International
(1er février 2007)
Forum
social mondial 2007
La voix de
l'Afrique
Du 20 au 25
janvier, le 7ème Forum social mondial a rassemblé dans la
capitale du Kenya quelque 57.000 personnes. L'expansion du sida, la
condition de la femme, les changements climatiques, la souveraineté
alimentaire, les conflits armés, l'allègement de la dette et les
déséquilibres du commerce mondial étaient au centre des réflexions de
centaines d’ateliers.
Si certains ont laissé entendre
que le Forum social mondial avait "un goût de trop peu" par rapport à des
rassemblements précédents, plus marqués politiquement, il aura permis à une
majorité de mouvements sociaux africains de donner de la voix:
"C'est la
première fois que les mouvements sociaux africains représentent la majorité
des participants", affirmait un coordonnateur du secrétariat du FSM
(1). En prenant ses quartiers dans la banlieue de Nairobi,
le Forum social mondial a donné l’occasion aux multiples initiatives de la
société civile africaine qui a souvent souffert de régimes dictatoriaux, de
mieux se faire connaître et par là même de se renforcer.
Certains ont aussi regretté la
forte influence des églises, très présentes en Afrique. D'autres encore ont
stigmatisé l'organisation de ce Forum pas toujours financièrement
accessibles aux Kenyans qui ne pouvaient payer l'entrée, la nourriture, les
boissons ou les transports… Il n'empêche, le sentiment général est que le
mouvement altermondialiste "poursuit sa route". Dès ses débuts, le projet du
FSM était de s'implanter sur tous les continents, ce qui s'était bien passé
un peu partout, sauf en Afrique.
Même si cela peut apparaître
encore timide et désordonné, une société civile africaine se lève. De
nombreuses organisations pèsent de plus en plus sur les gouvernements. Elles
ne refusent pas d'entrer dans le mouvement de la mondialisation, pourvu que
l'on respecte leurs droits et particulièrement les droits sociaux de tous
ceux qui ne peuvent participer à la fête de cette mondialisation.
"Nous
ne sommes pas des antimondialistes, mais des altermondialistes, aiment-ils à
rappeler. Nous voulons un monde de coopération. Un autre monde que celui de
la compétition commerciale."
Ainsi, les participants se sont
fortement opposés à la signature prochaine des accords de partenariat
économique (les APE) qui doivent consacrer la libéralisation des échanges
entre l'Union européenne et les pays ACP (Afrique, Caraïbes, Pacifique) en
2008. En mettant en compétition des partenaires inégaux, ces accords
imposent, disent-ils, des exigences suicidaires pour de nombreuses économies
locales. De grands pays émergents comme l’Inde, la Chine ou le Brésil
n’ont-ils pas d’abord assuré leur propre développement avant de se lancer
dans la mondialisation?
Quel
avenir pour le FSM?
Certains participants, et non
des moindres comme l’intellectuel égyptien Samir Amin, militant de la
première heure, parle “d'essoufflement”… Un club d’échanges ne
suffit pas à construire un mouvement, dit-il en substance.
“Je ne crois
pas qu'on puisse parler de crise”, affirmait de son côté le théologien
et sociologue belge François Houtart, membre du Conseil international du
FSM et observateur critique du mouvement, à un journaliste suisse du
"Courrier". Selon celui-ci, la contestation est plus vivace que jamais
au niveau local.
“Les premières éditions du FSM
ont eu le mérite de rendre visibles des constats communs aux acteurs sociaux
du monde entier”, affirme M. Houtart.
“Mais il doit désormais
dépasser la recension des faits - les dégâts du néolibéralisme - et aller
vers l'analyse et la mise en exergue des causes” permettant de faire
advenir cet “autre monde” proclamé au Forum social mondial. Mais cette étape
est bien “bien plus difficile” que la précédente car elle implique de
“débattre en positif sur la société que l'on veut construire”. Avec
le risque de divisions et de désaccords, ce qui est inévitable dans des
assemblées de cultures aussi diverses.
Cette perspective
"programmatique" n'est pas celle d'autres participants pour lesquels le
Forum social mondial doit rester essentiellement un lieu de rencontres et
d'échanges qui développera, “naturellement”, les vertus éducatives
d'un tel rassemblement en favorisant la création de réseaux de solidarité
indispensables à l'avènement d'un autre monde.
