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International ( 16 juin 2005)

 

Crise et chaos après le tsunami

 

Voici bientôt six mois que le tsunami a frappé les côtes de “la perle de l’Océan Indien”, le Sri Lanka. Malgré l’afflux d’aide internationale, la construction d’abris temporaires n’avance que très lentement. Quant à la reconstruction proprement dite, elle est bloquée. Au Nord et à l’Est, les habitants des zones sous contrôle des rebelles tamouls attendent toujours de recevoir leur part de l’aide internationale.

R
ares ont été les jours où les quotidiens sri lankais n’épinglaient pas la visite d’un chef d’Etat ou d’un ministre étranger, venu dans la Capitale avec un gros chèque à la main. Du moins pendant les quatre premiers mois post tsunami. Le Gouvernement sri lankais lui-même a annoncé avoir reçu des dons ou promesses de dons pour quelque 3 milliards U$ alors que le coût de la reconstruction a été estimé à 2 milliards U$. Ce ne sont donc pas les fonds qui manquent !Que se passe-t-il alors dans ce pays qui a pu, plus que d’autres, émoustiller la générosité du reste du monde grâce aux nombreux ex-touristes reconnaissants et surtout, à la gentillesse légendaire de ses habitants ? Juste après le tsunami, le sourire était encore sur les visages, même de ceux qui avaient beaucoup perdu et ouvraient encore leur porte à l’étranger de passage. Certains ont même offert leur lit à des touristes rescapés.Aujourd’hui, les sourires sont plus figés, comme “atterrés” au sens littéral du terme. Indéniablement, les insulaires qui habitent le long des côtes, vivent dans une peur de tous les instants. Peur-panique d’un nouveau tsunami ! Certains ne dorment plus et se relaient pour surveiller la mer. Le 27 mars dernier, un tremblement de terre en Indonésie, suivi en pleine nuit d’une alerte générale au tsunami, alimentait le moulin de leurs angoisses. 25 personnes sont mortes dans la frayeur du sauve-qui-peut : accidents de la route, infarctus, suicides...! Mais qui a pris la mesure de leur angoisse ? Quels media étrangers ont répercuté le problème ?Mais il y a bien plus. Les Sri Lankais sont las de voir les défilés en gros 4x4 de grandes organisations humanitaires ou de personnalités sans voir leur quotidien s’améliorer. “Où est parti l’argent ?”, s’interroge une mère de famille, réduite à poser sa tente sur les fondations de sa maison rasée, comme pour sauver un titre de propriété.Plus de la moitié des familles touchées par le tsunami sont encore déplacées. La plupart, soit plus de 400.000, ont dû trouver refuge chez des proches, surtout avec l’arrivée des pluies diluviennes de mousson depuis début avril sur les côtes sud et ouest. Les plus mal lotis sont sous la tente posée à même les décombres. Dans les camps, plus organisés, l’armée est censée assurer une certaine surveillance mais ce n’est nullement une garantie de sécurité ! Les hommes redoutent les bastonnades et les femmes les viols. Sous la tente, la chaleur moite et humide s’avère insoutenable et la température dépasse facilement les 40°C. L’ennui et la violence guettent.Au niveau de la construction des abris temporaires, on n’a encore couvert qu’un peu plus de la moitié des besoins estimés pour l’ensemble du pays. Pourquoi ?

 

Trop d’ONG, trop de Gouvernement
Dans le port et l’aéroport de Colombo, 250 conteneurs d’aide urgente venant de différentes ONG ont été bloqués pendant six semaines. A tel point que des tonnes de vivres périssables ont dû être jetés ! Le Gouvernement, qui avait déclaré ne pas taxer l’aide humanitaire, tente d’imposer des taxes qui varient de 15 à 100%. “Si l’ONG refuse, le Gouvernement “propose” de distribuer lui-même l’aide sous son nom ou bloque tout”, explique le coordinateur de Caritas (Secours Catholique). Le pouvoir se défend en reprochant aux organisations humanitaires de ne pas se fournir prioritairement dans le pays.Le bois, également bloqué dans le port, manque cruellement pour la construction d’abris provisoires. Le Gouvernement entend avoir la main sur tout et a même, à un certain moment, interdit la distribution de tentes. En matière de dédouanement comme d’autorisations, la politique change continuellement. “Tous les jours, on crée de nouvelles structures. Autant de freins pour l’aide humanitaire, sans parler de la corruption, dénoncée de toutes parts!”De son côté, le Gouvernement reproche aux ONG leur manque de transparence. Côté belge, par exemple, il est vrai qu’il est plus facile d’obtenir la ventilation des dons ou l’impact des shows TV que les rapports financiers et narratifs, même succincts des ONG constituant le consortium 12-12. Alors que des montants énormes sont en jeu. Le tsunami fait recette : les ONG belges ont reçu plus de 50 millions d’euros via le 12-12 !“L’aide est partie partout comme un feu de paille, puis on s’est rendu compte de la désorganisation, confiait fin mars un humanitaire belge. Il y a trop d’ONG; tout le monde veut tout coordonner et nous passons nos journées en réunions. On se précipite pour prendre un chantier; on se trouve alors devant des formulaires à l’infini et c’est le blocage”. Au détriment du travail sur le terrain ! A tel point que le coordinateur d’une ONG nous confiait que travailler directement avec une congrégation religieuse sri lankaise ou des personnes-relais de confiance se révélait souvent plus efficace. Ainsi, au nord, à Mullaitivu, dans une zone sous contrôle des rebelles tamouls, les Soeurs du Bon Pasteur ont offert 15 bateaux aux pêcheurs à la mi-mars. Réaction : “Les ONG nous ont fait des promesses mais vous êtes les premier(e)s à nous rendre un outil de travail”.Parfois, on est en droit de se poser des questions par rapport aux priorités des organisations humanitaires, quand on les voit surtout préoccupées de “ visibilité”. Comme s’il s’agissait d’une sorte de concours à qui placera le plus de logos dans les camps de sinistrés. Certains réservoirs à eau arborent un nom de donateur à l’avant et un autre à l’arrière.

