisation des services parce que la santé et l’ensemble du système de couverture des soins de santé sont particulièrement concernés par les dispositions de cette directive : si elle devait s’appliquer, explique Jean Hermesse, Secrétaire national de la Mutualité chrétienne, “notre système social de santé serait complètement déstabilisé” (3).

Si l’on applique les principes de la directive Bolkestein, il sera de plus en plus difficile d’imposer à un prestataire de services de santé :

des tarifs obligatoires minimum et/ou maximum pour les médicaments et pour les honoraires;

des normes d’encadrement minimales en termes de personnel pour les maisons de repos et dans les hôpitaux;

des conditions de subsidiation tenant compte du mode de financement spécifique des soins de santé;

des normes de qualité des soins prodigués;

Comme on le voit, le droit à la protection sociale et l’accès aux prestations de services essentiels aux citoyens européens, notamment dans le domaine de la santé seront profondément remis en question: “En permettant l’offre des assurances privées commerciales, sans barrières et sans règles d’intérêt général, l’exclusion et la segmentation vont s’accroître et leur logique risque de déséquilibrer notre modèle social de santé.”

Il ne peut y avoir de libéralisation du commerce des services dans le marché intérieur de l’Union européenne si le projet de directive actuel ne prend pas en compte la spécificité des services non-marchand (hors commerce). Par ailleurs, il est tout à fait inconséquent d’avoir déposé maintenant ce projet de directive alors que la discussion sur les Services d’Intérêt Général (SIG) au niveau européen lancée après la publication d’un Livre Vert devait contribuer à donner aux services d’intérêt général une plus grande sécurité juridique (4).

 

Christian Van Rompaey

 

 

(1) Pour lire le texte complet du projet de directive : http://www.europa.eu.int/comm/internal_market/fr/services/services/index.htm

(2) Lire l’analyse complète de Raoul Jennar sur www.urfig.org

(3) http://www.enmarche.be/Editos/Editos_2004/Grand_marche_europeen_sante.htm 

(4) http://europa.eu.int/eur-lex/fr/com/gpr/2001/com2001_0366fr01.pdf    

 

 

 

Prises de position

La Confédération européenne des syndicats

 

La CES, en général mesurée dans ses prises de position, a fait une déclaration particulièrement ferme :

“…Dans l’état actuel des choses, le projet est totalement in complet, et menace de nuire aux conventions collectives existantes, aux codes de travail nationaux, et au succès du modèle social européen en général. Pour ces raisons, la CES ne peut le soutenir(…)

La CES constate que la proposition ne distingue pas les différents types de service et leurs objectifs distincts, et par conséquent ne détermine pas clairement les services qu’elle couvrirait. Les syndicats européens ont longtemps réclamé une directive-cadre sur les services d’intérêt général (SIG), couvrant la santé et d’autres services essentiels ou un simple rapport fournisseur-consommateur ne s’applique pas. Selon la Confédération européenne des syndicats, ceux-ci ne peuvent être sujets aux mêmes règles que les services commerciaux tels que la vente au détail ou les promoteurs immobiliers, comme le propose le projet actuel.”

 

Lire le texte complet : www.etuc.org/fr  

 

Le Ministre de la santé publique

 

Les services de santé ne peuvent être considérés comme un service commercial ordinaire sur le marché, affirme le Ministre Rudy Demotte :

“Via le projet de directive sur les services sur le marché intérieur, la Commission européenne veut maintenant considérer également les soins de santé comme un service purement économique sur le marché. Concrètement, cela signifie que des mesures ou des décisions des autorités relatives à des autorisations, des agréments, des établissements, des exigences de qualité, etc. dans le secteur de la santé seront à l’avenir explicitement contrôlées et soumises à un certain nombre de critères économiques tels que l’interdiction de discrimination, la nécessité et la proportionnalité. De ce fait, la marge de manœuvre des États membres dans les soins de santé sera limitée et dépendra de l’interprétation de la Commission et de la Cour. La Commission européenne veut ainsi notamment donner une base juridique aux arrêts de la Cour de Justice.”

Lire le texte complet : www.rudydemotte.be/communiques_asp 

 

 

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