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International (19 février 2009)

 

Enfants soldats:
entre mobilisation et réinsertion

En Rd du Congo ou au Rwanda, pour beaucoup d’anciens enfants soldats, le retour à la vie normale ne se passe pas sans difficultés. Certains se forment à un métier ou choisissent la police comme débouché, d’autres caressent le rêve de devenir cadres supérieurs. Pour  beaucoup d’autres, le retour au maquis est la seule issue.

Kalachnikov en bandoulière, képi vissé sur la tête et bottines en caoutchouc aux pieds, Paluku Mathe assure, depuis octobre 2008, la garde du bourgmestre de la commune de Mulekera, à Beni au nord de Goma, capitale de la province du Nord-Kivu. Moulé dans l’uniforme bleu de la Police nationale congolaise (Pnc), ce jeune âgé de 19 ans est un ancien combattant du groupe maï-maï Lolwako, des miliciens locaux ayant pris les armes pour faire de la résistance populaire durant les dernières années de guerre en République démocratique du Congo. Fils d’un chef coutumier du territoire de Lubero, Paluku avait rejoint les Maï-maï en 1999, pour, raconte-t-il, «protéger la ferme, les brebis et la fortune de mon père contre les voleurs de bétails.»

De nombreux autres enfants qui faisaient partie de quatre groupes maï-maï des territoires de Beni et de Butembo ont, comme lui, rejoint les rangs de la police, après leur sortie du maquis en 2004. Ces groupes avaient en effet décidé d’enterrer la hache de guerre, après la signature des accords de paix de 2002 et l’entrée en fonction du gouvernement de transition. Ils avaient alors créé une coalition, l’Alliance des patriotes maï-maï, pour intégrer leurs troupes dans l’armée, la police et dans les institutions locales pour les cadres universitaires. «Nous avons fourni 300 combattants à la police, une brigade à l’armée et 50 avaient regagné leurs familles», explique Kasereka Vurondo, vice-président de la coordination maï-maï à la Pnc.

Agés en moyenne de 14-15 ans à leur arrivée à la police, ces jeunes combattants maï-maï ont suivi une formation accélérée au stade de Beni. «Durant un mois, nous nous sommes exercés aux techniques de self défense, d’arrestation des manifestants et d’explosion des bombes lacrymogènes en milieux publics», témoigne l’un d’eux. Selon le colonel Maurice Kasereka, commandant du commissariat de police de Beni, ils sont 250 ex-enfants soldats maï-maï à avoir ainsi intégré la police locale, sur un total de 630 policiers. Mais, dit-il, «ils sont officiers et policiers de rang sans avoir reçu une formation assidue et efficace.»

 

Leur perspective: l’armée

La police ou l’armée, il n’y a pas beaucoup d’alternatives pour ces ex-enfants soldats. Dans toutes les villes où des enfants ont été enrôlés dans les rangs de l’armée ou des milices, le problème de réinsertion reste crucial. Dans les écoles ou les centres de formation, les enfants ont du mal à s’adapter à leur nouvel environnement et surmontent difficilement les traumatismes de la guerre. Comme l’explique K.T. enseignant à Rutshuru, «certains enfants vivent toujours le traumatisme de la guerre. Ils sont craintifs et traînent un sentiment de culpabilité, en raison des actes qu’ils ont commis. Ce sont des enfants révoltés et comme ils ne s’adaptent pas à la vie sociale, ils ont en tête de retourner dans la brousse». Certains, parmi eux, ne voient en effet leur avenir que dans le métier des armes. «Après mes études, je compte bien retourner au maquis ou intégrer l’armée gouvernementale», affirme N.T., élève dans une école de Rutshuru. Il a l’ambition de marcher sur les pas de son père, officier supérieur au sein des FARDC à Kisangani. K.F., 16 ans, a une autre raison pour choisir la même voie: «Mon père est mort, il était militaire. Après mes études et avec mon expérience de la guerre, je voudrais servir dans le même service que lui.»  Avec son brassard à l’épaule droite, E.L., 14 ans, est encore plus déterminé: «Je me suis habitué à cette vie de combat. Si la guerre reprend, je vais retourner dans la brousse pour combattre. Pour moi, l’ennemi, c’est le Congrès National pour la Défense du Peuple CNDP.»

 

Difficile d’oublier la guerre

A Rutshuru comme ailleurs dans le pays, les séquelles de la guerre rendent difficile la réintégration des enfants soldats dans la vie sociale. Les armes se sont tues mais à l’école comme à la maison, ces enfants se comportent comme dans le maquis. Habitués à s’exprimer avec une arme au poing, ils se plient difficilement à la discipline scolaire. Un retour à l’école et à la réalité difficile à gérer, surtout quand les jeunes se présentent à l’école avec armes et grenades, pour intimider les enseignants. L’école devient comme un camp de redressement et certains enfants n’acceptent pas les règles. C’est le cas de N.T, élève en première année en cycle d’orientation dans une école de Kiwanja qui avoue son mal à s’adapter à l’école: «C’est vrai qu’en brousse, j’étais sous les ordres de mes chefs, mais ici, j’ai du mal à me plier aux ordres des enseignants». Ce jeune garçon qui a fait partie du groupe des maï-maï pendant quatre ans, a été élevé au grade de Commandant de la Police Militaire lors des récentes hostilités à Rutshuru.

