International
(7 mai 2009)
Le Mali à
l’heure des mutuelles
Les
mutuelles de santé au Mali progressent à petits pas dans la perspective d’un
accès pour tous aux soins. Une opportunité vient de s’ouvrir pour elles.
Lors d’un atelier organisé avec la Mutualité française, l’Union technique de
la Mutualité a balisé son avenir, dans un contexte national en pleine
évolution.
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Adhérer en famille,
c’est déjà construire la solidarité. |
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L’amélioration
des soins aux mamans et
aux nouveaux-nés
est un domaine d’action prioritaire. |
Aujourd’hui,
à travers le monde, près d’un milliard et demi de personnes n’ont pas accès
aux soins de santé les plus élémentaires pour des raisons financières. Plus
de vingt millions de nos semblables – dont la moitié âgés de moins de cinq
ans- mourront cette année de pathologies évitables ou aux remèdes connus.
Pour cent millions d’autres, la chute dans l’extrême pauvreté sera
inexorable à l’issue d’un traitement trop onéreux ou de la perte de revenu
liée à un épisode de maladie. Stop ou encore? Au fil des rapports d’experts,
les statistiques s’égrènent et s’enchaînent, rivalisent d’effroi et de
démesure. Anonymes et silencieuses, elles rendent tangible en même temps
qu’elles nous éloignent d’une réalité pourtant dramatique. Au-delà des
chiffres, des mots, des conférences, ce lourd constat appelle en tous cas
des réponses concrètes urgentes.
Investir… dans la santé
Le premier objectif des
mutuelles de santé au Sud est de faciliter l’accès de ses membres à des
soins de santé de qualité à moindre coût.
Le conventionnement avec
les prestataires est un des moyens pour y arriver. Les mutuelles
entreprennent également des actions préventives et promotionnelles de la
santé en faveur des membres et des non-membres dans la lutte contre le
paludisme, le VIH/SIDA ou les verminoses. Par des séances d’éducation à la
santé (hygiène, alimentation, gestion des déchets), elles tentent aussi de
diminuer la fréquence des maladies.
Sans qualité,
pas de mutualité |
Le lien entre
qualité des soins et utilisation des services est l’équation de base
du développement des systèmes mutualistes. Dès lors, quelles
stratégies adopter avec les prestataires de soins pour améliorer la
qualité -tant perçue que rendue?
Au Mali
actuellement, plusieurs paramètres empêchent encore les mutuelles de
jouer entièrement leur rôle, pourtant légitime, dans l’amélioration
de la qualité des soins. A titre d’exemple, la fonction de médecin
conseil n’est pas pleinement assurée notamment parce que ces
derniers sont trop peu nombreux. La qualité des services offerts est
encore insuffisante dans de nombreux centres conventionnés. Le
nombre restreint de mutualistes limite la portée des actions menées.
Au titre des succès cependant, il convient de souligner les
réalisations menées dans le cadre d’un partenariat innovant entre
l’UTM, la Mutualité chrétienne et l’ong Memisa dans la région de
Ségou. Sur proposition de la Mutualité malienne, Memisa finance
chaque année cinq projets. L’objectif? Renforcer la qualité des
soins dans des structures conventionnées assurant déjà service
acceptable et un bon accueil des mutualistes. La réalisation de ces
micro-projets est une source supplémentaire de motivation et de
sensibilisation, tant pour le personnel que pour la population, qui
y voient là un avantage concret du mutualisme. |
Les mouvements sociaux
comme ceux-là sont aussi les chevilles ouvrières de plaidoyer auprès des
Etats: qu’ils s’impliquent davantage dans le financement des soins de santé,
qu’ils assurent un accès équitable de tous et une qualité de soins décente.
En 2001, lors du Sommet d’Abuja, les ministres africains de la Santé
s’étaient engagés à ce que les budgets nationaux consacrés à la santé
atteignent 15%. Mais à ce jour, seule la Zambie a atteint ce chiffre. Dans
les pays les plus pauvres, on estime ainsi que les ménages assument près de
70% des dépenses totales de santé, souvent sans système de prépaiement. De
nombreux pays en développement, notamment en Afrique, ont cependant pris
conscience de la gravité de la situation. Au Ghana, au Rwanda ou encore au
Mali, des systèmes nationaux de couverture soins de santé sont actuellement
à l’étude ou mis en place. C’est d’ailleurs au Mali qu’au mois de février
dernier, l’Union technique de la Mutualité (UTM) a organisé un atelier pour
réfléchir aux nombreux défis posés par la généralisation de l‘accès aux
soins de santé.
Le défi des mutuelles maliennes
Fin 2007, le Mali
comptait 826 centres de santé communautaires – centres de première ligne –
en activité. Ils couvrent une population de 13,5 millions d’habitants. La
moyenne nationale de fréquentation des services de santé est inférieure à
0,3 contacts/an/habitant, ce qui équivaut à une visite au centre de santé
moins d’une fois tous les trois ans. Dans la région de Ségou où l’antenne de
l’UTM est jumelée à la Mutualité chrétienne du Hainaut oriental, on compte
un médecin pour 20.000 habitants et une sage femme pour 40.000 habitants,
dans un contexte où le nombre d’enfants par femme est en moyenne de sept. La
norme OMS préconise pourtant un médecin pour 10.000 habitants et une sage
femme pour 5.000 habitants.