 

Politisation de l’aide et disparités
La construction d’abris dits provisoires et à fortiori, la reconstruction de maisons, accusent des retards fous. Pour pouvoir reconstruire, fut-ce un abri, il faut respecter une distance minimale de la côte, fixée à 100 ou 200 mètres, suivant les régions. Mais le terrain à bâtir fait cruellement défaut. Les humanitaires ont vainement plaidé pour un assouplissement de la règle, à tout le moins pour les abris temporaires. Seuls les hôtels situés au Sud ont pu, jusqu’ici, reconstruire même à moins de 100 mètres du littoral ! Il est vrai que le Sud est la vitrine touristique du Sri Lanka et le fief des personnalités politiques de premier plan… Par-delà le fait que la région est plus accessible et que les dégâts ont été plus vite connus, serait-ce un hasard que la coopération belge, civile comme militaire, se soit d’emblée focalisée dans cette zone ? Bien sûr, c’est une région chère au consul belge, un grand homme d’affaires qui y a développé son industrie de pneumatiques et y a aussi sa seconde résidence et son yacht. C’est lui qui a piloté les délégations des officiels belges.La répartition de l’aide n’est pas toujours proportionnelle à l’ampleur du sinistre, loin s’en faut! Ainsi, à Trinchomalee, au Nord, la quantité de riz donnée par le ministère compétent dépasse à peine de 10 % celle octroyée au district de Matara, alors qu’il y a pourtant huit fois plus de personnes déplacées ! Galle, au sud, a reçu 34 fois plus d’aide financière que Mullaitivu, au nord, pour “seulement” 6 fois plus de déplacés. Et ainsi de suite. On l’aura compris : outre les variations d’un district à l’autre, il y a aussi d’énormes inégalités dans les répartitions entre les provinces du Nord et de l’Est, avec une importante population tamoule, et celles du Sud et de l’Ouest, dominées par les Cinghalais. De plus, au Nord et à l’Est, après quelque 20 ans de guerre avec le Gouvernement, certaines zones sont passées sous l’autorité des Tigres tamouls, une organisation indépendantistee armée, classée comme terroriste par de nombreux Etats. Ces régions sont particulièrement touchées par le tsunami.Les négociations de paix intervenues après le cessez-le-feu de février 2002 avaient été interrompues en 2003. Aujourd’hui, rien n’a encore été signé avec les Tigres tamouls concernant la répartition de l’aide étrangère. Un parti marxiste au pouvoir, le JVP, refuse tout accord, par crainte d’un encouragement à la sécession et menace de quitter le parlement. Le clergé bouddhiste, très influent, admoneste la Présidente du Sri Lanka et lui prédit la fin de son mandat, si elle “cède”.La répartition du “gâteau” humanitaire attise les convoitises et les conflits non résolus. Le Gouvernement risque de tomber !Ce n’est pas une consolation mais en Indonésie, pays le plus meurtri par le tsunami, la donne politique corse plus encore le drame. La juste répartition de l’aide étrangère n’est pas assurée non plus. Dans les camps, les sinistrés se plaignent de ne recevoir que du riz et des nouilles, voire des lentilles. Le reste est prélevé par les militaires, mais lorsqu’il y a une visite d’un ministre étranger comme K. De Gucht, la viande apparaît soudainement dans les casseroles. “Une grande première!”, nous confie un humanitaire. Mais le ministre est reparti apparemment satisfait de ce qu’il avait pu voir. N’est-ce pas l’essentiel ?
Béatrice Petit

 

Le Sri Lanka et le tsunami en chiffres

Superficie : 66.000 kilomètres carrés (2 x la Belgique)
Population :
19 millions d’habitants
Nombre de kilomètres de côtes :
1.340, dont 2/3 touchées
Nombre de morts :
27 à 31.000
Nombre de disparus :
4.114
Nombre de personnes déplacées :
579.009
Nombre de maisons totalement ou partiellement détruites :
106.400
Nombre d’abris temporaires terminés : 32.858 Source: chiffres transmis par le consortium des agences humanitaires à Colombo

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