Il n’est pas rare que les enfants présentent des troubles psychologiques dus aux violences, à la torture et tout leur vécu dans le maquis.

Comme lui, beaucoup d’enfants soldats ont perdu le sens moral. Dans le maquis, ils sont formés à tuer sans pitié. Ils n’obéissent qu’aux ordres du commandant et agissent sans peur ni pudeur. Avec leur jeune âge, les chefs de guerre leur font subir sans peine un véritable lavage de cerveau. Il n’est pas rare que les enfants présentent des troubles psychologiques dus aux violences, à la torture et tout leur vécu dans le maquis.

Cette situation conduit certains enseignants à appliquer le règlement intérieur avec délicatesse, pour ne pas créer des situations de conflit. Mais il est difficile de faire le tri pour savoir qui, parmi tous ces enfants, faisait partie ou non des groupes armés. «Ces enfants ont du mal à supporter les punitions, ils se sentent supérieurs aux autres et parfois, se rebellent», signale D.G., surveillant. Pour lui, avant d’infliger une sanction à un élève, il faut d’abord lui faire comprendre son erreur. «Un enfant peut vous demander en quoi vous êtes meilleur ou supérieur à ceux qui sont tombés sous les balles», souligne-t-il.

 

Le rêve de devenir cadre supérieur

Avec courage et détermination, certains arrivent cependant à s’en sortir. C’est le cas d’une trentaine d’anciens enfants soldats qui, grâce à l’appui d’associations de la localité de Bukavu, poursuivent avec enthousiasme des études supérieures. Pour eux, passer de la kalachnikov au crayon à bille n’est pas sans difficulté. Aganze, étudiant, a été soldat pendant trois ans dans quatre groupes armés: «le Bureau pour le volontariat au service de l’éducation et de la santé m’a démobilisé en 2003, lorsque des caches d’armes ont été découvertes dans la ville. Il m’a gardé pendant 3 mois dans son centre de transit et d’orientation avant de me faire inscrire en 4ème humanités pédagogiques à l’Institut Hodari» témoigne-t-il. Son camarade Papy Miruho a été démobilisé en 2004, après s’être volontairement engagé en 2000 dans la rébellion du Rassemblement congolais pour la démocratie RCD pour, dit-il, venger sa famille pillée par les combattants hutus des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR). «Je fais les sciences politiques pour devenir un cadre de ce pays», rêve-t-il. S’il regrette les souffrances endurées dans ces divers groupes armés, ses années militaires lui ont cependant forgé le courage et l’endurance: «Les bleusailles (le bizutage des nouveaux étudiants, Ndlr) étaient pour moi un petit jeu à côté de ce que j’avais vécu. Je parcourais des centaines de kilomètres à pied. Beaucoup de mes collègues sont morts au front». L’assiduité et la détermination de ces anciens enfants soldats forcent l’admiration des enseignants de l’Institut supérieur pédagogique dont les statistiques révèlent que 70% ratent la première année à l’université. Mais leur persévérance finit par payer.

 

L’espoir renaît

Si ce n’est pas l’encadrement dans un établissement d’enseignement supérieur, c’est souvent par des initiatives individuelles que les ex-enfants soldats arrivent à retrouver une place dans la société, en suivant une formation à un métier par exemple. Qui mieux qu’un ancien enfant soldat peut comprendre le drame de ces enfants. Nizeyimana Seleman, enfant soldat (kadogo) lors du génocide rwandais de 1994, a créé un centre de formation aux métiers, destiné aux enfants qui ont vécu le même sort que lui. Grâce à lui, 80 anciens enfants de la rue et ex-soldats apprennent la soudure, l’électricité et la couture et plus de 300 lauréats du centre travaillent et gagnent leur vie du métier qu’ils ont appris. Les jeunes lui sont reconnaissants, comme Omar, jeune soudeur de Kayonza, ancien enfant soldat devenu ensuite enfant de la rue: «Seleman m’a forgé et a fait ce que je suis aujourd’hui. Il m’a recueilli et initié aux divers métiers. Maintenant, je gagne ma vie et prends en charge mes deux petits frères». Seleman est non seulement convaincu d’avoir fait le bon choix mais la réussite des enfants l’encourage à poursuivre son engagement.

D’après les chiffres communiqués par le Bureau pour le volontariat au service de l’éducation et de la santé (Bves), depuis septembre 2002, 2 072 enfants venus de vingt groupes et forces armées, dont 200 filles ont pu être rééduqués grâce au travail du Bureau. Selon les propos de Murhabazi Namegabe qui travaille au Bves depuis 14 ans, «contrairement aux ex-enfants soldats rééduqués dans d’autres provinces de la RDC, ceux du Sud-Kivu n’ont pas de problèmes de réinsertion dans la société. L’Unicef a relevé un taux de réussite de 70 % sur les ex-enfants soldats passés au Centre de transit et d’orientation».

Jacques Kikuni,
Evariste Mahamba et

Albert-Baudouin Twizeyimana (Rwanda)

 Infosud


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