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Guerre et paix en Palestine

Le 2 novembre 1917, Lord Arthur James Balfour, ministre britannique des Affaires étrangères annonce au représentant des juifs britanniques, Lord Walter Rotschild, que le gouvernement britannique
“envisage favorablement l’établissement en Palestine d’un foyer national pour le peuple juif et emploiera tous ses efforts pour faciliter la réalisation de cet objectif”. La déclaration précise que “rien ne sera fait qui puisse porter atteinte ni aux droits civils et religieux des collectivités non juives existant en Palestine, ni aux droits et au statut politique dont les juifs jouissent dans tout autre pays.”

A
ujourd’hui, force est de constater qu’il n’a pas été trouvé de réponse à la question qui se posait en ces termes au début du vingtième siècle : Comment créer un foyer national juif sans affecter les populations locales arabes ? Pour les sionistes, la Palestine est “une terre sans peuple pour un peuple sans terre”. Or, la future terre d’Israël n’était une terre aride et désertique que dans l’imaginaire de Juifs qui n’y avaient jamais mis les pieds. “Dans tout le pays, rapporte en 1891 un émigré russe, il est dur de trouver des champs cultivables qui ne soient pas cultivés.” (1) Cette terre est tellement bien habitée que ses habitants manifesteront leur opposition au projet sioniste dès avant la première guerre mondiale. Comme l’explique l’historien Henri Laurens (2) “La situation de sous-peuplement a cessé avant même que la colonisation sioniste prenne réellement son ampleur (au début du XXe siècle). En pleine expansion démographique, le paysannat arabe est lui-même en train de réoccuper l’ensemble du domaine agricole disponible. Si son niveau de développement humain est faible par rapport aux éléments de référence européens, il est déjà relativement élevé par rapport à ceux de la région proche-orientale…” Au sein même du mouvement sioniste le débat sera toujours tendu entre ceux qui, reconnaissant qu’on ne peut parler de la Palestine comme d’une terre vierge, acceptent l’idée d’un partage et ceux qui affirment que la terre étant “inaliénable”, revendiqueront de plus en plus ouvertement l’expulsion des Palestiniens.Aujourd’hui, Ariel Sharon, n’a pas d’autre projet. Quelques journées de guerre ont détruit tout ce que le processus d’Oslo avait de constructif et réduit à néant l’ébauche d’un État palestinien en détruisant les bâtiments officiels, le port de Gaza et son aéroport, les postes de police et le laboratoire d’investigation scientifique de celle-ci à laquelle les Israéliens demandent pourtant d’être plus performant contre les terroristes (3). Le Hamas porte dans cette situation une énorme responsabilité. A l’origine de la vague sans précédent d’attentats-suicides, qu’il faut condamner sans réserve aucune, ceux-ci ont surtout contribué à réveiller l’angoisse existentielle des Juifs qui plonge très loin dans leur mémoire. Ces attentats ne doivent pas seulement être condamnés pour des raisons morales. Ils sont aussi politiquement aberrants car ils offrent à Ariel Sharon les arguments qu’il attendait pour lancer des actions de représailles, au nom de la sécurité des habitants d’Israël, et étendre l’influence israélienne sur les territoires palestiniens. Ils contribuent aussi à miner le camp de la paix en Israël.Cela dit, ces attentats, aussi terribles soient-ils pour les civils touchés, ne peuvent justifier à leur tour la rage destructrice lancée sur les villages palestiniens avec des chars, des F 16 et des hélicoptères contre des civils désarmés et des milices à peine armées. Des camps de réfugiés bombardés, des maisons éventrées, des écoles et des hôpitaux menacés, des entraves à la circulation des ambulances, des blessés et des malades… sont contraires au droit humanitaire international, soulevant les protestations de la Croix Rouge Internationale qui pourtant se garde habituellement de prendre position dans un conflit militaire. De plus, cette guerre n’augure rien de bon pour l’avenir des relations entre les deux populations. Comme l’a exprimé Théo Klein (ancien président du Conseil représentatif des institutions juives de France): “Ce ne sont ni les tanks, ni les missiles qui apporteront la solution à ce conflit mortifère gorgé de peurs et de haines…” (Le Monde 6/9/2001).Le premier ministre israélien se trompe s’il espère voir aboutir par la force brutale “sa” conception de la paix : quelques morceaux de territoires palestiniens autogérés, encerclés de colonies juives et de routes de contournement dont le réseau, malgré les accords d’Oslo, n’aura cessé de s’étendre alors que celles-ci sont précisément une des raisons de l’exaspération des Palestiniens. Le rapport Mitchell (4), précisément, demande un gel de “toute activité d’implantation, y compris la “croissance naturelle” des implantations existantes”.

