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International (18 octobre 2007)


Les enfants des rues, accusés de sorcellerie

A Kinshasa, de plus en plus d’enfants, accusés de sorcellerie par de proches parents, vivent dans la rue un quotidien de violences.  Le phénomène est encouragé par les Eglises dites de réveil, qui foisonnent dans la capitale congolaise.

Esther, 13 ans, est l’une de ces "enfants sorciers". Body noir, mini jupe bleue, baskets de marque Nike usées qu’elle dit avoir reçues d’un photographe blanc croisé le long de la rivière Kalamu. «Ce sont mes seuls biens», explique l’enfant, accompagnée de trois de ses camarades. Après d’infructueuses tentatives d’hébergement dans les différents centres d’accueil de la place, les rues nauséabondes de Matonge, le plus chaud et bruyant quartier de Kinshasa, sont sa résidence depuis qu’elle est partie du toit familial. Son crime : elle aurait jeté un sort mortel à une de ses demi-sœurs. Mais, avant le décès de celle-ci, le petit frère et la petite sœur de sa marâtre avaient déjà commencé à la maltraiter. «Ils me laissaient parfois deux jours sans manger, se souvient Esther. Mes deux frères allaient à l’école, mais ils m’empêchaient d’y aller parce que, disaient-ils, j’étais une sorcière. Papa était parti en Angola. Ils ont arrêté de payer l’école pour moi».

À la mort de sa grand-mère, la vie d’Esther s’est transformée en enfer. «Un jour, ma marâtre s’est sentie mal au retour d’une veillée de prières de deux jours, raconte-t-elle. Elle faisait une crise d’estomac. Ses frères ont dit que je lui avais jeté un mauvais sort. Je ne comprenais rien de tout cela. Je niais mais personne ne voulait m’entendre. Ils ont continué à m’accuser. Un jour, mon petit frère s’est mis à me battre avec un fouet. J’ai eu très peur. J’ai réussi à lui échapper et me suis enfuie de la maison». Ce jour là, Esther avait 9 ans. Elle dit s’être réfugiée dans la rue pour ne plus "être battue". Elle ne connaît pas sa mère, ni ne sait rien d’elle, mais pense que si sa "vraie mère" avait été présente, elle n’en serait pas là aujourd’hui.

 

 

 

 

Mama Gina,
professionnelle du désenvoûtement.
Certains enfants, qui ne peuvent réintégrer leur famille,
demeurent dans son église.


La rue a ses caïds,
et ses souffre-douleurs :
les cadets
.

 

 

 

 

Shégué,
un terme guerrier qui désigne
ces enfants qui vivent dans les rues de Kinshasa.

 

un phénomène grandissant

Comme Esther, 18.000 personnes vivent dans la rue à Kinshasa, dont plus ou moins 13.700 enfants de moins de 18 ans, selon un rapport du Réseau des éducateurs des jeunes et enfants de la rue (REEJER), publié en mars 2007. De son côté, Charles Bivula, chef de projet pour la protection à Save the Children (ONG de protection de l’enfance), estime que dans la seule ville de Kinshasa, 80% des gamins des rues sont abandonnés pour cause de sorcellerie. La plupart ont été chassés des toits familiaux par leurs parents qui les accusent d’attirer toutes sortes de malheurs à leurs familles.

Ce phénomène des «enfants sorciers» existe depuis la fin des années 80. Il s’est surtout accentué avec le déclin économique de la RDC dans les années 1990. Vivant dans une misère grandissante, le peuple congolais s’est raccroché aux mythes. Les familles ont ressenti le besoin de trouver un bouc émissaire à tous leurs malheurs, souvent en la personne d’un de leurs enfants. Répandue, l’ignorance des parents quant au comportement et à la psychologie des enfants, a également joué un rôle dans l’amplification du phénomène. Influencés par la parole des pasteurs, ces parents ont considéré de plus en plus de comportements enfantins comme anormaux, et liés à la sorcellerie.

 

Le discours des télé-évangélistes congolais est formel : les enfants abandonnés qui errent dans les rues de Kinshasa, vêtus de presque rien ou de guenilles, sont "possédés". Selon les pasteurs propriétaires de ces télés, ces gamins rachitiques dont certains ont des malformations physiques, sont malnutris et portent en eux des "esprits malfaisants". Dans un pays qui compte plus de 200 stations de radio et plus de 40 chaînes de télévision dont près de la moitié appartiennent aux églises évangélistes (de réveil), un tel message passe largement dans la population où une peur irraisonnée de ces enfants s’est installée. Dans les quartiers pauvres de la capitale congolaise où ces sectes poussent comme des champignons, des milliers d’enfants, garçons et filles, sont ainsi accusés chaque jour de sorcellerie et victimes de violence. Beaucoup sont intimidés, privés de nourriture et torturés lors de cérémonies d’exorcisme orchestrées dans des églises de réveil par des pasteurs évangéliques qui exploitent la croyance enracinée dans la population selon laquelle "le monde invisible existe réellement et est peuplé d’esprits nuisibles".