Si
le FSM n'est pas un centre de décisions politiques, rien ne pourra cependant
advenir si les rapports de force mondiaux ne changent pas. Et pour cela,
l'action politique reste indispensable. On ne peut pas dire par ailleurs que
les Forums sociaux n'ont pas joué un rôle important dans la prise de
conscience des effets de la mondialisation. Combien d’institutions
internationales, politiques et commerciales, n’ont-elles pas été contraintes
d’intégrer de nombreuses questions lancées depuis le premier Forum social
mondial telles que l’accessibilité aux soins de santé, les effets des
délocalisations, le travail des enfants, la question de la dette, l’accès à
l’eau potable ? Des exigences liées aux notions de bien public mondial, de
partage du savoir, ou de développement durable ne peuvent plus être
renvoyées d’un simple revers de la main. Bien sûr, cela n’est pas la
révolution. Mais la nouvelle situation politique qui se présente aujourd’hui
en Amérique latine ne serait-elle pas déjà un effet des Forums qui se sont
tenus depuis Porto Allegre?
En fin de compte, les "citoyens"
du 7ème Forum social mondial de Nairobi ont arrêté une série d'actions qui,
dans les mois qui viennent, seront organisées aux quatre coins du monde,
avant le prochain Forum qui se tiendra en 2009. Il reste aux forums
nationaux ou régionaux à s’investir dans ces différents projets.
Christian
Van Rompaey
(1) Ce Forum fait
suite aux rassemblements décentralisés organisés l'an dernier au Mali, au
Venezuela et au Pakistan.
Etat des
résistances
dans le Sud
On parle moins de la "lutte des pauvres" que
du combat "officiel" contre la pauvreté mené par les grandes organisations
internationales (Banque mondiale, PNUD, OMC…). Et pourtant, comme le montre
l'inventaire établi par les collaborateurs de la revue "Alternatives Sud",
les "perdants de la mondialisation" peuvent aussi se mobiliser…
Comprendre les mouvements sociaux
du Sud peut apparaître comme une tâche impossible tant les situations sont
diverses. Comment parler en effet dans un même élan de la situation au
Venezuela et des monarchies du Golfe? Et pourtant, l'équipe de la revue
Alternatives Sud s'y est risquée dans une livraison spéciale.
(1)
Dans l’introduction de ce nouvel
“Etat des résistances dans le Sud”, François Polet écrit: "Reconnaissons
un grand trait commun aux pays du Sud, qui n'est pas sans conséquences sur
l'évolution de leurs sociétés civiles : aucun d'eux n'échappe à ces deux
tendances qui correspondent à deux discours forts de la communauté
internationale - l'impératif démocratique d'une part et la libéralisation
des marchés de l'autre…" Que penser de ce mouvement qui semble
irrésistible? On a parlé dans les années 80-90 de
"raz de marée vertueux"
et de "contagion démocratique", les pays occidentaux étant pressés de
ne plus soutenir au nom des droits de l'homme des régimes dits
infréquentables. Mais ce refus des dictatures n'est aussi pour une bonne
part que la conséquence de la mauvaise situation économique de ces pays dont
la richesse ne concernait qu'une partie de la population. Et, insiste
François Polet, "elle est surtout le résultat de l'essor de mouvements
démocratiques nés au sein de la société civile, qui vont saper la légitimité
des régimes autocratiques en attisant le rejet de l'arbitraire, en cultivant
l'adhésion populaire au projet démocratique et en organisant les
mobilisations sociales qui déstabiliseront les pouvoirs en place."
Et pourtant, la démocratie ne
semble pas avoir apporté tout ce qu'elle avait promis.
"Plusieurs études
relèvent une certaine désillusion vis-à-vis de la démocratie, voire un
discrédit, liés essentiellement au fait que l'ouverture politique n'a pas
entraîné les effets sociaux escomptés. De fait, cette période de
démocratisation est aussi celle du tournant économique libéral et de deux
"décennies perdues" en termes de développement. Difficile d'applaudir les
alternances réussies lorsqu'on a le ventre creux et que le chômage, les
inégalités et l'insécurité ne cessent de progresser autour de soi."
On connaît en effet les exigences
des bailleurs de fonds en provenance des pays industrialisés : austérité
budgétaire, privatisation des services publics, ouverture aux échanges, aux
investissements étrangers et aux flux de capitaux afin, espère-t-on, de
dynamiser des économies fermées, inhibées et freinées par tant de règles
paralysantes. Si les premiers moments d'adaptation sont difficiles, disaient
les défenseurs de cet ultralibéralisme, l'ensemble de la population
bénéficiera des bienfaits de cette politique.
"On connaît aujourd'hui
l'étendue de l'écart entre la théorie et la réalité", écrit François
Polet. La Banque Mondiale elle-même reconnaît que les perdants de la
mondialisation sont plus nombreux que prévus! On préfère cependant
s'interroger, non pas sur le rapport qu'il pourrait y avoir entre
libéralisation et paupérisation, mais seulement sur la manière de mieux
encadrer, de mieux accompagner les mesures d'ajustement structurel afin de
les rendre socialement et politiquement viables!
CVR
“Etat des résistances dans le Sud - 2007”
-
Alternatives Sud - Centre tricontinental - 13 EUR (frais de port compris).
Tél: 010/48.95.60
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