 

1947 : partage de la Palestine

Jusqu’en 1939, sous mandat britannique, l’installation des Juifs en Palestine sera favorisée sans restriction. A travers le Fonds national juif, l’achat de terres sera l’un des moyens essentiels d’action du mouvement sioniste. Mais la complexité de la législation agraire rend de plus en plus difficile leur acquisition, et l’administration britannique devient de moins en moins favorable à l’immigration juive. La constitution d’un État juif devient alors un impératif pour la poursuite de la colonisation de peuplement comme l’écrit Henri Laurens : “La territorialisation de la communauté juive devient ainsi indissociable de son passage à l’État…. Les propositions apparemment généreuses avancées à la future minorité arabe de l’État juif (égalité des droits politiques et autonomie culturelle) ne doivent pas dissimuler la réalité du projet : il s’agit de droits personnels et non de droits collectifs (au mieux, autonomie municipale) et ils sont accompagnés de grandioses plans de développement dont l’objectif fondamental est de procéder à un vaste transfert foncier en faveur de la communauté juive et au détriment de la population arabe.” (2)L’arrivée de Hitler au pouvoir, l’extermination des Juifs dans les camps nazis vont accélérer le mouvement d’immigration. En 1936, l’ensemble des partis palestiniens se lancent dans un vaste mouvement de désobéissance civile. Londres envoie une commission d’enquête. Celle-ci propose dans le “rapport Peel” de partager la Palestine entre deux états indépendants, l’un juif, l’autre arabe, Jérusalem restant sous mandat britannique. Il propose aussi un échange de population ! 225.000 Arabes seraient “invités” à quitter l’entité juive alors que 1.250 juifs la rejoindraient ! Très logiquement, les Palestiniens reprennent leur mouvement de résistance, une véritable révolte populaire armée qui se prolongera jusqu’en 1939. Entre-temps, les colons juifs, malgré la révolte, ou à cause de celle-ci, avaient poursuivi leur mouvement d’immigration mais aussi renforcé leur potentiel militaire. Pour la première fois, en 37-38, des groupes sionistes ont recours au terrorisme.Londres, qui allait entrer en guerre avec l’Allemagne, définit sa politique dans un Livre Blanc (17 mai 39) : “La déclaration Balfour, y lit-on, ne pouvait en aucun cas signifier que la Palestine serait transformée en un État juif, contre la volonté de la population arabe” mais aussi que les engagements pris par les Britanniques au cours de la première guerre mondiale ne pouvaient “fournir une juste base à la revendication en faveur d’une Palestine transformée en État arabe”. L’objectif sera d’établir un État palestinien indépendant “dans lequel les Arabes et les Juifs partageront l’autorité dans le gouvernement de telle manière que les intérêts essentiels de chacun soient sauvegardés.” Les Britanniques assuraient par ailleurs que l’immigration juive pourrait se poursuivre au moins pendant 5 ans, que le Haut-commissaire britannique aurait le droit de limiter les achats de terre par les Juifs. Cette demi-victoire fut rejetée par les Palestiniens. De toute façon, du côté sioniste, ces propositions déclenchèrent une protestation qui alla jusqu’à prôner la lutte armée contre le “colonialisme britannique”. Mais, la guerre déclarée, les Juifs ne pouvaient que soutenir Londres contre le nazisme.

 

Un État palestinien?

Le plan de partage de la Palestine, adopté par les Nations Unies le 29 novembre 1947, apparaît comme le point de départ décisif du conflit actuel. En affirmant la naissance de l’État d’Israël et en transformant quelque 700 à 800.000 Palestiniens en réfugiés, les Nations Unies mettaient en place les conditions de l’affrontement. Pourtant, selon l’historien Henri Laurens (2), cette date “n’a pas semblé être pour les contemporains un tournant aussi irrémédiable. La résolution de l’Assemblée générale n’était qu’une “recommandation” et la première puissance intéressée, celle qui avait reçu le Mandat de la SDN, avait dès le début annoncé son intention de ne pas l’appliquer...” Les Britanniques, au vu de leur expérience, pensaient que ce partage était inapplicable. De fait, aujourd’hui comme en 1917, comme en 1947, les sionistes les plus pointus refusent toujours de reconnaître aux Arabes de Palestine le droit d’être considérés comme un peuple. Ceux-ci ne seraient que les “habitants” de territoires sur lesquels doit se réaliser le “Grand Israël”. L’ampleur de l’actuelle opération militaire a non seulement montré que le choix du gouvernement israélien était de mettre fin au processus d’Oslo mais aussi d’infliger à la population civile palestinienne des pertes qui devaient casser toute forme de résistance. Mais voilà, le droit à un État indépendant sur les territoires occupés en juin 67, avec Jérusalem-Est comme capitale, aux côtés de l’État d’Israël, reconnu par la communauté internationale, l’est aussi maintenant par Washington qui a pris l’initiative de faire voter par le Conseil de sécurité des Nations Unies le 13 mars 2002 une résolution réaffirmant le droit à deux États de vivre côte à côte. C’est la première fois qu’une résolution votée par la Conseil de sécurité mentionne l’État palestinien. Les États-unis et l’Europe obtiendront-ils que ce texte ne reste pas lettre morte, comme tant d’autres?Christian Van Rompaey(1) Rapporté dans Israël, Palestine, Vérités sur un conflit. Alain Gresh, rédacteur en chef du Monde Diplomatique. Fayard 2001 (14 EUR).(2) Le choc de 1947 en Palestine. Henri Laurens, directeur du Centre d’études et de recherches sur le Moyen-Orient contemporain à Beyrouth. Conclusion du tome II d’une histoire globale de la question palestinienne (éditions Fayard) publiée dans la revue Esprit (mars/avril 2002)(3) Voir dans la revue trimestrielle Confluences, Méditerranée. Un dossier préparé par Paul Chagnollaud consacré à “La Méditerranée à l’épreuve du 11 septembre” (N°40 - Hiver 2001-2002) (25,32 EUR). (4)Rapport Mitchell (mai 2001). Du nom de l’ancien sénateur américain et président de la commission d’établissement des faits - Lire dans Le Monde des débats, juillet/août 2001.

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