 

une réinsertion familiale difficile

"Les enfants sorciers sont inconscients et sans pitié. Quand on leur demande de donner (tuer) leurs parents, ils n’hésitent pas. Voyez les enfants soldats, ils commettent les pires atrocités par rapport aux adultes", explique Prospère Kodjo, adepte d’Ebale Mbonge, une secte célèbre à Kinshasa. Pour Bobo Makoka, pasteur de l’église "Mission évangélique sur la brèche", les gamins se transforment souvent en animaux la nuit. «Toi, en quoi t’es-tu changé ?», demande-t-il à l’un des garçons. «En souris», répond-il. «Et toi ?», demande-t-il à un autre, «en serpent…»

La quarantaine révolue, Bobo Makoka est présenté par ses fidèles comme "le guerrier du Seigneur". En dix ans de ministère, l’homme dit avoir déjà "délivré" une vingtaine d’enfants "possédés" des griffes des "esprits malfaisants." Ses méthodes d’exorcisme sont relativement douces : il n’a recours ni aux coups ni à la torture, ni même à un jeûne de plusieurs jours, mais soumet les enfants à la "cure d’âme" : «J’écoute l’enfant et après je procède à la délivrance par des séances de prière, explique-t-il. Pour cette année, j’ai 4 cas de petits enfants de 5, 7, 8 et 10 ans dont l’un a déjà trouvé solution, les trois autres sont en cours", confie le pasteur. Bobo soutient que le premier enfant avait "bloqué son père" qui ne trouvait pas de travail. Quand le petit a été "délivré", le père aurait vite trouvé un emploi.

En partenariat avec d’autres ONG locales réunies au sein du REEJER, Save the Children tente, de prendre la défense de ces gamins maltraités et de les rendre à leurs familles. «J’ai vu des enfants entassés les uns sur les autres pendant plusieurs jours sous prétexte de les préparer pour leur délivrance», rapporte un éducateur social au REEJER qui a requis l’anonymat.

Au cours des quatre dernières années, Save the Children a réussi à réunifier à Kinshasa et à Mbuji-Mayi environ 8.000 enfants en rupture avec leurs familles. Mais pendant que des solutions sont cherchées en aval, en amont, des enfants sont déversés chaque jour dans la rue. Le 16 juin de cette année, à l’occasion de la journée de l’enfant africain, la ministre  de la Condition féminine et de la famille présentait un Code de protection de l’enfant. En attendant son adoption, Esther rêve d’aller à l’école pour être plus tard "comme Chantal Kanyimbo", une présentatrice vedette de la RTNC, la radiotélévision publique congolaise.

Didier Kebongo, InfoSud

 

 

au programme de yambi

Le théâtre peut être un outil formidable de sensibilisation. De février à juin 2007, le théâtre de Poche (Bruxelles) et l’asbl Oser la vie l’ont expérimenté dans trois grandes villes congolaises, Kinshasa, Kisangani et Bukavu. Fidèles à l’objet social de l’asbl - l'aide aux enfants des rues de Kinshasa et d'Afrique, principalement les enfants dits sorciers -,ils ont organisé quelque 60 représentations de «Un enfant, c’est pas sorcier», jouées et animées par la compagnie de théâtre kinoise Canacu (Communauté des amis de la nature et de la culture). Les partenaires poursuivent aujourd’hui le projet avec quelques rencontres-débats sous nos latitudes, à Ligny notamment.

En effet, la période est propice pour les échanges belgo-congolais. Depuis le 15 septembre, et ce pendant deux mois, Yambi bât son plein. Yambi – bienvenue en français – ce sont 150 artistes congolais à découvrir sur le territoire belge et 322 manifestations culturelles aux couleurs du Congo, invitées en Communauté française. De la musique, de la danse, de la littérature, du cinéma, des arts plastiques, de la photo, de la bande dessinée… sous l’égide de ce vaste programme de coopération culturelle entre «cousins».

Yambi, c’est aussi une vingtaine de projets «labélisés». Des initiatives soutenues parce qu’elles développent un partenariat durable avec le Congo. «Un enfant c’est pas sorcier» compte parmi celles-ci. Ainsi, le samedi 27 octobre, Yambi programme, au profit de l’asbl Oser la vie, la projection d’un film documentaire sur la thématique, «les nouvelles stratégies du diable», une exposition photos, et un concert de musique congolaise moderne et traditionnelle. Lieu : A la ferme d’en bas, rue des généraux Gérard et Vandamme, 9 à 5140 Ligny.  Réservations : 071 88 59 02 ou 0477 57 17 58.

> Infos sur le programme complet : www.yambi.be/  - tél. c/o Centre culturel du Brabant wallon : 010/61.66.06

> Infos sur le projet «Un enfant, c’est pas sorcier» : http://oserlavie.skynetblogs.be/

 


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