Dans ce contexte
difficile d’accès aux soins, le gouvernement prévoit de mettre en place un
système d’assurance soins de santé obligatoire pour les employés de l’Etat
et du secteur privé, soit environ 16% de la population, et un régime
d’assistance médicale pour les indigents, soit 5% de la population. Mais
l’UTM insiste: même avec ces deux systèmes, 80% des Maliens seront encore
privés de couverture santé. Sans compter que la qualité des services de
santé reste un défi majeur.
Bien que ces dernières
années, le mouvement mutualiste ait connu une expansion importante, on ne
compte encore que 91 mutuelles à travers le pays pour un taux de couverture
d’à peine 1,7%, soit environ 215.000 bénéficiaires. Pour Issa Sissouma,
directeur de l’UTM, cette faiblesse est entre autres due “à la lenteur du
processus de mise en place des mutuelles, à leur petite taille, à leur
faible capacité d’attraction, aux difficultés de recouvrement des
cotisations, à leur vulnérabilité aux conséquences des aléas climatiques et
économiques qui détériorent les capacités contributives des populations
ainsi qu’à la faible qualité des soins offerts”.
C’est pourquoi des
synergies doivent d’urgence être tissées entre prestataires, Etat et
mutuelles de santé pour rendre possible l’extension au plus grand nombre de
la couverture maladie.
Des résolutions attendues
“Au cours du
séminaire organisé en février, résume le Président de l’UTM, Babassa
Djikine, le ministère du Développement social et le ministère de la Santé
ont été sollicités pour contribuer à améliorer le taux de fréquentation des
formations sanitaires et pour développer une stratégie globale de
financement de la santé basée sur la solidarité.” Le ministère du
Développement social a annoncé qu’il allait profondément réviser le niveau
et le mode de contribution de l’Etat au développement des mutuelles. Il
envisage entre autres de compléter par un apport financier les cotisations
versées par les mutualistes des secteurs informels et ruraux. Au vu de ces
différents éléments, l’UTM s’est engagée à renforcer sa collaboration avec
les organisations de la société civile au niveau local. Il entend œuvrer aux
côtés de l’Etat et de ses partenaires pour asseoir les bases de l’extension
de la couverture maladie au plus grand nombre à travers les mutuelles de
santé.
L’engagement politique
du gouvernement est une première, il ouvre la réflexion quant au principe
d’accorder des mesures réellement volontaristes pour le soutien au
développement des mutuelles. Il en ressort des attentes très fortes de la
part des différents acteurs. Les modalités de concrétisation de cette mesure
restent cependant à définir et doivent être planifiées.
Textes
et photos :
Caroline Lesire
Pour
info: les
Mutualités chrétiennes organisent en septembre prochain un colloque
international sur l’intégration des systèmes mutualistes dans les stratégies
nationales et internationales d’accès aux soins de santé. Un thème à creuser
à la lumière des expériences partagées.
La richesse des échanges Sud-Sud |
Dans
leur accompagnement de mouvements mutuellistes émergents, les
Mutualités chrétiennes insistent au quotidien sur la complémentarité
des deux versants du partenariat, tant Nord-Sud que Sud-Nord. Loin
d’une vision “caritative” qui maintient voire accroît la dépendance
(transfert à sens unique d’argent, d’expérience ou de support
technique), elles mettent au contraire en exergue l’apport crucial
de leurs collègues du Sud pour réfléchir, construire et enrichir
ensemble nos modèles de solidarité et de vivre ensemble, que la
crise actuelle nous pousse d’ailleurs à revoir. Un troisième
versant, tout aussi important, mérite que l’on s’y attarde. En
effet, dans leur approche, elles tentent d’insuffler une dynamique
de partage et de regard sur l’autre, valeurs clés du mutualisme. Une
application concrète est l’accent mis sur les échanges Sud-Sud entre
partenaires de notre réseau. C’est dans cet esprit qu’en six mois de
temps, nos amis mutualistes maliens et congolais ont eu l’occasion
de se rencontrer à deux reprises, d’abord à Bukavu puis à Ségou.
Lors de ces
rencontres, l’UTM a présenté ses outils de gestion administrative et
financière ; tandis que la Cellule d’appui aux mutuelles de santé du
Sud Kivu (CAMS) a expliqué les avantages du conventionnement tel
qu’ils le pratiquent. Des sujets comme la sensibilisation de masse
ou l’accroissement du taux de couverture ont été au centre des
débats.
Un proverbe
africain dit que le fleuve continue à faire des détours parce que
personne ne lui montre le chemin. Puisse cette sagesse ancestrale
nous accompagner à la source des valeurs mutualistes pour mieux
naviguer dans les méandres agités de la solidarité. |
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